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Macky Sall au Sénégal, Talon au Bénin, Sassou au Congo : pourquoi l’Afrique noire francophone est si mal partie… L’édito de Michel Taube

Le talon d’Achille de l’Afrique a plusieurs noms en Afrique noire : Patrice Talon au Bénin, Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville, Alpha Condé en Guinée, Ali Bongo au Gabon, Paul Biya au Cameroun… Et la liste de ces petits dictateurs est malheureusement longue.

 

Voilà qu’au Sénégal, Macky Sall cède à son tour à cette tentation autocratique et souhaite manifestement rejoindre ce club très fermé des potentats africains qui empêchent toute dynamique démocratique et font que l’Afrique noire francophone est si mal partie. Le chef d’Etat sénégalais est manifestement frappé par le démon du pouvoir qui maintient des jeunesses désespérées sous une chappe de plomb qui les pousse à la tentation du djihadisme ou de l’exil vers l’Europe, et menacent d’allumer des incendies comme le Sénégal les vit ces jours-ci à son tour.

Comme nous le confie François Hugeux, dont le dernier livre « Tyrans d’Afrique, les mystères du despotisme postcolonial » (éditions Perrin) est de circonstance : « le mandat de plus est toujours le mandat de trop ».

Et quand un président a l’audace de céder sa place, c’est généralement son poulain désigné qui s’assure de son élection. Ne prenons qu’un exemple : au Niger, Hama Amadou, ancien premier ministre, principal adversaire du Président Mahamadou Issoufou est arrêté, en 2015, pour une affaire de trafic de bébés. Bien que très populaire (il faut die qu’il abusait de la religion comme argument de campagne), il a été écarté de la course à la présidentielle gagnée il y a un mois par Mohamed Bazoum, poulain du président sortant Issoufou.

Des juges au pas

L’instrument principal de ces mises au pas de la démocratie et de la soumission de toute opposition, c’est la judiciarisation outrancière de la vie politique de ces pays africains, à savoir l’usage systématique de la justice pour écarter, éliminer les adversaires politiques. Les juges du droit électoral, les juges consitutionnels sont manifestement aux ordres des pouvoirs en place.

Certes, d’aucuns diront que la chose n’est pas propre à l’Afrique. La France, par exemple, avec l’affaire Fillon en 2017, a montré l’intervention de la justice dans un processus présidentiel. Au Brésil, Lula a été écarté de la même façon, même si un juge de la Cour suprême vient de le réhabiliter hier et de le remettre en selle politiquement… Un nouveau procès devra donc se tenir et l’histoire n’est donc pas terminée. Récemment, en Russie, le Président Poutine n’a-t-il pas écarté, grâce à la prison, un concurrent gênant, Alexeï Navalny ?

En Afrique, plutôt que d’éliminer physiquement les opposants, on les emprisonne ou on les exile. D’aucuns diront cyniquement qu’il y a un progrès.

La parfaite illustration de cette « perversion démocratique » réside dans la récente crise sénégalaise.

Macky Sall, qui avait déjà fait taire un premier rival en 2016, le très populaire maire socialiste de Dakar, Khalifa Sall, en le faisant emprisonner avant l’élection présidentielle pour détournement de fonds, a récidivé avec le leader de l’opposition Ousmane Sonko.

Mal lui en a pris puisque, après deux gardes à vue pour accusation de viol, le pays s’est embrasé et le Président, face au soulèvement populaire, notamment de la jeunesse, a dû faire libérer son adversaire politique. Celui-ci appelle à poursuivre la mobilisation.

Cette libération suffira-t-elle à calmer les opposants qui ont décrété trois jours de colère au pays de la Teranga ? Pas sûr ! Hier, selon nos sources sur place, si le centre de Dakar était calme, dans de nombreuses banlieues de la capitale, notamment au passage des « parcelles assainies », des coups de feu et des violences ont été constatés.

La jeunesse est manifestement désépérée et le pouvoir prêt à tirer sur la foule : on dénombre trop de morts depuis cinq jours, fait inédit dans l »histoire du Sénégal.

Quelle ironie de l’histoire : Macky Sall avait été porté au pouvoir par un peuple sénégalais qui en 2012 avait su écarter Abdoulaye Wade qui, à l’époque, se rêvait en président à vie. Le même peuple sénégalais qui aura la lourde tâche, car la route est longue jusqu’à l’élection présidentielle de 2024, d’expliquer à Macky Sall qu’il ne sera pas le fourvoyeur de la démocratie au pays de la Teranga.

Comme nous le disait hier une observatrice sénégalaise très attentive,  et que l’on a senti quelque peu dépitée par des autorités qu’elle dit ne plus reconnaître : « Le peuple sénégalais règle ses problèmes au moment des élections. » Ce dernier voudra-t-il patienter jusqu’à l’élection présidentielle qui n’est attendue qu’en 2024 ?

Ces jours-ci, Dakar a déjà des allures de révolution civile en marche.

Source: Opinion-internationale.com

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