La période effrénée de la présidentielle malienne tend vers sa fin. Elle aura duré plus d’un mois, avec des discours enchanteurs et des grands meetings. Sur les 24 candidats du premier tour du 29 juillet, deux ont refait le jeu le 12 août. Le Président du club de l’information africaine, Louis Magloire Keumayou, a accepté de répondre aux questions du journal du Mali sur le bilan du scrutin et l’évolution du Mali depuis l’élection de 2013.
Quel bilan peut-on tirer de cette présidentielle ?
Le premier constat est que l’élection s’est tenue, malgré des conditions qui n’étaient pas totalement réunies pour qu’elle se tienne sereinement sur l’ensemble du territoire malien. Elle a eu lieu, tant mieux. Maintenant, avec toutes les violences qu’il y a eu sur le plan sécuritaire et verbal, il faudrait voir les suites qui seront données. Après c’est à la Cour constitutionnelle de se prononcer sur les résultats acheminés et centralisés à Bamako. Il est un peu trop tôt pour savoir si toutes les conditions ont été réunies pour qu’on parle d’une élection transparente, inclusive et réussie.
Y a-t-il eu des nouveautés par rapport à 2013 ?
La grande nouveauté est que le taux de participation, notamment dans le nord, a été plus important. Mais il ne faut pas se méprendre sur le fait que les gens croient en leur pays. Ils croient en ce que la démocratie peut encore apporter au Mali. On ne peut pas dire que les acteurs politiques eux-mêmes aient fait beaucoup pour saisir l’électorat entre 2013 et 2018. Malheureusement, ni IBK, ni Soumaila, ni les autres n’ont investi le nord, qui est quand même une partie du territoire malien, pour le rassurer, pour le reconstituer avec le sud. L’accord pour la paix, c’est quelque chose qu’il faut appliquer. Il faut que les acteurs politiques s’en saisissent et fassent en sorte que le pays revienne à un fonctionnement normal, celui qui a été le sien avant les attaques dans le nord. Il y a un autre défi qu’il faut relever, celui de sortir du tout militaire. Il faut arrêter de penser que la seule solution aux problèmes du Mali est militaire. Gagner la guerre est beaucoup moins compliqué que de gagner la paix, et aujourd’hui même la guerre n’est pas encore gagnée. Je pense qu’il faut surtout investir le champ social et économique pour que les gens se sentent sécurisés. C’est la mission première de l’État, protéger ses citoyens.
Est-ce que l’attachement à l’Accord au nord explique le taux favorable à IBK ?
Je ne sais pas qui doit récolter le gain de cette forte participation au nord, si ce n’est le peuple malien lui-même. Que le nord se reconnaisse dans des élections le prouve. C’est le Mali qui sort gagnant de cette forte participation.
Qu’est ce qui explique le faible engouement ailleurs ?
Ce sont les leaders politiques qui n’arrivent plus à se montrer « sexy » vis-à-vis de la population. Même dans les grandes démocraties les taux de participation baissent. Mais au Mali, en plus du fait que les politiciens soient mauvais, il y a les situations socioéconomique, sécuritaire qui sont mauvaises, l’État qui est ébranlé dans ses fondements. Malgré cela, les politiques font comme si on était dans un pays normal, qui n’a pas de problèmes de sécurité, économiques et sociaux. Je pense qu’ils déçoivent les électeurs. Malgré l’engouement qu’il y a eu dans les années 90 pour que le Mali devienne un pays de démocratie exemplaire, aujourd’hui on a l’impression que le soufflé est retombé et que les gens n’y croient plus trop.
Quels enseignements peut-on tirer de cette élection ?
Le Mali est encore un pays qui a un semblant d’unité. Même si tout n’a pas été gagné dans la conquête du nord, on sent que tous les Maliens, du sud au nord en passant par le centre, se sentent concernés par les enjeux politiques et démocratiques. Ce qui est une bonne nouvelle. Le reste est entre les mains des politiciens eux-mêmes.
Quels sont les défis auxquels le nouveau président devra faire face en urgence ?
Il faudra qu’il réconcilie les Maliens, parce qu’un pays qui est divisé n’est pas fort. Avant on parlait d’un pays divisé en deux, aujourd’hui, il n’est pas exagéré de dire qu’il divisé en trois, puisque le nord, le centre et le sud sont soumis à des tensions très fortes. Le deuxième enjeu est celui de reconquérir la souveraineté de l’État partout où elle doit être exercée. Le troisième est de remettre les hommes au centre de la politique, parce qu’il faut que les politiciens arrivent à rendre les Maliens heureux à nouveaux.
Journal du mali