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Lutte contre la corruption : À quand le tour des fonctionnaires milliardaires ?

Difficile de comprendre que depuis le début, en septembre 2019, de la lutte implacable menée contre les prédateurs de notre tissu socioéconomique, qu’aucun fonctionnaire milliardaire n’ait encore été inquiété alors que des services de contrôle de l’État ont mis au grand jour la gestion désastreuse de bien de commis de l’État qui ont été nommés à la tête des directions de l’administration publique.

 

De l’arrestation de Bakary Togola, président de l’Assemblé permanente des chambres d’Agriculture du Mali (APCAM), en septembre, à celle du maire de la Commune II, Aba Niaré, en novembre dernier, en passant par celle du président du Conseil régional de Kayes et de ses complices, du maire de Baguinéda et certains de ses conseillers,  aucune poursuite n’a encore été lancée contre les fonctionnaires milliardaires, créés par le régime ADEMA (Alliance pour la démocratie au Mali) incarné à l’époque par l’ancien président, Alpha Oumar Konaré et l’ancien Premier ministre, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), aujourd’hui président de la République du Mali. Comme on le dit, «les vieilles pratiques ont la vie dure».

En 2002, avec l’arrivée d’Amadou Toumani Touré (ATT), le cap a été maintenu. Les fonctionnaires milliardaires ont continué à sucer le sang du peuple malien au vu et au su du président ATT qui est parti en guerre contre le fléau en créant un Bureau du Vérificateur général. Mais hélas ! Le nombre des fonctionnaires milliardaires est passé de vingt-un (21), en 1998, à soixante- neuf (69), en 2012. Et sous IBK, l’espérance déçue, élu, en 2013, c’est l’ère des généraux milliardaires de l’armée malienne ainsi que des élus de la nation. Que de gâchis sous le règne de ces vrais faux démocrates !

Si le déclenchement de la lutte contre les fossoyeurs de la République a été salué en son temps par la grande majorité de Maliens comme une lueur d’espoir et qui souhaitaient depuis des lustres que les délinquants financiers répondent de leurs forfaitures, les langues commencent à se délier. Certains pensent que la lutte contre la corruption et la délinquance financière est sélective, eu égard aux arrestations qui ont eu lieu épargnant jusqu’ici les agents véreux de l’administration publique. Ils considèrent que ceux-ci sont les plus grands délinquants financiers. Moussa Sangaré, gestionnaire d’une salle de gym dans un quartier de Bamako, la capitale malienne, est de cet avis. Il est convaincu que les fonctionnaires vont se couvrir dans cette affaire en faisant porter le chapeau par d’autres.

D’autres pensent le contraire. Quant à ceux-ci, ils estiment que toute action a un début et invitent les tenants de la première thèse à la patience. Amadou Coulibaly, enseignant dans une école privée de la rive droite du fleuve Niger, est catégorique. ’’Tous ceux qui ont pris un franc dans les caisses de l’État répondront tôt ou tard de leur gestion’’, déclare-t-il.

Il serait bon pour enlever toute équivoque que le Pôle économique et financier de Bamako fasse un tour dans le milieu des fonctionnaires milliardaires. Cela pourrait convaincre les plus septiques à faire de nouveau confiance à notre justice. Sinon, la lutte contre la corruption aura un goût amer dans l’opinion publique malienne dont la grande majorité dit haut et fort que tous les problèmes du Mali sont l’œuvre des fonctionnaires véreux et corrompus. Et elle pense que la collusion entre la politique et la religion portera un coup dur à la lutte contre la corruption.

 

Les fonctionnaires milliardaires sous protection religieuse

Inquiets, paniqués au début de la lutte contre la corruption, les fonctionnaires millionnaires se la coulent douce quatre mois après la guerre déclarée contre le détournement de deniers publics. Un grand nombre d’entre eux ont trouvé refuge sous le parapluie de certains guides religieux musulmans. Ces derniers, depuis qu’ils sont parvenus à obtenir, en avril dernier, la tête de Soumeylou Boubèye Maïga de la primature, ont renforcé leur emprise sur les autorités politiques de notre pays qui sont aujourd’hui obligées de réfléchir avant de prendre une décision les concernant.

Avant cet épisode, l’immixtion de certains leaders religieux musulmans dans l’arène politique a permis à pas mal de fonctionnaires d’être parrainés par ceux-ci. Certains de ces agents de l’État avaient même élu domicile dans leur mosquée en attendant que le chef religieux leur trouve un point de chute juteux dans l’administration. Bénéficiant de cette ‘’protection’’, ils se sont mis à piller les biens de l’État sans demi mesure, devenant ainsi les bailleurs de fonds des manifestations de ces leaders religieux à qui ils doivent leur promotion.

Les rapports de vérification du Bureau du Vérificateur général et de la Cellule d’appui aux services de contrôle de l’administration (CASCA) font foi. Ils ont laissé des trous de centaines de millions et de milliards dans leurs services. On se rappelle que la Direction administration et financière d’un département ministériel du temps de Amadou Toumani Touré (ATT) a investi en seul jour onze millions dans l’achat du thé. La suite est connue de tous. Aucune poursuite n’a été engagée contre les personnes mises en cause dans ce gangstérisme financier.

Il sera difficile à l’heure où nous sommes d’aller extirper ces hommes et femmes qui financent les mosquées, les manifestations, les prêches avec l’argent volé à l’État pour entretenir des guides religieux qui  veulent à tout prix s’enrichir en se réfugiant derrière le nom de Dieu. Parce que les autorités ont la peur bleue pour aller à l’affrontement avec des hommes dont la capacité de nuisance peut porter préjudice à leur pouvoir.

Et ils sont nombreux les Maliens qui pensent que la justice ne pourrait rien faire contre ces bandits financiers qui sous protection de certains guides religieux musulmans.

Epargnés aujourd’hui, parce qu’en complicité avec certains hommes de foi pour s’adonner à des détournements du bien public, qu’ils sachent que la roue de l’histoire tourne.

Yoro SOW

Inter De Bamako

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