D’août à janvier, le vent sémantique de la situation politique du Mali a connu bien des tournures. Aujourd’hui, certains défenseurs du « parachèvement » évoquent avec véhémence un « coup d’état » et tente de critiquer ce qu’ils appellent un pouvoir militaire. S’en suit une situation flagrante de conflit sur fond de liberté d’expression. Face à cela, l’on constate aussi une certaine rétention de certains acteurs politiques sur les sujets de la Nation. Censure – Autocensure ?
La démocratie se jauge le plus souvent à la qualité du droit à la libre expression. Au Mali, sous les heures de la 3ème République, tous conviennent de dire que ce droit, bien que chancelant par moment, a été, somme toute, respecté et même promu. A contrario, la marche vers la démocratie, la vraie, est avant tout et toujours une lutte pour ce premier droit de penser et de dire ce qu’on pense, dans les limites de la loi.
S’exprimer, donner son opinion, discourir librement ne sont pas interdits sous la transition mais le climat de méfiance qui s’installe, suite aux interdictions de quelques manifestations, en raison légitimement de la crise sanitaire, tend à faire croire qu’il existe une volonté de museler les idées contraires à la marche de l’équipe dirigeante actuelle.
Mais ce scénario aurait été plausible si deux conditions étaient réunies. La première, que nous ayons un réel face-à-face politique avec une administration porteuse d’une vision clairement présentée au peuple et une opposition toute aussi clairement déterminée. Aujourd’hui, l’imbroglio est entretenu sur la feuille de route de la Transition et le désordre persiste dans le rang des acteurs politiques. Le M5-RFP ne se décide pas à s’opposer ou non à Bah N’Daw et son équipe.
L’ancienne galaxie du parti au pouvoir a fait le choix de se murer dans une réflexion pour la reconquête du pouvoir. Leur intérêt pour la transition n’est que par intermittence et au gré des postes à pouvoir. Le RPM et ses anciens alliés ne sont pas une opposition au Mali. Dans ce fourre-tout, il est quasiment impossible de savoir qui empêche qui de prendre la parole.
On pourra ici relever qu’une marche antifrançaise a été interdite et même dispersée dans des proportions décriées par les organisateurs de cette dernière. Même si le deux poids – deux mesures est flagrant, n’eût été l’argument sanitaire, une interdiction de cette nature ne saurait s’expliquer. Cependant, les initiateurs de cette dynamique antifrançaise ont eu le droit de s’exprimer et de dire haut et fort leur mécontentement.
Et, c’est à ce niveau que l’autocensure prend le pas. La règle médiatique au Mali devient de plus en plus simple. Des organes publics, étatiques pour certains, aux organes privés, le traitement suit une ligne éditoriale fluctuante qui elle-même se définit, pour plusieurs médias, à l’écoute des bruits de bottes.
L’autocensure, c’est refuser de dire ; c’est accepter d’écouter pour ne pas tout dire ; c’est choisir de choisir des extraits ; c’est justifier l’impensable pour les plus téméraires. Mais l’autocensure, c’est aussi montrer la précarité du métier de journaliste ; c’est éviter le conflit juridique qu’on est sûr de perdre ; c’est se soustraire à l’anarchie des arrestations bancales ; c’est, enfin, préserver des emplois. Beaucoup liront cet éditorial sans comprendre qu’il n’aborde, en vérité, aucun sujet de fond, car l’autocensure c’est écrire pour ne pas écrire.
Y.KEBE
Source: Bamakonews