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Mali: inquiétudes au Conseil de sécurité face à l’augmentation des violations des droits humains, alors que le renouvellement du mandat de la MINUSMA se profile

Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, M. El-Ghassim Wane, a fait part aux membres du Conseil de sécurité, ce matin, d’une forte augmentation des violations des droits de l’homme dans le pays, dont les auteurs présumés seraient des membres tant des groupes extrémistes que des forces de sécurité maliennes positionnées dans le centre du Mali. 

 

En outre, comme le dernier rapport sur les droits de l’homme de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) mentionne des « éléments militaires étrangers », les délégations occidentales ont souligné cette présence en y voyant une référence explicite au groupe Wagner « soutenu par la Fédération de Russie », selon le Royaume-Uni.  Les forces du groupe Wagner auraient commis de terribles atteintes aux droits de l’homme partout où elles sont passées, ont déclaré les États-Unis.  Plusieurs délégations ont décrié le laxisme des autorités maliennes en ce qui concerne les enquêtes relatives à ces violations et ont insisté sur la nécessité, pour les opérations antiterroristes, de respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire.

« Nous n’avons reçu aucune plainte de nos partenaires africains », a objecté la Fédération de Russie qui n’a pas manqué de dénoncer les insinuations des pays occidentaux sur les prétendues violations perpétrées par l’armée malienne avec l’appui d’instructeurs russes.  Elle a dit qu’aucune preuve n’a été produite quant à l’existence alléguée de charnier au Mali.

À l’avenir, le succès des opérations dirigées par le Mali dépendra de deux facteurs, a prévenu le Représentant spécial: une approche globale qui réponde aux enjeux institutionnels, de gouvernance et socioéconomiques; et le respect des droits humains et du droit international humanitaire.  Ce n’est pas seulement une question d’éthique mais aussi d’efficacité opérationnelle, car le soutien des populations est une condition sine qua non pour le succès de la contre-insurrection, a-t-il argué.

M. Wane a d’ailleurs relevé que le manque de confiance entre les parties signataires a compliqué les efforts visant à faire avancer le processus de paix et que le Comité de suivi de l’Accord ne s’est pas réuni depuis octobre 2021.  Il a toutefois fait part de deux décrets pris par le Président de la Transition, les 6 et 10 juin, étendant de 24 mois la transition à partir du 26 mars 2022 et créant une commission de rédaction d’un avant-projet de constitution qui doit finaliser son travail dans un délai de deux mois.

Sur le plan sécuritaire, M. Wane s’est inquiété de l’instabilité, particulièrement le long de la zone des trois frontières et dans le centre du Mali.  Il a parlé d’attaques dans la région de Ménaka qui ont fait des centaines de morts et de déplacés, face à quoi la MINUSMA a établi des plans d’urgence pour renforcer temporairement sa présence grâce à la relocalisation de troupes et à des capacités supplémentaires.  Cela démontre la nécessité de veiller à l’allocation de ressources et de capacités nécessaires à la Mission, y compris des hélicoptères armés, a-t-il commenté.

La Directrice de l’ONG Mali Muso, l’écrivaine Sadya Touré, a, elle, alerté sur la fermeture de nombreuses écoles, ce qui affecte plus de 400 000 enfants, et plaidé pour que l’emploi des jeunes soit une priorité.  M. Wane a d’ailleurs résumé la situation humanitaire du Mali en citant les 7,5 millions de personnes qui auront besoin d’assistance humanitaire en 2022 selon les estimations, contre 5,9 millions en 2021.  Or jusqu’à présent, seuls 11,1% des 686 millions de dollars demandés pour 2022 ont été mobilisés.

Le mandat de la MINUSMA, qui arrive à échéance à la fin du mois et que le Secrétaire général a recommandé de renouveler pour un an de plus, a suscité de nombreux commentaires des membres du Conseil.  D’après le Représentant spécial, les opérations terrestres et aériennes de la Mission ont été entravées ces derniers mois, tandis que la rotation du personnel en uniforme d’Afrique de l’Ouest a été retardée.  Porte-plume sur le Mali, la France a proposé, lors du renouvellement du mandat, de soutenir la revue interne envisagée par le Secrétaire général pour clarifier les relations avec l’État hôte et modifier éventuellement la configuration de la Mission.  La France continuera à apporter un soutien sur le plan aérien, a assuré le représentant, notamment pour la sécurité des soldats de la paix.

Le Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali a pour sa part jugé essentiel de centrer le mandat de la MINUSMA sur la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur tout le territoire.  M. Abdoulaye Diop a aussi demandé que le mandat renouvelé tienne compte de la montée en puissance des forces maliennes, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes, assurant par ailleurs que le Gouvernement malien n’a pris aucune mesure restrictive visant particulièrement la Mission.  Les A3 (Gabon, Ghana et Kenya) ont plaidé pour une MINUSMA qui soit soutenue notamment en matière de contingents et de renforcement des capacités sur les mesures antiterroristes.  Mais pour l’Inde, les opérations antiterroristes sont de la responsabilité des forces de sécurité nationales et ne doivent pas être confiées à la Mission.  La Fédération de Russie a, elle, jugé que ce n’est pas le moment d’ajuster le mandat de la MINUSMA et de lui assigner de nouvelles missions.

Le Ministre malien a également plaidé pour la levée prochaine des sanctions contre son pays, soutenu par Mme Touré ainsi que la Chine, le Brésil, le Mexique et la Russie, notamment.  Il a également saisi cette occasion pour exprimer son « opposition ferme » à l’intervention sur son territoire de la force de l’opération française Barkhane, après la décision unilatérale de retrait de ladite force et la dénonciation par le Mali des accords de défense avec la France.  M. Diop a, enfin, expliqué que le retrait du Mali du G5 Sahel est une décision souveraine, ce que plusieurs membres du Conseil ont regretté, dont les A3 et l’Irlande.  Le G5 Sahel n’a plus vocation à intervenir sur le territoire malien, a déclaré le Ministre.

LA SITUATION AU MALI – S/2022/446, S/2022/448

Déclarations

M. El-GHASSIM WANE, Représentant spécial du Secrétaire général pour le Mali, a relevé qu’au cours des trois derniers mois, la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) a continué à mettre en œuvre son mandat, sur la base de ses trois priorités stratégiques.  Depuis janvier, la Mission est restée impliquée dans les efforts visant à surmonter l’impasse liée à la durée de la transition.  Le 4 juin, à Accra, la Conférence des chefs d’État et de gouvernement de la CEDEAO a examiné de nouveau la situation et a demandé au Médiateur de poursuivre le dialogue pour parvenir à un accord d’ici son Sommet ordinaire du 3 juillet prochain.  Subséquemment, le Président de la Transition a pris deux décrets, respectivement les 6 et 10 juin, formalisant une extension de 24 mois de la transition à partir du 26 mars 2022, et créant une commission de rédaction d’un avant-projet de constitution qui doit finaliser son travail dans un délai de deux mois.  L’adoption du projet de loi électorale, un processus également appuyé par la MINUSMA, est prévue au cours de ce mois, a dit le Représentant spécial en notant que cela permettra de prévoir l’opérationnalisation de l’organe indépendant unique de gestion des élections.  Il a précisé que l’incertitude liée à la durée de la transition a rendu plus difficile la réalisation d’avancées dans certains domaines, dont l’engagement soutenu en faveur de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation de 2015.

M. Wane a relevé que les efforts pour faire avancer le processus de paix ont été compliqués par le manque de confiance entre les parties signataires, et que le Comité de suivi de l’Accord ne s’est pas réuni depuis octobre 2021.  Dans ce contexte, la MINUSMA et l’Algérie, en tant que chefs de file de la médiation internationale, ont mené des efforts soutenus pour encourager la mise en œuvre effective de l’Accord de paix.

M. Wane a indiqué que la situation sécuritaire reste instable et est particulièrement préoccupante le long de la zone des trois frontières et dans le centre du Mali.  Il a parlé d’attaques dans la région de Ménaka qui ont fait des centaines de morts et de déplacés.  Et bien que ces développements aient des liens avec des dynamiques locales de traite, ils se déroulent également dans le contexte du redéploiement des forces de l’opération Barkhane et Takuba.  À Ménaka, la MINUSMA a établi des plans d’urgence pour renforcer temporairement sa présence grâce à la relocalisation de troupes et de capacités supplémentaires.  M. Wane a rendu hommage à la mémoire de tous les soldats de la paix qui ont perdu la vie depuis le début de la Mission, expliquant que leur sacrifice ultime illustre les défis et les complexités de la situation.  De même, cela souligne la nécessité de veiller à ce que la Mission dispose de ressources et capacités nécessaires, y compris des hélicoptères armés.  Dans le centre du pays, l’insécurité continue d’être alimentée par une combinaison de conflits intercommunautaires, de problèmes de gouvernance de longue date et des groupes d’extrémistes violents ciblant des civils et leurs moyens de subsistance, ainsi que des attaques contre les Forces de défense et de sécurité maliennes et la MINUSMA.

À l’avenir, le succès des opérations dirigées par le Mali dépendra de deux facteurs, a prédit le Représentant spécial: une approche globale qui réponde aux enjeux institutionnels, de gouvernance et socioéconomiques; et le respect des droits humains et du droit international humanitaire.  Ce n’est pas seulement une question d’éthique mais aussi d’efficacité opérationnelle, car le soutien des populations est une condition sine qua non pour le succès de la contre-insurrection, a-t-il argué.  Il a indiqué que, de janvier à mars 2022, les violations des droits de l’homme ont fortement augmenté, entraînant la mort de 543 personnes contre 128 au trimestre précédent.  La liste des auteurs présumés de ces violations inclut non seulement des groupes extrémistes, mais aussi les forces de sécurité maliennes dans le centre du Mali.

L’environnement sécuritaire a aggravé la situation humanitaire dans le pays, a déploré M. Wane.  En 2022, 7,5 millions de personnes auront besoin d’assistance humanitaire, contre 5,9 millions en 2021.  Le nombre total de déplacés s’élève à 370 000 et plus de 1,8 million de personnes auront un besoin immédiat d’aide alimentaire d’ici au mois d’août, soit le plus haut niveau enregistré depuis 2014.  Jusqu’à présent, seuls 11,1% des 686 millions de dollars demandés pour 2022 ont été mobilisés, a-t-il déploré.  Il a rappelé que le Secrétaire général de l’ONU a appelé à la prorogation du mandat de la MINUSMA pour une autre année.  Il a constaté, ces derniers mois, que la MINUSMA a été entravée dans ses opérations terrestres et aériennes, et qu’elle a connu d’importants retards dans la rotation du personnel en uniforme d’Afrique de l’Ouest.  Il a souligné à quel point la liberté de mouvement est essentielle à la réalisation du niveau d’efficacité souhaité.  Si les défis au Mali sont nombreux et complexes, ils sont loin d’être insurmontables, a-t-il conclu.

Mme SADYA TOURÉ, Directrice de l’ONG Mali Muso et écrivaine, a souligné que la population malienne est aujourd’hui confrontée à des défis à la fois sécuritaires, politiques, sociaux, institutionnels et économiques.  Dans ce contexte de crise de la protection pour les civils, elle s’est déclarée préoccupée par la dégradation des relations diplomatiques entre le Mali et ses partenaires internationaux, souhaitant que son pays ne devienne pas un terrain de confrontation entre grandes puissances.  Alors que les autorités de transition ont fixé la période de transition à 24 mois à partir de mars 2022, la représentante de la société civile a fait état d’une fragmentation de la scène politique et d’un rétrécissement de l’espace démocratique.  Elle s’est également dite inquiète de la situation sécuritaire, notamment dans le centre et le nord du pays, où des groupes armés et terroristes commettent de graves violations contre les civils.

Constatant que les confrontations entre ces groupes et les Forces armées maliennes ont provoqué des déplacements massifs de population, elle a averti que les femmes et les filles sont de plus en plus victimes de violences sexuelles et ne sont plus en sécurité nulle part.  Elle a par ailleurs alerté sur la fermeture de nombreuses écoles, ce qui affecte plus de 400 000 enfants.  Ces derniers ont grandi dans un environnement violent et ont pour seul choix de partir, au péril de leur vie, ou de rester, au risque d’être enrôlés dans des groupes armés.  Mme Touré a donc plaidé pour que l’emploi des jeunes soit une priorité, car le développement durable et la consolidation de la paix en dépendent.  De même, a-t-elle ajouté, il ne faut pas que l’augmentation du budget de la défense impacte des secteurs comme l’éducation, la santé, l’accès à l’eau et à l’électricité.  Le manque d’accès à ces services de base aggrave les conflits, a mis en garde la représentante, avant de dénoncer les sanctions imposées à son pays par la CEDEAO, regrettant que les résolutions du Conseil de sécurité concernant le Mali n’aient que peu d’effets sur le terrain.  Avant de conclure, Mme Touré a demandé au Conseil de faire en sorte que la MINUSMA soit capable d’opérer aux côtés des Forces armées maliennes pour combattre les terroristes.  Elle a aussi appelé la communauté internationale, l’Union africaine, la CEDEAO et le Gouvernement de transition à se pencher sur l’urgence sécuritaire et humanitaire et à travailler ensemble à la levée immédiate des sanctions.  Enfin, elle a souhaité que les partenaires du Mali continuent d’accompagner son pays pour contribuer à la mise en œuvre des réformes et à la tenue des élections.

M. NICOLAS DE RIVIÈRE (France) a parlé de situation « dramatique » au Mali, où près de 2 millions de personnes ont besoin d’aide alimentaire, alors que les actions meurtrières des groupes terroristes se poursuivent et que les violences contre les civils atteignent des niveaux inégalés.  Favorable à une prolongation d’un an du mandat de la MINUSMA, il a prévenu que les autorités de transition maliennes doivent prendre leurs responsabilités et ne pas entraver les activités de la Mission.  La MINUSMA doit pouvoir accéder aux zones concernées pour mener ses enquêtes et publier ses rapports dans des délais raisonnables, a-t-il notamment souhaité.  De son côté, la MINUSMA doit faire mieux, en particulier pour protéger plus efficacement les civils, a demandé le délégué qui a proposé, lors du renouvellement du mandat, de soutenir la revue interne envisagée par le Secrétaire général.  Les objectifs sont notamment de clarifier les relations avec l’État hôte et de déterminer les modifications éventuelles à apporter à la configuration de la Mission, a-t-il rappelé avant de préciser le soutien qu’entend poursuivre la France sur le plan aérien à la MINUSMA, un soutien nécessaire à la sécurité des Casques bleus notamment.

M. HAROLD ADLAI AGYEMAN (Ghana) s’est exprimé au nom des A3 (Gabon, Ghana et Kenya).  Il s’est inquiété de la situation politique au Mali, tant de la lenteur des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix d’Alger que de l’absence de calendrier de transition.  Il a exhorté les autorités de transition à continuer de s’engager positivement avec la CEDEAO sur cette dernière question avant son prochain sommet de juillet.  Prenant note de la décision des autorités maliennes, le 6 juin, de prolonger la période transitoire de 24 mois, il a dit espérer que cela ne compromettra pas les efforts visant à rechercher une solution acceptable par toutes les parties.

Concernant le renouvellement du mandat de la MINUSMA, il a plaidé pour qu’il soit adapté à ses objectifs.  Il a ainsi demandé un soutien plus important en matière de contingents, de renforcement des capacités sur les mesures antiterroristes et de soutien logistique, y compris pour le transport aérien.  Mais même avec un mandat approprié donné par le Conseil, il n’y aura pas de résultats positifs sans la coopération des autorités hôtes, a-t-il prévenu.  Le délégué s’est dit également préoccupé par la sûreté et la sécurité des troupes de maintien de la paix de l’ONU au Mali.  Il a appelé à une évaluation détaillée des différences de capacité entre les troupes de l’ONU et celles de l’armée malienne pour déterminer les stratégies à déployer afin de combler les lacunes.  Il a aussi noté le retard dans la rotation des contingents, sachant que certaines troupes ont passé plus d’un an avec la MINUSMA par suite du non-octroi des autorisations de vol.  Cela affecte la discipline, le contrôle et l’efficacité opérationnelle, a-t-il souligné en craignant un impact sur les objectifs de la Mission.  Il a demandé au Secrétaire général de résoudre ce problème le plus tôt possible avec les autorités de transition.

Le délégué a ensuite exprimé le regret des A3 quant à la décision du Mali de se retirer de la Force conjointe du G5 Sahel, après les décisions de retrait des forces françaises et autres partenaires du Mali.  Il a souligné la nécessité d’une coopération, d’une coordination et d’une complémentarité des efforts entre les acteurs opérant dans la région tels que la MINUSMA, la Force multinationale mixte, le Processus de Nouakchott et l’Initiative d’Accra, ainsi que les États Membres agissant individuellement et les communautés et mécanismes économiques régionaux.  Le représentant a encouragé une plus grande attention aux causes profondes du terrorisme au Sahel.  Pour cela, le Gouvernement malien doit gagner la confiance des populations en embrassant la diversité ethnique, régionale et politique du Mali.  De même, pendant et après la transition vers un régime civil, il est essentiel que l’État prenne des mesures militaires contre les groupes terroristes, en même temps qu’il promeuve la diversité.  Les A3, a-t-il poursuivi, encouragent les autorités maliennes à mener des enquêtes rapides de manière à permettre la poursuite des auteurs des crimes atroces contre les populations.  Le délégué s’est aussi préoccupé de la détérioration de la situation humanitaire, du fait de l’insécurité accrue, des changements climatiques, de l’insécurité alimentaire et de la pandémie de COVID-19.  Il a réitéré l’appel lancé par le Secrétaire général pour un soutien urgent des donateurs afin de combler le déficit de 651 millions de dollars pour l’aide humanitaire au Mali.

M. ZHANG JUN (Chine) a jugé urgent d’appuyer les efforts antiterroristes du Mali et dit soutenir le droit qu’a le Gouvernement malien de mener une action avec ses partenaires régionaux pour « construire un mur contre le terrorisme ».  Le G5 Sahel est un instrument important et peut pleinement jouer son rôle s’il limite les influences extérieures, a-t-il dit.  Il a également plaidé pour que les mesures antiterroristes soient conduites dans le respect des droits humains, tout en mettant en garde contre une politisation de ces questions.  Prenant note du nouveau calendrier annoncé pour la période de transition et la tenue d’élections, il a rappelé que la Chine a toujours soutenu le principe d’un règlement des question africaines par les Africains eux-mêmes.  Il a donc encouragé le Gouvernement malien à poursuivre ses échanges avec la CEDEAO afin de parvenir à un accord sur la transition et à une levée des sanctions.  Il importe aussi, selon lui, que la communauté internationale aide au renforcement des capacités de l’État malien afin qu’il puisse étendre son autorité et surmonter ses difficultés politiques, sécuritaires et humanitaires.  Dans ce contexte, la MINUSMA doit assumer ses responsabilités et maintenir le rétablissement de l’autorité de l’État dans le nord et dans le centre, a plaidé le représentant.  La Mission doit en outre renforcer sa coordination avec les pays concernés et utiliser au mieux ses ressources.  Enfin, après les lourdes pertes qu’elle a essuyées, tout doit être fait pour minimiser les risques sécuritaires qu’elle encourt, a-t-il conclu.

M. JOÃO GENÉSIO DE ALMEIDA FILHO (Brésil) a appuyé les efforts de l’armée malienne contre les groupes terroristes.  Il a estimé que les autorités de transition devraient reprendre leur coopération avec le G5 Sahel et cesser toute entrave aux activités de la MINUSMA et aux relèves des contingents.  Il a jugé encourageante la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et exhorté les autorités à achever la transition en définissant notamment un calendrier électoral réaliste.  Ces autorités devraient coopérer avec la CEDEAO en vue d’une levée des sanctions, a prôné le délégué, en souhaitant une normalisation des relations du Mali avec les pays voisins.  Il a déploré les violations des droits humains commises par l’armée malienne et les combattants étrangers et demandé une enquête.  Enfin, concernant le renouvellement du mandat de la MINUSMA, le délégué a indiqué que son pays est prêt à jouer un rôle constructif afin que la Mission soit à la hauteur des défis.

M. RICHARD M. MILLS (États-Unis) a rappelé que ceux qui attaquent les civils et les forces de maintien de la paix sont passibles de sanctions du Conseil de sécurité.  Il a souligné l’importance de la MINUSMA qui est installée depuis une dizaine d’années dans le pays et averti que le succès de toute mission de maintien de la paix dépend de la volonté des parties à parvenir à une paix durable.  Or, il a constaté que le Comité de suivi de l’Accord d’Alger ne s’est pas réuni depuis octobre dernier.  Il a aussi regretté que les autorités de transition n’aient pas annoncé la date des prochaines élections.  Il a pris note en revanche de l’annonce d’une transition de 24 mois, même si les États-Unis ne l’approuvent pas.  Le délégué a demandé la mise en œuvre d’un mécanisme de suivi de la transition.  Il s’est inquiété de l’augmentation spectaculaire d’exactions contre les civils de la part des groupes terroristes, des forces de sécurité nationales et des forces extérieures connues comme le groupe Wagner.  Il a déploré que les autorités refusent depuis des mois l’accès au site des crimes de Moura, alors que la Mission doit y mener des enquêtes sur le massacre qui s’y est déroulé.  Les forces du groupe Wagner auraient commis de terribles atteintes aux droits de l’homme partout où elles sont passées, a-t-il confié, affirmant que « le groupe Wagner n’apportera pas la paix au Mali ».  Les autorités doivent en outre permettre à la MINUSMA de mener à bien son mandat au Mali, en évitant par exemple les restrictions de déplacement, a plaidé le représentant.

M. JUAN RAMÓN DE LA FUENTE RAMÍREZ (Mexique) a déploré les retards importants dans la mise en œuvre de l’Accord de paix.  Prenant note de la décision des autorités maliennes d’effectuer la transition dans un délai de 24 mois, il a exhorté le Gouvernement à intensifier ses contacts avec la CEDEAO afin de garantir la tenue d’élections à l’issue de cette période.  Il a également souhaité qu’un accord intervienne avec la CEDEAO pour lever progressivement les sanctions régionales.  Le représentant a ensuite salué les efforts des autorités maliennes pour lutter contre le terrorisme, avant de réitérer son appel au respect des droits humains et du droit international humanitaire.  À ce sujet, il s’est dit préoccupé par les allégations d’abus et de violations des droits de l’homme, rappelant au Gouvernement son obligation d’enquêter et de sanctionner les coupables d’actes tels que ceux signalés à Moura.  Il a aussi rappelé que la MINUSMA peut contribuer à cette tâche et a demandé aux autorités de coopérer à cette fin avec la Mission.  Face à la violence des groupes armés, une réponse militaire ne suffit pas, a-t-il souligné, estimant que le développement des services de base par l’État et la participation régionale sont également indispensables.  La coopération régionale est ainsi le seul moyen d’améliorer les contrôles aux frontières et de mettre fin au trafic illicite d’armes au Sahel, a-t-il insisté, non sans regretter la décision du Mali de se retirer du G5 Sahel.  Pour finir, le délégué a appelé le Conseil à renouveler unanimement le mandat de la MINUSMA et au renforcement de ses capacités.  Il a conclu en demandant aux autorités maliennes de respecter l’accord sur le statut de la force et de garantir la liberté de mouvement de la Mission.

Mme AMEIRAH OBAID MOHAMED OBAID ALHEFEITI (Émirats arabes unis) a dit attendre avec intérêt l’analyse du Secrétaire général sur l’adaptation de la MINUSMA.  Elle a appelé à la pleine mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation et exhorté le Conseil à agir pour éviter une famine au Mali, compte tenu de l’impact des changements climatiques.  Elle a d’ailleurs regretté l’insuffisance des fonds concédés aux pays vulnérables à ce phénomène.

Mme GERALDINE BYRNE NASON (Irlande) a exprimé ses condoléances à la MINUSMA et aux familles des Casques bleus morts récemment au Mali.  Elle a appelé les autorités maliennes à faciliter le travail crucial de la MINUSMA, s’inquiétant à ce sujet des restrictions imposées à la Mission, notamment à ses actions d’enquête, alors que des civils sont attaqués par des djihadistes, des milices, des groupes d’autodéfense et des membres des Forces armées maliennes.  Constatant que l’augmentation des violations attribuées aux Forces de défense et de sécurité maliennes a eu lieu depuis la récente mise en place de partenariats avec des personnel de sécurité, notamment avec le groupe Wagner, elle a exhorté les autorités maliennes à prendre des mesures pour résoudre ce problème.  De même, alors que le nombre de civils tués au premier trimestre de cette année a été multiplié par trois, elle a demandé des enquêtes rapides et transparentes, pour que les auteurs soient jugés.  Pour voir des progrès durables dans la lutte contre le terrorisme, elle a recommandé de respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire.  La déléguée a également plaidé pour qu’un accès humanitaire sans entrave soit garanti dans tout le Mali et que les travailleurs humanitaires soient protégés.  Enfin, après avoir souhaité qu’un accord de calendrier permette le retour à l’ordre constitutionnel et la tenue des élections libres, équitables et inclusives, elle a encouragé les autorités maliennes à s’engager constructivement avec la CEDEAO, l’Union africaine et l’ONU, tout en regrettant que le pays soit sorti du G5 Sahel.

M. ODD INGE KVALHEIM (Norvège) a constaté que deux ans après que les militaires ont pris le pouvoir par la force, les crises politiques, sécuritaires et humanitaires persistent, dénonçant les violations des droits humains et autres exactions commises, y compris par les Forces armées maliennes et le groupe Wagner.  Conformément à son mandat, la MINUSMA devrait pouvoir enquêter sur ce qui s’est passé à Moura.  Pour avancer, le Mali doit d’abord trouver de toute urgence un accord avec la CEDEAO sur le retour à l’ordre constitutionnel.  Il doit ensuite assurer des progrès dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et enfin, rétablir la présence de l’État et les services de base partout, y compris dans le nord.  Quant au Conseil de sécurité, il doit consolider le mandat de la MINUSMA, a dit le représentant qui a aussi appuyé la mise en place d’un bureau d’appui des Nations Unies à la Force conjointe du G5 Sahel.  Il a aussi appelé à une évaluation stratégique conjointe ONU-Union africaine sur la sécurité au Sahel pour avoir des recommandations claires.  Il faut, s’est-il expliqué, une discussion approfondie sur une force antiterroriste robuste, dirigée au niveau régional.

Mme ANNA M. EVSTIGNEEVA (Fédération de Russie) a souligné la nécessité de protéger la population et de restaurer l’ordre constitutionnel.  Elle a pris note de la durée de transition fixée par les autorités de transition et encouragé la CEDEAO à lever les sanctions.  Le peuple malien doit garder le contrôle en ce qui concerne la transition, a dit la déléguée, en mettant en garde contre toute tenue hâtive d’élections qui ne ferait que déstabiliser la situation.  « La sécurité est la priorité absolue. »  L’intention des Maliens de chercher un soutien technique auprès d’autres partenaires comme la Russie s’explique aisément, a dit la déléguée, en ajoutant que ladite coopération a déjà produit des résultats: les régions du centre et du nord sont en train d’être libérées.  Elle a rappelé l’ancienneté de la coopération entre la Russie et le Mali et d’autres pays africains.  « Nous n’avons reçu aucune plainte de nos partenaires africains. »

La représentante russe a dénoncé les insinuations des pays occidentaux sur les prétendues violations perpétrées par l’armée malienne avec l’appui d’instructeurs russes.  Elle a dit qu’aucune preuve n’a été produite quant à l’existence alléguée de charnier au Mali.  Tout État a le droit de choisir comment il entend assurer la sécurité, a tranché la déléguée.  Elle a déclaré que la vulnérabilité des pays africains est à chercher dans le colonialisme.  Celui-ci n’a pas disparu et a été remplacé par une « domination par contrat », a déclaré la déléguée, en demandant que des solutions africaines soient apportées aux défis africains.  Enfin, elle a dit que ce n’est pas le moment d’ajuster le mandat de la MINUSMA et de lui assigner de nouvelles missions.

Plus de deux mois se sont écoulés et la MINUSMA n’a toujours pas accès à Moura, s’est impatienté M. JAMES KARIUKI (Royaume-Uni).  Invoquant le dernier rapport de la Mission sur les droits de l’homme, il a souligné que l’incident n’est pas isolé et que l’on voit une augmentation significative du nombre des violations des droits par les Forces de défense et de sécurité maliennes, avec l’implication de soi-disant « éléments militaires étrangers ».  Il est clair qu’il s’agit du groupe Wagner soutenu par la Fédération de Russie, a accusé le délégué, insistant sur le fait que les opérations antiterroristes doivent obéir aux droits de l’homme et au droit international humanitaire.  Le représentant a conclu, en encourageant les autorités maliennes à poursuivre le dialogue avec la CEDEAO.  Il a soutenu le renouvellement du mandat de la MINUSMA et la proposition du Secrétaire général d’examiner la meilleure façon pour la MINUSMA de réaliser les actions prioritaires de son mandat.

M. T. S. TIRUMURTI (Inde), s’alarmant de l’augmentation des attaques contre les Casques bleus au Mali, a appelé à une action rapide de toutes les parties prenantes pour mettre en œuvre la résolution 2589 (2021), traduire les coupables en justice et établir la responsabilité de ces crimes.  Il a estimé que l’absence d’accord sur la feuille de route transitoire a un impact négatif sur les activités de la MINUSMA, ainsi que sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation.  Il s’est inquiété de la grave menace posée par les groupes terroristes qui étendent leurs opérations dans la région du Sahel et dans d’autres régions du continent.  Selon lui, la région tri-frontalière (Mali, Niger et Burkina Faso) concentre ces groupes terroristes en raison du vide sécuritaire créé par le départ des forces internationales et du manque de coopération entre les acteurs internes de la Force conjointe du G5 Sahel.  Dans ce contexte, il a enjoint les pays du G5 Sahel à surmonter leurs différends pour permettre à cette force de reprendre ses opérations.  Il a ensuite souhaité qu’un accord sur la transition ouvre la voie à mise en œuvre effective de l’Accord de paix et conduise à des élections dans le délai convenu.  Invitant les autorités maliennes à surmonter la crise politique à travers un dialogue inclusif et des processus démocratiques, il a jugé essentielle la contribution de la MINUSMA à ces efforts.  Il a cependant estimé que la Mission ne doit pas être chargée d’opérations antiterroristes, celles-ci étant de la responsabilité des forces de sécurité nationales, qui ont une meilleure connaissance du terrain.  Enfin, il a plaidé pour une augmentation des effectifs de la Mission, comme proposé par le Secrétaire général en juillet 2021, afin qu’elle soit en mesure de protéger son personnel, ses convois et ses camps, ce qui suppose des ressources supplémentaires.

Mme ALBANA DAUTLLARI (Albanie) a condamné les récentes attaques perpétrées contre la MINUSMA et le personnel de la Croix-Rouge au Mali, avant d’appeler les autorités maliennes à enquêter sur ces attaques et à établir les responsabilités.  Constatant que la poursuite de l’offensive des groupes djihadistes a amplifié la crise humanitaire dans le pays, elle a jugé crucial qu’une solution soit rapidement trouvée à l’impasse politique entre Bamako et la CEDEAO pour envisager une levée des sanctions lors du sommet du 3 juillet prochain.  À ses yeux, le Mali a besoin d’une feuille de route claire vers le rétablissement de l’ordre constitutionnel et la société civile doit être associée à tout plan de transition élaboré par les autorités maliennes.  S’agissant de la nette augmentation des violations des droits humains et du droit international humanitaire documentées par la MINUSMA, la représentante a relevé que cette tendance alarmante s’est accentuée avec la présence du groupe Wagner et les opérations conjointes qu’il a menées avec les Forces armées maliennes.  Enfin, considérant que la présence de la MINUSMA demeure plus nécessaire que jamais, elle a souhaité qu’à l’approche du renouvellement de son mandat, l’accent soit mis sur la protection des civils et la promotion des dividendes de la paix de l’Accord d’Alger.  À cet égard, elle a exhorté les autorités maliennes à autoriser pleinement et sans restriction l’action de la MINUSMA pour qu’elle s’acquitte de son mandat.

M. ABDOULAYE DIOP, Ministre des affaires étrangères et de la coopération internationale du Mali, a déclaré que son gouvernement reste pleinement engagé dans la mise en œuvre « diligente et intelligent » de l’Accord pour la paix et la réconciliation, qui a connu des avancées notoires, notamment sur les plans politique, sécuritaire, du développement, de la justice et de la réconciliation.  Il a fait valoir que la montée en puissance des Forces armées maliennes avait produit des résultats probants sur le terrain: la neutralisation d’importants membres de katibats terroristes, la récupération des matériels, la libération des localités du joug des terroristes, la destruction des sanctuaires terroristes et le retour de populations déplacées.

Concernant le renouvellement du mandat de la MINUSMA, le Ministre a jugé essentiel de le centrer sur la protection des populations civiles et l’appui au rétablissement de l’autorité de l’État sur l’ensemble du territoire.  Il a jugé à cet égard indispensable de mieux définir la notion de protection des civils dans un contexte de guerre asymétrique.  M. Diop a aussi demandé que le mandat de la MINUSMA prenne obligatoirement en compte la montée en puissance des forces maliennes, qui sont désormais en première ligne face aux groupes terroristes.  Le Ministre a ensuite exprimé son « opposition ferme » à l’intervention sur son territoire de la force de l’opération française Barkhane, après la décision unilatérale de retrait de ladite force et la dénonciation par le Mali des accords de défense avec la France.  « Nous en appelons au respect de la souveraineté du Mali et des décisions prises par les autorités maliennes à cet égard. »

Après avoir déclaré que le Gouvernement malien n’a pris aucune mesure restrictive visant particulièrement la MINUSMA, le Ministre a espéré une levée très prochaine des sanctions.  Enfin, M. Diop a expliqué que le retrait du Mali du G5 Sahel est une décision souveraine, en réponse aux violations des traités fondateurs de l’Organisation, à la politique de deux poids, deux mesures et aux ingérences extérieures hostiles à l’égard d’un État membre fondateur.  « J’invite le Conseil de sécurité à prendre acte de cette décision et à en tirer toutes les conséquences dans la mise en œuvre du mandat de la MINUSMA », a-t-il conclu, en ajoutant que le G5 Sahel n’a plus vocation à intervenir sur le territoire malien.

à suivre…

Sourceun.org

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