L’adoption du projet de loi portant mise en place des autorités intérimaires dans les régions du nord prévue par l’Accord est à l’ordre du jour de la plénière de ce matin à l’Assemblée nationale. Les députés de l’opposition regroupés au sein du groupe parlementaire VRD (Vigilance républicaine et démocratique) ne voteront pas ledit texte. Ainsi, en a décidé la conférence des présidents dudit Collectif au cours de sa réunion du 28 mars 2016 au siège du parti PS-YELEN KURA. Pour cause, ce collectif accuse le gouvernement, à travers ce projet de loi, de violation grave de la Constitution et des textes de la décentralisation.
Les raisons du rejet de ce projet de loi étaient, hier mercredi, au cœur échanges entre des responsables du collectif et les hommes de médias à la Maison de la presse du Mali. Cette conférence de presse était animée par le président du PIDS, Daba DIAWARA. Il avait à ces côtés, le Chef de file de l’opposition, l’honorable Soumaïla CISSE, président de l’URD ; Me Hamidou DIABATE, Vice-président du PARENA et Mamadou KEÏTA, également vice-président des FARE-An ka wili, etc.
À l’entame de ses propos, l’honorable Soumaïla CISSE, a souligné que pour l’opposition le projet de loi introduit contre la légalité et la légitimité était la raison du plus fort : celle des groupes armés sur les hommes politiques. Cette situation met en évidence l’absence de concertations entre le gouvernement et les partis politiques de l’opposition qui aurait permis d’améliore l’accord d’Alger afin de faciliter sa mise en œuvre.
Pour l’honorable CISSE, ce refus constant du gouvernement d’aller aux concertations est une menace pour la paix.
« On ne peut pas gérer un pays en fermant les yeux, en se bouchant les oreilles. Et c’est ce que le gouvernement fait depuis le début », a déploré l’élu national.
L’opposition, selon son chef de file, invite le gouvernement à engager des discussions avec la majorité et l’opposition afin de trouver un compromis acceptable pour tous. À ce titre, il a réitéré la proposition de l’opposition d’organiser des concertations nationales sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et réconciliation.
« L’opposition a pris acte de la signature de l’Accord, mais cela ne veut pas dire qu’elle donne un feu vert au gouvernement pour faire tout ce qu’il veut dans le cadre de la mise en œuvre de ce document », a-t-il prévenu.
Pour le conférencier, le gouvernement a prévu de mettre en place les autorités intérimaires dans les régions du nord où les maires, les présidents de conseil de cercle et de région seront systématiquement changés. Alors qu’il y a des communes dans ces régions où il n’y a jamais eu de problèmes. ‘’Pourquoi veut-on changer les maires et les conseillers de ces communes pour amener les groupes armés, s’est-il interrogé.
Abordant la question de la composition, il a souligné que le projet de décret d’application de cette loi indique que dans une commune où il y a 17 conseillers, la plateforme et le CMA, désignent chacune 5 conseillers, le gouvernement désigne à son tour 5 membres et les autres reviennent à la société civile. Cela veut dire que la CMA et la plateforme, par le jeu des alliances aura, la majorité pour désigner le président de l’organe et l’opposition n’aura rien dans tout ça. « Et c’est ça que nous dénonçons », s’est insurgé le conférencier. Avant d’ajouter que « C’est une partition de fait du pays, car tous les maires seront désignés par les groupes armés ». En agissant de la sorte, le gouvernement, selon l’opposant, fait « une prime aux armes ». Malgré la signature de l’Accord, tous les jours il y a des attaques dans le pays, a fait savoir l’élu de Niafunké. Il a invité le gouvernement à une application intelligente de l’Accord.
«Il ne faut pas donner le pays à des groupes armés et pousser chacun à défendre sa collectivité par des armes. Sinon, nous n’avons mis aucune entrave à la mise en œuvre de l’accord», s’est-il défendu.
Tout ce qui concerne les collectivités doit, au moins, passer par le haut conseil des collectivités, a-t-il fait savoir. Et c’est cette précipitation suicidaire que l’opposition se propose de dénoncer, selon Soumaïla CISSE.
De son côté, Me Hamidou DIABATE, a axé son intervention sur le caractère inconstitutionnel du projet de loi qui, selon lui, viole les dispositions des articles 97 et 98 de notre Constitution. Si l’article 97 dit que les collectivités sont créées et administrées dans les conditions définies par le loi, l’article 98 complète et précise que les collectivités s’administrent librement par des conseils élus. Pour cet homme de droit, quand les autorités désignent ceux qui doivent administrer les collectivités territoriales, c’est une violation des dispositions constitutionnelles.
Pour Me Hamidou DIABATE, le gouvernement a sauté l’étape des réformes constitutionnelles qui devrait, a son avis, précéder l’adoption de ce projet de loi. De ce fait, ses actes seront illégaux. Certes, l’accord pour la paix, qui a été signé, prévoit la mise en place des autorités intérimaires. Mais pour Me DIABATE, il est incontestable que l’Accord n’est pas supérieur à la Constitution du Mali. Par conséquent, il invite le gouvernement à respecter ce texte fondamental. Pour cela, l’opposition estime qu’il est difficile de soutenir légalement cette loi en restant dans le cadre démocratique. Si la loi venait à être votée contre son avis, l’opposition se donne le droit de saisir la Cours constitutionnelle par une requête en annulation de cette loi qu’elle juge inconstitutionnelle. En cas avis contraire, l’opposition respectera l’avis de la Cour sans pour autant abandonner la lutte politique contre le caractère discriminatoire de la loi, a indiqué le conférencier.
Pour sortir de ce blocage, l’opposition prose au gouvernement un dialogue national dans le cadre d’une concertation pour résoudre tous les problèmes qui restent pendants dans l’accord. Cela permettrait de faire en sorte que l’Accord soit l’émanation de la nation malienne.
« On n’a pas jeté l’accord à la mer », a martelé Me DIABATE. Pour lui, les concertations nationales que demandent l’opposition ne sont pas un coup d’État, comme ce fut le cas sous la transition, mais une manière de trouver des solutions démocratiques et légales aux difficultés de mise en œuvre de l’Accord.
Dans l’exposé liminaire lu par Daba DAIBATE, il ressort que la Conférence des présidents du Collectif des partis politiques de l’opposition démocratique retient que l’adoption de cette loi constituerait un recul démocratique. Aussi, va-t-elle marginaliser les partis politiques dans la gestion des collectivités. Par ailleurs, la loi consacrerait une violation flagrante de la Constitution et des lois que le gouvernement se doit de respecter, car la lettre de dépôt n’indique pas que le Haut Conseil des collectivités a donné son avis sur le projet de loi en application de l’article 90 de la Constitution qui impose au Gouvernement de saisir cette institution pour avis, dans le cadre de toutes actions concernant la politique de développement local et régional.
«Nous recommandons l’abandon de ce projet de loi et invitons le gouvernement à des discussions entre l’opposition et la majorité afin de trouver un compromis acceptable pour tous », a dit M. DIAWARA.
Sur la question, le Collectif des partis politiques de l’opposition a invité le groupe parlementaire VRD à ne pas voter ce projet de loi.
Par Abdoulaye OUATTARA
Source: info-matin