L’Union africaine, réunie en sommet à Addis Abeba dimanche et lundi, s’est engagée à être plus active et plus efficace dans la médiation des conflits qui déchirent le continent, et en particulier sur le dossier libyen, dont elle a jusqu’à présent largement été exclue.
Entre problèmes de financement et dissensions internes, les observateurs soulignent toutefois que l’UA a de nombreux défis à relever afin d’entreprendre des actions à la hauteur de ses ambitions.
Après plusieurs sommets consacrés au développement économique et aux réformes de l’UA, les débats se sont concentrés, lors de ce sommet annuel qui doit se clôturer lundi soir, sur la multiplication des conflits en Afrique.
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa, qui a pris pour un an la tête de l’UA dimanche, a d’ailleurs annoncé la tenue d’un sommet spécial en mai en Afrique du Sud, consacré exclusivement à cette thématique.
Reconnaissant l’échec de l’engagement pris en 2013 de mettre fin à toutes les guerres en Afrique, du Sahel à la Somalie en passant par l’est de la République démocratique du Congo, les dirigeants africains ont principalement parlé de deux conflits : la Libye et le Soudan du Sud.
En Libye, l’ONU, principal médiateur, “a besoin de nous maintenant”, a assuré lundi Smaïl Chergui, commissaire de l’UA à la paix et la sécurité.
“C’est un problème africain, et nous avons une sensibilité que peut-être d’autres n’ont pas”, a-t-il ajouté, rappelant le “lien” entre l’instabilité en Libye et la montée en puissance des groupes jihadistes au Mali, au Niger et au Burkina ces dernières années.
La Libye, qui dispose des réserves de pétrole les plus abondantes d’Afrique, est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Une trêve très précaire est entrée en vigueur le 12 janvier et des efforts sont en cours pour la convertir en cessez-le-feu durable.
Samedi, les belligérants, réunis à Genève, se sont séparés sans parvenir à un accord.
Longtemps mise à l’écart dans ce dossier où l’Union européenne est au contraire très impliquée, l’UA a pris plusieurs initiatives ces dernières semaines, notamment celle d’un forum de réconciliation que l’Algérie s’est proposée d’accueillir.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, qui a dit comprendre la “frustration” de cette mise à l’écart de l’UA, a assuré soutenir cette initiative.
Lundi, M. Chergui a indiqué qu’une fois un cessez-le-feu durable établi, l’UA se joindrait à l’ONU dans une mission d’observation de ce cessez-le-feu, et a dit s’attendre à ce que l’UA déménage sa mission pour la Libye à Tripoli.
“La capacité d’action de l’UA ne peut en aucun cas être comparée à l’implication de l’ONU, ne serait-ce qu’en terme de connaissance et de présence sur le terrain”, a toutefois nuancé Claudia Gazzini, experte de l’International Crisis Group (ICG).
Mohamed Diatta chercheur pour l’Institut d’études de sécurité (ISS), estime, lui, que “l’UA occupera la place que les protagonistes du conflit veulent bien lui donner”. “Si ces protagonistes estiment que l’UA peut apporter la solution, ils se tourneront vers elle, et ce ne sera pas à l’ONU de décider cela”.
M. Diatta soutient que pour jouer un rôle prépondérant, l’UA doit dépasser ses dissensions internes sur le conflit libyen.
Le conflit au Soudan du Sud a également été évoqué, et M. Ramaphosa a rencontré séparément samedi soir le président sud-soudanais Salva Kiir et le chef rebelle, Riek Machar.
Sous l’égide de l’organisation est-africaine Igad, principal médiateur dans le conflit sud-soudanais, la guerre civile qui a fait plus de 380.000 morts et provoqué une crise humanitaire catastrophique, les deux hommes se sont ensuite rencontrés dimanche.
A l’approche de la date-butoir du 22 février pour la formation d’un gouvernement d’union, l’Igad les a réunis pour trouver un accord sur la principale pierre d’achoppement des négociations: le nombre d’États régionaux ainsi que le tracé de leurs frontières. En vain.
L’Igad a dès lors tenté de mettre la pression sur les deux dirigeants: la formation d’un gouvernement d’union, a-t-elle fait valoir, “a été reportée deux fois, en mai et en novembre 2019, et une nouvelle extension n’est ni désirable, ni faisable à ce stade du processus de paix”.
C’est le chef de la diplomatie togolaise, Robert Dussey, qui représentait le président Faure Gnassingbé à ce sommet. Ce dernier est retenu au Togo par la campagne électorale.