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Mali : Au secours des enfants des rues

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À Bamako, près de 6 000 enfants vivent dans la rue, se livrant bien souvent à la mendicité ou à la prostitution pour survivre. Caritas se bat pour leur donner un avenir.

En ce matin moite de juillet, le calme olympien qui règne dans la “salle d’animation” contraste avec l’agitation des rues bamakoises. Dix garçonnets à l’air grave sont penchés sur leur ouvrage du moment : dessin pour les uns, fabrication de petits objets en perles pour les autres.

Nous ne sommes pas dans un centre de loisirs mais dans un foyer pour enfants des rues, à Bamako, la capitale malienne. Ces enfants vêtus de haillons, on imagine sans peine leur quotidien de petits mendiants. Ils sont près de 6 000 à Bamako qui, chaque jour, tendent leur boîte de conserve vide aux automobilistes et aux badauds, en quête de quelques pièces de monnaie. Les filles sont moins visibles, mais leur sort est encore moins enviable : nombreuses sont celles qui n’ont d’autre choix que de se prostituer pour survivre.

L’article 320

Pour lutter contre ce fléau, Caritas Mali a fondé dès 1992 un centre d’écoute et d’hébergement, financé en partie par le Secours Catholique. La date n’est pas anodine. Un an auparavant, alors que le Mali vit une période de chaos à la suite du coup d’État contre Moussa Traoré, une pratique connue sous le nom d’“article 320” fait son apparition : face à la recrudescence des actes de vandalisme et de pillage, la population décide de se faire justice elle-même.

Un litre d’essence à 300 FCFA, une boîte d’allumettes à 20 FCFA : ainsi périssent les voleurs pris la main dans le sac, et parmi eux de nombreux enfants des rues… Vingt ans après l’ouverture de ce premier centre, l’”article 320″ n’a plus cours mais le combat pour arracher les enfants à la rue reste d’actualité, dans un pays où seuls 25 % des garçons et 11 % des filles sont scolarisés.

Aujourd’hui, il existe à Bamako quatre structures gérées par Caritas Mali dans le cadre d’un programme intitulé “Actions enfants de tous” : deux foyers d’hébergement et deux centres d’écoute (un pour filles et un pour garçons dans les deux cas). « Dans les centres, les enfants peuvent manger, se doucher, se reposer, être soignés quand c’est nécessaire, et surtout être écoutés », explique Félix Kagama, le directeur du programme.

Dans les foyers, en revanche, ils quittent pour plusieurs semaines voire plusieurs mois leur monde de bitume pour renouer avec une vie structurée. Le travail des équipes de Caritas commence par là : repérer, lors de tournées de rue effectuées avec le Samu social de Bamako, les enfants en difficulté, et orienter ceux qui le souhaitent vers la structure adaptée.

Retour en famille

Au foyer pour garçons ce matin-là, Alassane, petit bonhomme de 13 ans – on lui en donnerait à peine 10 – s’applique à confectionner un crocodile en perles sous le regard bienveillant d’une sœur espagnole, bénévole auprès des enfants des rues depuis des années. Il y a quelques mois, Alassane était sur le chemin de l’école quand il a pris une décision qui a changé le cours de sa vie : il ne retournerait pas chez lui ce soir, il ne subirait plus la violence de son père. À cette évocation, son visage se ferme, ses yeux s’embuent. « Certains enfants sont trop marqués par ce qu’ils ont vécu pour en parler, intervient un éducateur. Il faut du temps. »

Dans leur court passé, il est souvent question de misère et quasiment toujours de violence, qu’elle soit le fait du père ou du beau-père, ou de maîtres coraniques véreux qui exploitent les élèves plus qu’ils ne les instruisent, les obligeant à faire l’aumône sous peine de châtiments corporels.

« Je me sens bien traité ici », sourit timidement Seydou, 12 ans, penché sur son dessin multicolore. « Les enfants restent au foyer environ trois mois, durant lesquels ils sont pour la plupart re-scolarisés, indique Félix Kagama. En parallèle, nous recherchons leurs familles et essayons d’établir des médiations. »

Environ un tiers des enfants accueillis retournent chez leurs parents, au prix d’efforts de longue haleine des équipes de Caritas. Pour ceux dont la rupture familiale est irrémédiable, d’autres solutions sont envisagées afin que la mendicité ne redevienne pas leur lot quotidien et la rue leur unique horizon. « Le Secours Catholique apporte un soutien particulier à des formations pour les enfants qui n’ont pas pu retourner dans leur famille », indique Yves Lefort, responsable adjoint du département Afrique au Secours Catholique.

Parfois, Félix Kagama – qui était éducateur avant de prendre la direction du programme – a la surprise de recevoir la visite d’anciens enfants des rues accueillis au foyer. Ils sont devenus commerçants, tailleurs, chauffeurs ou menuisiers. « Ils ont été sauvés », dit-il en souriant.

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