La cuisine politicienne n’aime pas l’avarice. Elle aime à exiger tous les ingrédients nécessaires à la bonne sauce. Pour ce faire, le cuisinier a le devoir de se donner les moyens du bon banquet même au moyen de la ruse dont les stratèges parmi lesquels Machiavel est l’une des voies. Or, si le piment pique la langue des invités à la table, l’oignon fait souvent pleurer le cuisinier. Deux métaphores culinaires pour illustrer le décor et l’envers du décor politiciens, ses dits et ses non-dits, sa part lumineuse (transparence) et sa part d’ombre (secret).
À Ouagadougou, le beau Blaise a souvent invité les affamés à table. On a une fois vu nos décideurs maliens (gros d’aujourd’hui) et ceux qui prétendent régenter le Mali de demain à faire la queue leu-leu pour entrer dans l’avion envoyé par le mari de Chantal, le beau Blaise, étalon du Yelenga de la cuisine tropicale. C’est que la mangercratie, cette tyrannie du ventre, n’a pas vu ses jours au bord du Djoliba. De tous les temps et tous les espaces, le ventre urge et appelle ! Il sied aux hommes de prendre soin du ventre, cuisinier ou convive voire intrus venu in extrémis, chaque bouche a droit à une part de pain sous le soleil de Dieu. Et tant mieux si la terre est une tragédie autant onirique que dionysiaque. On a mal lu Épicure sinon herméneutique de ses écrits a trahi la prudence du philosophe qui n’avait pas oublié d’établir une hiérarchie des plaisirs. Comme Épicure même ne fut jamais épicurien (au sens galvaudé des Doctes a postériori), Machiavel lui-même n’était pas machiavélique, il lui suffisait d’être réaliste saisissant le pouvoir du prince dans sa triste gravité, le conserver étant l’objectif à atteindre. Et pour cela, le fer ne suffisait pas mais être craint qu’aimé, c’est selon, le but doit s’honorer.
Le MNLA a bien lu les Maîtres d’hier, lui qui a brandi l’épée de la surenchère et l’évangile de la ruse. Chaque fois qu’il est coincé, le petit mouvement, nain militaire mais mastodonte diplomatie-communicationnelle sait œuvrer, les vertus des coulisses sont-elles insondables, pour préserver ses avantages stratégiques comparatifs. Les militaires maliens, affamés aux portes de Kidal, peuvent piaffer d’impatience aux portes de Kidal, la belle convoitée, les cuisiniers politiciens n’ont pas fini de préparer et le banquet républicain peut attendre. Les sorciers mangeurs veulent la cuisine électorale pour faire monter un cuisinier en chef au nom de la mangercratie tropicale et ses nombreux invités Totalesques et Arevaesques sinon les Chinois, les…, l’Afrique, la grande foire, le grand bazar, la pute ouverte à tout phallus vagabond, c’est que pour manger, on n’a pas besoin d’être invité. Hospitalité légendaire des nègres au rire banania. Mais les petits cuisiniers maliens doivent faire attention au grand maître Blaise sous-traitant de la « restauration » car il est des plats empoisonnés.
À Bamako, les affamés sont nombreux et les trottoirs ne pourront pas contenir du monde. Et tant pis pour l’état d’urgence dans un pays où l’État n’est plus en l’état. Ce que le Mali n’obtient pas à Kidal avant le 1er juillet, date de l’arrivée des gardiens de la cuisine bleue, il ne l’aura pas car entre les mangeurs, s’interposeront des forces jamais neutres. À force de scruter l’horizon malien, l’on finit par se faire brûler les ailes, piquer la langue avec le piment et l’oignon des yeux. Nous sommes notre propre mal à force de nous coucher. Et tant pis si on nous enterre, la terre continuera à tourner, l’Histoire a ses cimetières. C’est que la Puissance vit de la Faiblesse ! La Vie appartient à ceux qui croient et non à ceux qui désespèrent. Si nous estimons que Kidal est déjà perdue, redessinons alors la carte du Mali. Si elle n’est pas perdue dans nos têtes et nos cœurs, DEBOUT, Maliennes et Maliens ! Après le 1er juillet prochain et ses casques bleus, ce sera trop tard. Les arbitres viendront jouer au ballon et le match sera truqué. De faux penalties pulluleront sur le terrain. Contre nos quelques défenseurs rescapés, l’arbitre même sifflera la faute imaginaire. Kidal sera un lointain souvenir. Modibo Keita pleurera une seconde fois. Soundjata et Sonni Ali Ber nous maudiront de voir leurs noms mêler à cette affaire d’héritiers imposteurs et indignes de leurs noms, leurs cœurs et leurs âmes ! Oui, si l’Histoire doit se faire, personne ne viendra l’écrire et la faire à la place des Maliens, eux qui, avant le reste de l’Afrique, ont inauguré le Cycle des printemps révolutionnaires-révolution certes trahie- en 1991.
Yaya TRAORE