Le Mali aborde le 13 août 2018 une délicate période de plusieurs jours pour le dépouillement des millions de votes du deuxième tour de la présidentielle. Un vote entaché d’accusations de fraude et de quelques violences. Le président sortant, Ibrahim Boubacar Keïta, semble assuré d’un deuxième mandat.
Les résultats du scrutin, le deuxième depuis l’intervention française qui avait mis en déroute les djihadistes dans le nord du pays en 2013, ne sont pas attendus avant quatre ou cinq jours. Le vainqueur du duel entre le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta (surnommé «IBK»), et l’opposant Soumaïla Cissé, entrera en fonction début septembre. Il aura la lourde tâche de relancer l’accord de paix conclu en 2015 avec l’ex-rébellion à dominante touareg, dont l’application accumule les retards.
Le 12 août, jour du scrutin, les bureaux de vote n’ont pas connu de forte affluence, en raison d’une météo pluvieuse, des risques de violences ou encore du manque de suspense. Les opérations de dépouillement ont débuté dès leur fermeture à 18h00 (GMT et locale).
Le président-candidat et son adversaire se sont livrés le jour même à une passe d’armes sur la fraude électorale.
Selon le camp de Soumaïla Cissé, qui se disait toutefois «confiant» en votant dans son fief de Niafounké (nord), des bulletins de vote ont «circulé» en dehors des circuits normaux depuis plusieurs jours. La preuve que des bourrages d’urnes étaient en préparation, affirme cette source.
Un journaliste de l’AFP a pu constater que dans au moins cinq bureaux de vote de Bamako, les procès-verbaux électoraux avaient été préremplis et signés avant même la fin du vote. «C’est comme signer un chèque en blanc, on peut imaginer ce qui se passe dans le reste du pays», a observé une source proche de l’organisation du scrutin.
Ibrahim Boubacar Keïta a répliqué en dénonçant des «manœuvres» de l’opposition visant à faire «croire que nous serions dans une logique de fraude». «Comment frauder quand on a l’assurance de l’estime de son peuple?», s’est-il interrogé.
A 73 ans, IBK est en position de force pour remporter un second mandat de cinq ans. Au premier tour, il avait récolté 41,70% des suffrages, contre 17,78% pour Soumaïla Cissé, un ancien ministre des Finances de 68 ans qui n’est pas parvenu à unir l’opposition pendant l’entre-deux tours.
En 2013, déjà opposé au même adversaire, le président sortant avait été plébiscité avec un score de plus de de 77%.
Le président d’un bureau de vote assassiné
L’élection, déterminante pour l’avenir du Sahel, a été émaillée de violences. La plus grave a eu lieu au sud de Tombouctou, dans la localité d’Arkodia, où le président d’un bureau de vote a été tué par balles par des djihadistes présumés, venus «interdire le vote».
Dans cette même région, où les groupes islamistes frappent régulièrement face à un État absent, «des hommes armés sont venus et ont emporté tout le matériel électoral au bord du fleuve et l’ont incendié», a raconté un habitant du village de Kiname.
D’une manière générale, la «menace sécuritaire» a empêché ou perturbé le vote dans «au moins une centaine» de bureaux, selon les quelque 2000 observateurs du Pool d’observation citoyenne du Mali (POCIM). Au premier tour, le 29 juillet, quelque 250.000 Maliens n’avaient pas pu voter en raison des violences.
Cette fois, quelque 36.000 militaires maliens, soit 6000 de plus qu’au premier tour, étaient mobilisés pour sécuriser le scrutin. Et ce avec l’aide des Casque bleus de la Minusma, des forces françaises de l’opération Barkhane et, dans le Nord, où l’Etat est peu ou pas présent, mais aussi de groupes armés signataires de l’accord de paix de 2015.
Violences intercommunautaires
Le scrutin s’est tenu dans une relative indifférence de la population. Celle-ci est fatiguée par plus de six ans de violences. Près de la moitié des Maliens vivent sous le seuil de pauvreté, alors que leur pays a un taux de croissance supérieur à 5% et est le premier producteur africain de coton.
Les observateurs de l’UE, premier bailleur international du Mali, ont cette fois pu se déployer à Gao (Nord), mais toujours pas à Tombouctou et à Kidal (Nord), ni à Mopti (centre). Sur le plan sécuritaire, la tension est montée le 11 août avec l’arrestation de trois membres d’un commando, qualifié de «groupe terroriste», au moment où il «planifiait des attaques ciblées à Bamako pendant le weekend».
Le pays a connu ces dernières années plusieurs attentats djihadistes contre des lieux fréquentés par des Occidentaux ou contre les militaires. Ainsi que des enlèvements d’étrangers et de nombreuses violences intercommunautaires.
Source: francetvinfo