Se marier au Mali ? Il s’agit plus qu’un rite social ! Amadou et Mariam l’ont chanté, Seydou Badian l’a analysé sous toutes ses facettes sociologiques, culturelles et mystiques. Mohamed Amara, dans un texte sobre mais incisif, interroge les dimensions sociales, économiques et symboliques du mariage.
Il décrit un univers où l’événement matrimonial dépasse le simple engagement affectif pour devenir une scène de reconnaissance sociale, un espace d’affirmation identitaire, voire un lieu de compétition ostentatoire. Le mariage y est aussi un théâtre où se jouent des tensions entre tradition et modernité, entre contraintes collectives et rêves individuels.
Kadiatou Konaré ne s’y trompait pas en notant dans la préface que, chez nous, “les rituels qui accompagnent la célébration (du mariage) sont lourds de sens : tout se passe comme si la société, dans son infinie sagesse, admet que la force des traditions est là afin que le bateau délicat de l’amour susceptible de tanguer, ne chavire jamais”.
Ce que le sociologue décrit, le photographe le montre. Les images de Michel Calzat, en noir et blanc ou en couleur, captent l’intensité des regards, la richesse des tenues, la densité des foules. Mais aussi les attentes silencieuses, les instants d’ennui ou de doute, les décalages entre les apparences et les réalités. Il y a dans ses clichés une retenue, une tendresse, mais aussi une forme de distance critique : le mariage est beau, mais il est aussi codifié, pesant, parfois cruel.
L’intérêt du livre réside dans ce dialogue implicite entre le texte et l’image. Ni l’un ni l’autre ne prétend tout dire. Ensemble, ils suggèrent, ils racontent sans asséner. On sent dans cette approche une volonté d’honorer la complexité des vécus, de ne pas trahir les subjectivités. “Des mariages et des rêves” est ainsi à la fois une enquête sociale et un récit visuel, un document et une œuvre.
On pourrait reprocher à l’ouvrage de rester dans une certaine pudeur analytique, de ne pas pousser plus loin la critique, notamment sur les inégalités de genre ou les pressions économiques liées aux mariages fastueux. Mais c’est peut-être aussi sa force : laisser au lecteur la possibilité de penser, de relier les fils.
Un livre à lire lentement, à feuilleter à voix basse, comme on écouterait une confidence.
Alexis Kalambry
“Des mariages et des rêves : plus rien ne me surprend…” Ed : La rumeur libre, Photographies de Michel Calzat, textes de Mohamed Amara, Préface de Kadiatou Konaré, 80 pages- Décembre 2024