Dans le village de Mafeya au sud du Mali, Fadel Traoré ne tarit pas d’éloges sur les avantages du jatropha, plante oléagineuse dont les amandes sont utilisées pour produire une huile transformée en gasoil. “J’ai motivé tous les paysans du village (plus de 20) à planter le jatropha et tout le monde s’est engagé,” explique-t-il, debout au milieu des pieds de jatropha plantés en ligne dans son champ à proximité du village.
“Je peux gagner 5 sacs de graines après la récolte du jatropha. Vendues à 100F CFA le kilo, ces graines apportent 50,000 CFA (environ 100 dollars),” commente Fadel – bien plus que son revenu précédent. L’intérêt des paysans maliens pour le jatropha est lié au développement du biocarburant pour lequel le gouvernement a créé l’Agence nationale de développement des biocarburants (ANDEB) en 2009.
«Il s’agit de faire face à des défis internationaux: la raréfaction des ressources énergétiques fossiles et les changements climatiques. Nous, on n’est pas importateurs de pétrole, » explique Madani Diallo, le directeur de l’ANADEB. “Le changement climatique affecte surtout les paysans qui sont affectés par l’instabilité de la saison des pluies, avec des poches de sécheresse ou des inondations qui détruisent les cultures,” ajoute-t-il.
Avec la production du biocarburant, les autorités espèrent booster l’économie rurale, plus de 70% de la population du pays vivant en milieu rural. “En même temps, ça permet de faire face aux défis du changement climatique en réduisant les émissions de gaz à effet de serre, conformément au protocole de Kyoto et à l’accord de Paris,” poursuit Madani Diallo.
Cette plante était déjà cultivée par les paysans qui en faisaient des haies vives pour délimiter les parcelles, empêcher les animaux errants d’entrer dans les champs. “Autre utilité pour les paysans, le jatropha garde de l’humidité dans les champs, limite l’érosion du sol en constituant une barrière contre les vents et les eaux de ruissellement,” raconte Issaka Dembelé, le président de l’Union des planteurs de jatropha dans la région de Koulikoro au sud du pays.
Plus de 5,000 hectares de jatropha existent dans cette région où se trouve l’unique usine d’Afrique de l’Ouest produisant du diesel à base des graines de jatropha. Selon Issaka, les paysans sont encouragés à faire de la culture en couloir, ce qui permet d’utiliser le jatropha et les céréales dans un champ afin d’éviter une insécurité alimentaire.
Actuellement, plus de 70,000 hectares de jatropha sont plantés à travers le territoire malien. En 2017, la production a atteint 818,000 litres d’huile. Ce carburant alimente les moulins, les groupes électrogènes dans des villages et les zones d’activité économique électrifiées utilisant à la fois l’énergie solaire et le biocarburant.
L’espoir du crédit carbone
Les paysans gagnent avec le commerce des graines du jatropha dont les résidus sont aussi utilisés pour fabriquer du savon, produire du tourteau qui est un excellent engrais. Mais cela n’est pas suffisant, selon le président de l’Union des planteurs de jatropha. “Il faut que nous puissions vendre le crédit carbone aux grandes usines qui polluent l’environnement; c’est pour cela que la production du jatropha a été encouragée lors de la COP21,” rappelle Issaka.
A présent, les paysans de la région de Koulikoro cherchent désespérément un soutien pour saisir l’opportunité du crédit carbone. “Pour que la production puisse décoller, il faut valoriser la vente du crédit carbone. Et nous attendons que des gens viennent nous aider à le faire,” indique Issaka.
La petite usine de production de biocarburant située à la sortie Nord-Est de la ville de Koulikoro a temporairement arrêté la vente du diesel (en raison de la chute du prix du pétrole sur le marché international), bien que l’offre dépasse la demande.
“Nous produisons 2,000 litres de carburant par jour. Actuellement, nous faisons seulement de l’huile qui est directement utilisée pour faire fonctionner les moulins et les groupes électrogènes. Mais nous allons reprendre la production du diesel bientôt,” explique Seydou Poudiougou, le responsable de la production de l’usine de biocarburant.
Sans se substituer au pétrole, le jatropha pourrait être une source d’énergie pour le Mali et contribuer à la séquestration du carbone. Selon Issaka Dembélé, tout ce que la production de cette plante demande en termes d’effort est l’entretien des plantations pendant une année. “Après les deux premières années, le paysan ne fournit aucun effort à part les récoltes,” affirme-t-il.
Toutefois, il y a des difficultés, selon l’Union des planteurs de jatropha. D’abord, la variété cultivée au Mali ne donne pas beaucoup de graines. Par ailleurs, la période de récolte du jatropha coïncide avec les autres travaux du monde rural comme la collecte des noix de karité, l’entretien des champs de céréales.
Soumaila T. Diarra
Source: Lerepublicainmali