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Mali : gros nuages sur l’organisation du dialogue national, ce forum qui balise le terrain à la révision de la constitution

Le dialogue national projeté par le régime est loin de faire l’unanimité dans les milieux politiques et au sein de la société civile.  Beaucoup y voient une volonté du pouvoir de IBK d’atteindre un seul objectif : La révision de la constitution dictée de l’extérieur pour parvenir à l’application de l’accord d’Alger. Aussi, d’autres raisons poussent aujourd’hui certains partis politiques et des cadres à rejeter ces assises qui risquent de diviser davantage les Maliens si un consensus n’est pas trouvé avant sa tenue.

 

Si tous les acteurs s’accordent depuis sur la nécessite d’organiser des concertations pour évoquer les réformes institutionnelles, présentées comme indispensables, des tensions sont apparues sur les modalités pour y parvenir. Le dialogue annoncé suscite des réactions à plusieurs niveaux.

De façon générale, on observe un déphasage réel entre la pratique politique des gouvernants, leurs discours relatifs au dialogue et les attentes de l’opinion exprimées par différents acteurs sociopolitiques. Bien souvent, les lendemains de dialogue ont donné raison aux opposants, qui refusent de prendre part à des échanges dont l’issue est prévisible ou connue.

Doutes sur la démarche …

Sur le plan politique, de nombreuses voix s’élèvent contre la méthode choisie par le pouvoir. Aussi, dans un communiqué daté du mardi 20 août dernier et adressé au chef de gouvernement, la conférence des présidents de la Coalition des forces patriotiques (COFOP) annonce la suspension de sa participation aux travaux de l’organisation du dialogue politique inclusif en vue. La COFOP explique la raison de son refus de participer à ce dialogue par le fait que le gouvernement ne respecte pas les méthodes de son organisation. : « Aujourd’hui, nous constatons avec regret que la méthode utilisée est le placement de l’organisation du Dialogue politique inclusif sollicité par les partis de l’Opposition sous l’autorité des départements ministériels. Pour notre part cette manière de faire nous conduira directement au mur », indique le communiqué de la conférence des présidents de la COFOP.  Ajoutant que l’Exécutif n’est pas concepteur de l’objet du Dialogue politique inclusif qu’elles attendent. Pour cette coalition politique, les décisions issues du dialogue sont plutôt, sous l’autorité du Président de la République, à mettre infailliblement en œuvre par les départements ministériels. : « L’Exécutif net peut donc pas être juge et partie dans l’élaboration et la mise en œuvre des termes de références relatifs à l’organisation du dialogue politique que nous attendons », déplorent les responsables de la COFOP.

Ce refus de la Cofop intervient après de sérieuses réserves d’autres partis politiques ainsi que des organisations syndicales. Dans le lot, il y a les  des forces Alternatives pour le Renouveau et l’Émergence (FARE AN KA WULI) ; de la Confédération syndicale des Travailleurs du Mali (CSTM) ; le  Forum des Organisations de la Société Civile (FOSC) ; le Comité national d’Initiative Démocratique (CNID-Association) ; l’Alliance pour la Démocratie au Mali (A.DE.MA-Association ) , les partis politiques du front pour la sauvegarde de la démocratie regroupées au sein plateforme ‘’An Ko Mali Dron’’ ,.Ces partis et associations regroupés au  sein de la plateforme  dénoncent  la démarche solitaire  du pouvoir « Concernant la conduite du processus de ce dialogue national inclusif, les conférenciers dénoncent la démarche unilatérale par le Chef de l’État et son gouvernement.

Selon les responsables de ce collectif, tout le processus et la démarche méthodologique du dialogue national inclusif, doivent être conçus de manière participative, impliquant l’ensemble des parties prenantes. : « La situation difficile que vit le pays commande que le dialogue aborde les problématiques dont la résolution permettra de sortir de la crise multidimensionnelle. Il ne s’agit donc pas de traiter quelques problèmes répondant aux seules préoccupations des tenants du pouvoir mais bien de permettre aux maliens de convenir des orientations majeures sur l’avenir du pays, sur l’infrastructure institutionnelle de notre Etat, sur notre vouloir républicain et démocratique, sur nos réponses aux exigences de l’intérêt général, aux frustrations dont souffrent les populations au quotidien, sur notre vivre ensemble dans une République et une Nation apaisées et soumises au respect des principes de justice et de redevabilité. L’un des principes cardinaux du dialogue national inclusif est donc le libre choix des sujets et questions par les participants.

Toutefois, des thématiques majeures, à recenser toujours de façon participative pour s’assurer qu’elles seront examinées à tous les niveaux, pourront être exposées aux participants par des contributeurs sous l’égide de l’Equipe chargée du DNI. Par exemple, une préoccupation aussi cruciale que la crise de l’Etat ne peut- être occultée alors que partout sur le territoire, l’Etat et ses démembrements sont interpelés sur leurs capacités à délivrer les services de base, sur les spoliations, les multiples tracasseries dont les populations sont l’objet, sur la sécurité, la justice ; tout comme la question de la neutralité de l’armée, de l’administration, de la religion dans le jeu politique Il en est de même de notre système de défense et de sécurité, de notre géographie et ses implications sur toutes nos politiques, comme des défis agro-écologiques, démographiques, éducatifs et sanitaires ; l’Accord pour la paix et la réconciliation (APR) ; les autorités traditionnelles, la culture… » affirme la plateforme   « An ko Mali Dron » dans une déclaration le 19 aout dernier.

D’autres acteurs politiques se montrent également réservés, voire hostiles. L’Union pour la république et la démocratie (URD), le parti de Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition parlementaire, a refusé d’être membre de la commission d’organisation et attend de voir les Termes de référence (TDR), du prochain dialogue national, avant de se prononcer sur sa participation. Mais, déjà dans les rangs de l’opposition certains comme docteur Oumar Mariko de Solidarité africaine pour la démocratie et l’indépendance (Sadi), annoncent qu’en l’état actuel des choses, qu’ils ne participeront pas à ce grand rendez-vous.

De son côté, le Cnas Faso hère a aussi décidé de ne pas participer au dialogue national inclusif et appelle avec ses partenaires regroupés au sein de l’ADPS à la tenue d’un Congrès extraordinaire du Peuple malien. C’est ce qui ressort d’un communiqué du Bureau politique du Parti, signé de son secrétaire général, Soumana TANGARA, en date du 5 juillet 2019.  Pour le parti de l’ancien premier ministre, Soumana Sacko, le dialogue national inclusif ou dialogue politique et social inclusif tel qu’envisagé est un cheval de Troie pour faire entériner le projet ‘‘démocraticide’’ de « révision constitutionnelle’’ comme moyen devant faciliter la mise en œuvre de l’Accord d’Alger. De même, pour la CNAS, ledit ‘’dialogue national inclusif’’ découle du soi-disant Accord politique pour la Gouvernance signé entre le Gouvernement et une frange de partis politiques et d’associations. Ledit Accord politique pour la Gouvernance n’a aucune valeur juridique et ne saurait, en tout état de cause, s’imposer à la Constitution.

La société civile réticente !

Autres griefs du Parti CNAS-Faso-Hèrè, parmi les participants annoncés audit dialogue figurent de soi-disant ‘’légitimités traditionnelles’’. Or, il se trouve, explique le communiqué, qu’au nombre de celles-ci, plutôt rares sont celles qui peuvent se prévaloir d’une ‘’légitimité historique’’ certaine, intrinsèque et incontestée/incontestable. Pour la CNAS, aujourd’hui tout comme hier, ces soi-disant ‘’légitimités traditionnelles’’ font partie du problème et non de la solution à la crise multidimensionnelle qui perdure.

À la sortie de sa rencontre avec les facilitateurs du dialogue national, le Pr Issa N’Diaye, homme politique et philosophe a   exprimé ses doutes quant à la   réussite du dialogue « en définitive, le dialogue projeté n’est qu’une tentative désespérée du régime de se dégager des incendies allumés çà et là par sa gestion hasardeuse du pouvoir et son laisser-aller » a t – il indiqué.

Le Pr Isa N Diaye  ajoute  « Les Maliennes et les Maliens rêvent avant tout de souveraineté et de dignité. Ils veulent avoir le droit de choisir sans faux fuyants leurs amis. Ils ne confondent pas les gouvernements prédateurs des richesses et des indépendances et leurs peuples. Dans les conditions qui sont les nôtres, le seul mot d’ordre qui vaille aujourd’hui est la Résistance Nationale. Prenons rapidement langue entre patriotes maliennes et maliens pour mettre en place une dynamique et un organe de coordination pour la résistance nationale ! Traçons sans illusion le cercle de nos amis, les vrais, les peuples et les pays qui respectent notre souveraineté et notre dignité ! Rompons les chaînes de la courbette et de l’aplatissement devant les diktats d’où qu’elles viennent ! Un peuple debout est invincible. Modibo Kéita nous avait ouvert la voie en 1960. Arrêtons de trahir notre pays et notre peuple ! Donnons-nous la main pour bâtir un Mali pluriel, fort et respecté ! Changeons d’alliance à l’échelle internationale et explorons d’autres voies ! Tout est possible à condition d’assumer notre destin ».

En outre poursuit le professeur Diaye : « Le terrain est ainsi entièrement balisé. Tout est défini d’avance. Circulez, il n’y a rien à voir ! Le Président décidera des suites à donner. Tout au plus, il s’engagera à en assurer la mise en œuvre. Mais les citoyens savent bien ce que valent les engagements de nos dirigeants depuis belle lurette. Pas étonnant que cela se termine en queue de poisson après le festival de grandes déclarations et promesses. Le pays en a l’habitude. »

Pour sa part, l’ancien président de l’assemblée nationale, Pr Aly Mouhoun Diallo dans une lettre  ouverte adressée  au triumvirat  invite   les facilitateurs  du dialogue à faire en sorte que le dialogue : « permettre la libre expression de tous les participants et de toutes les participantes au débat national, A commencer ce dialogue dès la commune, en remontant au cercle, à la région, chaque phase supérieure examinant la synthèse des travaux de la phase inférieure, sans bien sûr se limiter aux seuls thèmes abordés par les prédécesseurs. La Nation profitera de la sorte d’une riche moisson venue des profondeurs du pays et prendra ainsi en compte les préoccupations du peuple malien. Ces préoccupations sont d’ordre sécuritaire, d’ordre identitaire, d’ordre de répartition équitable des ressources naturelles et du juste partage de l’espace national. ».

En outre, Pr Diallo demande au chef de l’Etat de respecter les décisions issues du dialogue : « les facilitateurs, Monsieur l’organisateur du dialogue national inclusif, vous avez toutes les chances de réussir dès lors que vous aurez convaincu votre mandataire qu’un chef, le vrai, n’est qu’un tas d’ordures. Un tas d’ordure auquel chacun des sujets peut ajouter les siennes comme le disent les Mandingues à leur Nouvel Empereur en l’installant sur son trône. À persuader la Première Institution de la République qui en est la gardienne de ne pas banaliser la Constitution du pays en la modifiant au gré des circonstances pour proroger le mandat des députés illégalement, ou pour y insérer, sans l’avis du peuple malien de nouvelles dispositions germes de l’éclatement de la Nation », selon Aly Nouhoun Diallo.

Quant à la CMA, (coordination des mouvements de l Azawad), elle pose un préalable à sa participation au dialogue. Aussi, elle déclare dans un document daté du 3 juillet, qu’elle ne participera au dialogue à condition qu’il ne remette pas en cause l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger

Si l’initiative de dialogue national a été saluée par l’opinion nationale, les maliens s’interrogent : ce dialogue aboutira t’il   en concertation sincère et constructive ou bien au contraire accouchera –il d’un dialogue bâclé, n’apportant aucune solution crédible et durable à la grave crise que traverse notre pays.

L’Aube

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