Ces derniers mois, le pouvoir n’a cessé de reculer face aux mouvements syndicaux et de rue. A preuve: l’abandon du projet de loi référendaire, de la loi sur l’enrichissement illicite, des poursuites contre le chroniqueur Ras Bath…
Mais IBK semble vouloir sonner la fin de la récréation. Il compte, pour mettre en musique sa nouvelle stratégie, sur le nouveau Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maiga, connu pour son profil de sécurocrate depuis les années 1997 lorsqu’il dirigeait la Sécurité d’Etat. « Le chef de l’Etat cherche ainsi à prendre le contrôle des rues dans la perspective des élections générales de 2018 car le poids de la rue sera déterminant en cas de contestation des résultats », nous confie un expert politique.
Selon nos informations, ordre est désormais donné au ministre de la Sécurité d’empêcher toute manifestation publique non autorisée. Quant aux forces de l’ordre, elles ont acquis les dotations nécessaires pour disperser tout regroupement suspect. En application de ces consignes, les marcheurs et manifestants de de tout bord se font copieusement mater ces derniers jours.
Les femmes de HUICOMA matées
Les premières à en faire les frais sont les femmes des travailleurs compressés de l’huilerie cotonnière du Mali (Huicoma), une usine publique qui avait son siège à Koulikoro, capitale de la deuxième région administrative du Mali. Leur marche a été violemment réprimée au moment où elles se dirigeaient vers le palais présidentiel de Koulouba pour manifester leurs mécontentements au Président de la République. C’était le jeudi 4 janvier. Parties de Koulikoro à bord de 10 minibus « Sotrama », les manifestantes seront priées de renoncer à leur marche par la police qui les a abordées au niveau du quartier de Boulkassoumbougou, en commune 1 de Bamako. Faisant mine d’accepter la demande des policiers, les dames se donnent le mot pour quitter les Sotrama et poursuivre leur chemin à pied. Arrivés à l’école centrale pour l’industrie, le Commerce et l’administration (Ecica), presque au pied de Koulouba, les manifestantes sont dispersées par les forces de l’ordre à coup de gaz lacrymogènes. Très fâchées, elles rappellent aux journalistes que le chef de l’Etat leur avait promis de régler en deux mois les arriérés de droits dus à leurs maris (8 milliards de FCFA). « Nous sommes à Bamako avec nos linceuls et nous ne rentrerons pas à Koulikoro sans nos sous », indiquent certaines manifestantes.
Les jeunes de « Watti Sera » matés
A la suite des femmes de Koulikoro, ce fut le tour des jeunes du mouvement « Wati Sera ». Ces jeunes décident de marcher contre la politique française au Mali, qu’ils jugent partiale et favorable aux rebelles du nord. Les manifestant choisissent la date du mercredi 10 janvier, veille de l’anniversaire de l’intervention militaire française au Mali, pour marcher devant l’ambassade de France. Les marcheus, au petit matin du 10 janvier, se regroupent devant la Bourse du travail, point de départ de la marche. Le commissaire de police du 1er arrondissement de Bamako, présent avec ses hommes devant la Bourse, demande aux jeunes marcheurs de renoncer à leur manifestation au motif qu’elle n’est pas autorisée. Malgré l’impressionnant dispositif sécuritaire, les marcheurs se résolvent à poursuivre leur mouvement vers l’ambassade de France. Après avoir entonné l’hymne national du Mali, ils prennent la route de l’ambassade en scandant des expressions comme: « La France soutient les rebelles », « Paris libérez le Mali », « Le Mali est indivisible »…
Les forces de l’ordre donnent alors la charge pour disperser les marcheurs. Une grande quantité de gaz lacrymogène et de coups de matraque sont distribués. Dispersés, les marcheurs se retrouvent cependant par petits groupes devant l’ambassade de France. Ils tombent là sur autre dispositif de sécurité qui les gaze et les matraque. La police procède même à l’interpellation de 5 manifestants. Conduits au commissariat de police du 1er arrondissement, ils seront libérés quelques heures plus tard.
Les Amazones matées
Vendredi 12 janvier, un autre mouvement remet le couvert. Il s’agit du collectif de femmes dénommé « les Amazones » qui tient à faire un sit-in devant l’Assemblée nationale pour exprimer sa colère face à la recrudescence des violences faites aux femmes dans le pays. Pour l’occasion, plusieurs femmes sont habillés de tee-shirts noirs sur lesquelles on lit »non aux violences faites aux femmes ». Femmes sans danger manifestant seulement pour défendre un principe (et non des doléances matérielles), les bonnes dames ne s’attendent nullement au comité d’accueil positionné devant l’Assemblée par la police. Après s’être installées devant le parlement, les dames reçoivent l’ordre de dégager, le sit-in n’ayant pas été autorisé. Elles refusent au motif que manifester est un droit constitutionnel. Les forces de l’ordre passent à l’attaque. Un déluge de gaz lacrymogène et de coups de matraque s’abat sur les femmes, faisant quelques blessées.
Chassées de l’hémicycle, les manifestantes se dirigent vers la Maison de la presse. « Nous étions allées à l’Assemblée pour exiger le vote rapide du projet de loi portant répression des violences faites aux femmes. Nous les femmes, nous sommes régulièrement battues par nos maris. Il faut que cela cesse. Et que dire de la police qui nous empêche de marcher aujourd’hui? Ils nous ont gazées et ont même battu certaines d’entre nous. Ce régime est devenu une dictature! », déclare Diakité Kadidia Fofana, la présidente des Amazones.
Les jeunes chômeurs matés
Le « Mouvement national des chômeurs » aura lui aussi sa dose de gaz lacrymogène et de bastonnade. Ces mouvement regroupe des jeunes qui croient bon de réclamer les 200 000 emplois promis par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keita. Ils organisent donc une marche sur Koulouba, siège de la présidence. La violence des forces de l’ordre à leur égard sera extrême. Des journalistes seront aussi victimes collatérales de la répression.
La riposte s’organise
Face à la nouvelle tactique de répression adoptée du gouvernement, les groupes de la société civile organisent la riposte. Ils prévoient de s’unir dans le cadre d’une grande marche contre ce qu’ils considèrent comme un danger sur la liberté d’expression. Selon nos sources, les responsables de ses associations estiment que les manifestants sont gazés du fait de leur petit nombre. Ils promettent donc de mettre dans les rues de Bamako 50 000 manifestants. « La police réprime ne peut réprimer une foule de 50 000 personnes dans la rue », analyse chef d’association. On attend la suite…
Abdoulaye Guindo
Source : procès-Verbal