Après la prière collective du vendredi dernier, la mosquée de Torokorobougou a fermé ses portes « pour, a expliqué l’imam Mohamed Moussa Diallo, préserver la santé des fidèles ». Cet exemple est un signal fort de prise de conscience de nos religieux au moment où le nombre de personnes atteintes du Covid-19 augmente, régulièrement, au Mali. Il est, en effet, connu de tous que la mosquée, lieu de grande promiscuité, représente bien un terreau favorable à la propagation de ce virus mortel.
La fermeture de ces lieux de culte ne fait pas encore l’unanimité, mais les leaders religieux s’accordent sur un point : les enseignements de l’islam conseillent aux fidèles de s’éloigner du danger en cas de risque sanitaire avéré. En la matière, Chérif Ousmane Madani Haïdara, président du Haut conseil islamique du Mali (HCI) et l’imam Mahmoud Dicko, ancien président du HCI, ont, tous les deux, rappeléles prescriptions du prophète Muhammad (PSL). Un musulman ne doit pas quitter une localité touchée par une épidémie. De même, il ne doit pas se rendre dans une localité où sévit une maladie contagieuse. Les propos du Messager d’Allah sont plus explicites : « Lorsque vous entendez qu’une épidémie sévit dans une terre, n’y entrez pas ; et lorsqu’elle sévit dans une terre où vous vous trouvez, n’en sortez pas ! »
L’objectif est clair : se protéger contre la pathologie infectieuse et éviter d’être un vecteur de sa propagation. C’est en invoquant ces prescriptions que Chérif Ousmane Madani Haïdara, ayant vite cerné l’ampleur de la menace, a appelé au respect des consignes de prévention édictées par les autorités. Il a mis en avant, dans une vidéo publiée le 25 mars dernier, l’exemple de sa mosquée à Banconi, où les gestes-barrières sont strictement observés. Le célèbre prêcheur a invité les fidèles à combattre le virus, conformément aux prescriptions du prophète de l’islam. Il a insisté sur le fait que le prophète Muhammad (PSL) a toujours invité les fidèles à la préservation de la santé.
L’imam Mahmoud Dicko a abondé dans le même sens dans une récente déclaration publique, avec cette précision de taille : un musulman ne doit pas se laisser mourir de faim, alors qu’il a accès à une nourriture interdite (haram). Le précepte en dit long sur les souplesses accordées par la religion musulmane, qui permet même à un « voyageur de réduire le nombre de rakats ou de regrouper deux prières », a précisé le leader religieux. Pour toutes ces raisons, l’imam Dicko a estimé que les musulmans doivent observer les mesures de prévention. «Si les regroupements peuvent entrainer des problèmes, alors nous devons nous plier aux mesures. « Et, a-t-il poursuivi, s’il y a des raisons valables pour fermer les mosquées, on doit les fermer ». L’imam a ajouté que la décision de fermer les lieux de culte incombe aux autorités si celles-ci estiment que le risque sanitaire l’exige.
L’imam de la mosquée de Torokorobougou, Mohamed Moussa Diallo, n’a pas attendu la décision des autorités. Il a, de son propre chef, pris la décision de suspendre les prières collectives dans sa mosquée. Une décision prise de commun accord avec les fidèles, selon le religieux qui rappelle dans une vidéo que « se protéger est l’une des bases de l’islam ».
A l’évidence, ces leaders religieux souscrivent pleinement à la lutte contre la pandémie du Covid-19. Ils ne font que respecter les préceptes de la religion musulmane. La vie humaine est sacrée. Il faut la préserver. C’est sans doute cet esprit qui a guidé les responsables religieux et politiques en Arabie Saoudite et dans d’autres pays arabes dans leur décision de fermer, momentanément, les lieux de culte. Qui n’a pas été ému par les images inédites de l’esplanade de la Kaaba vide ? Ces vidéos ont fait le tour du monde et donné le signal que le saint des saints peut être fermé pour cause de risque sanitaire élevé.
En Iran, autre place forte de l’islam, des dizaines de milliers de mosquées sont restées fermées vendredi dernier. Et aux Émirats, le conseil de la fatwa – instance officielle -, a émis un avis : il est « haram » (prohibé) d’aller à la mosquée si l’on est malade.
Le jeune leader religieux, Chouala Bayaya Haïdara, dans son style caractéristique, a approuvé ces mesures et lancé ce commentaire : « nous ne sommes pas plus musulmans que les populations de ces pays ». Sauf que de nombreux responsables religieux de notre pays ne perçoivent toujours pas la situation sous cet angle. Dans certaines mosquées, les imams continuent d’inviter les fidèles à « se serrer les uns aux autres ». Le spectacle était encore plus effrayant le vendredi dernier où des centaines de fidèles avaient convergé vers les lieux de culte. «Nous sommes entre les mains de Dieu», nous a lancé un fidèle, lors de la prière collective à la Grande mosquée de Bamako.
ID/MD
(AMAP)