La gigantesque manifestation organisée à l’appel de l’Imam Dicko a tenu toutes ses promesses en termes de mobilisation. Une grande foule rarement enregistrée au Mali a investi le boulevard de l’indépendance. Très difficiles d’estimer de nombres ou de chiffres dans notre contexte d’avoir des données fiables, mais la marée humaine témoignait de la force de frappe de l’Imam Dicko.
Si la majorité des manifestants sont des habitants de la capitale, une bonne partie est venue de plusieurs villes du Mali. Comme prévu, la manifestation s’est déroulée dans le calme et la sérénité. A la fin, certains manifestants se sont dirigés vers la résidence personnelle du Chef de l’Etat. Les barrages des forces de sécurité et quelques tirs de gaz lacrymogènes ont eu raison de leur détermination. A 23 heures pratiquement tout était rentré dans l’ordre.
1 ère PARTIE DU JEU D’ÉCHECS
L’objectif affiché de la manifestation était le départ du Président de la République. Un ultimatum a même été donné par les organisateurs. Le Président doit démissionner le même jour à 18 h. L’Imam qui était attendu sur cette question a acquiescé les interventions des autres personnalités avant de laisser comprendre cela à travers des paraboles aux allures d’une sévère diatribe contre le régime dont lui seul a le secret. Il a égrené un à un tous les plans où a échoué le régime. Faire partir le président en un jour n’était pas le réel objectif. Plutôt c’était une démonstration de force. C’était le baptême de feu du nouveau Dicko sans l’étiquette du Haut Conseil Islamique mais celui de la CMAS.
C’était une façon de faire désormais de la CMAS le principal pôle de la contestation contre le régime. Contrairement aux politiques, Dicko a su fédérer toutes les revendications sociales (sécurité, crise du Nord et du Centre, corruption, école, etc.). Si les maliens n’ont plus confiance en la classe politique, certains voient en Dicko l’homme qu’il faut pour pour porter haut leurs griefs. De son côté, le Pouvoir est resté sur la défensive. Un important dispositif sécuritaire a été déployé pour encadrer les manifestants et sécuriser les institutions, principalement le Président de la République.
Finie la guerre froide entre les deux, désormais Dicko et le Président sont dans la confrontation ouverte comme deux joueurs d’échecs. Dans cette première manche, chacun voulait pousser l’autre à la faute pour mieux dégainer. Celui qui craquait le premier, perdait.
Face à la pression, le Président renforcé par les institutions qu’il contrôle et le soutien politique de la majorité, se reposant également sur le soutien de la communauté internationale, n’a pas répondu à l’ultimatum. Cette passivité et l’important dispositif sécuritaire lève le voile sur une partie de sa stratégie: tant que la manifestation reste pacifique, le président restera passif. Dans le cas contraire l’usage de la force sera au rendez-vous.
Le camp Dicko s’attendait à un coup de force du régime pour sonner le glas et pousser ce dernier au point de non retour. Le Régime quant à lui misait également sur une manifestation violente pour entrer dans la danse et utiliser la méthode forte. A la fin de cette première partie, Dicko s’en sort avec une avance certaine, sa posture de meneur du jeu lui confère désormais l’avantage d’en dicter les règles. Il a également sorti dès le départ un de ses jokers: la mobilisation. Il conserve l’avantage psychologique vu qu’il est le premier à tirer.
Le régime s’en sort passablement: le grand orage annoncé n’a pas causé les dégâts attendus. En attendant la sortie du Président ou plus de lisibilité sur sa stratégie, on peut sans se tromper dire que le premier match s’est terminé 1 à 0 en faveur de Dicko bien sûr. Les deux camps n’ont pas dit leurs derniers mots et un match d’échecs ne se gagne pas au premier coup!
M. ASSORY