Selon Boubacar Salif Traoré, directeur d’Afriglob et spécialiste des questions de sécurité et de développement dans le Sahel, les militaires ont arrêté les autorités de transition par instinct de survie.
Les militaires maliens mécontents du nouveau gouvernement annoncé par les autorités de transition ont arrêté le président et le Premier ministre lundi (24.05). Ce nouveau coup de force est le signe d’une certaine nervosité des militaires quant à leur avenir. L’analyse de Boubacar Salif Traoré, directeur d’Afriglob et spécialiste des questions de sécurité et de développement dans le Sahel.
Boubacar Salif Traoré: Il y a eu beaucoup de rumeurs qui ont circulé, notamment que le ministre de la Défense avait des liens très poussés avec la Russie. Celui-ci voulait que la Russie intervienne progressivement à la place de la France. Ce qui est sûr, c’est que le ministre de la Défense sortant avait effectué notamment ses études en Russie et avait dû interrompre ses études pour venir participer au putsch. Et ensuite, deuxièment, justement, étant les premiers acteurs du putsch début août, ils considèrent qu’ils doivent rester dans le gouvernement.
DW: Des Maliens à Bamako ne sont pas contents parce qu’ils estiment que les militaires ne sont mus que par leurs intérêts personnels.
Boubacar Salif Traoré: Malheureusement, on regarde cela comme un fi parce que très clairement, ces militaires qui manifestent leur mécontentement ont aussi besoin de protection. Ils ont participé à un coup d’État, ils savent les risques encourus. Sortir d’un gouvernement sans aucune garantie derrière peut pousser à cette situation.
DW: Est ce que la mansuétude de l’Union africaine et de l’ensemble de la communauté internationale envers les militaires tchadiens qui ont pris le pouvoir après le décès du président tchadien Idriss Déby Itno : est ce que cette mansuétude n’a pas donner des idées aux militaires maliens ?
Boubacar Salif Traoré: Ce qui est sûr, c’est qu’en Afrique, on regarde toujours ce qui se passe chez l’autre. Mais il y a aussi le fait que nous sommes dans un pays où il y a une forte présence de la communauté internationale. Récemment, il y a des journalistes étrangers qui avaient dit que le président de la transition commençait à prendre le contrôle de la situation et que la tendance était en train de s’inverser en faveur du président de la transition et de son Premier ministre. Tout ceci peut conduire à des mécontentements par certains militaires qui sont jaloux de leur pouvoir.
DW: Vous parlez de la communauté internationale: que peut elle faire, mise à part les condamnations de principe auxquels on assiste depuis hier ?
Boubacar Salif Traoré: Malheureusement, c’est tout ce que la communauté internationale peut faire. Il faut rappeler que la situation malienne est une situation très, très fragile. Le Mali constitue l’épicentre de la crise dans le Sahel. Si la situation malienne se dégrade, avec de l’autre côté une situation tchadienne quasi incertaine, avec un nouveau pouvoir installé au Niger. Cela commence à faire beaucoup… Donc, quelque part, il faut trouver le bon équilibre pour que tout ne s’effondre pas en même temps.