Suite à la décision d’abandon du ‘’Programme d’éducation complète’’ par les autorités et la sortie du ministre des Affaires religieuses et du culte, l’Imam Mahmoud Dicko, à l’origine de la polémique, dans une interview accordée à la Radio Nyèta, se réjouit de la nouvelle. Cependant, il dénonce l’attitude du ministre Thierno Amadou Omar Hass Diallo pour s’être livré à une flagornerie à l’endroit des plus hautes autorités (IBK et SBM) qui ne méritent pourtant plus de passer un jour de plus à leur poste, pour avoir fermé les yeux sur une évidence qui a fini par éclater au grand jour, suite à la mobilisation des fidèles musulmans.
Nous vous livrons l’interview qu’il a accordée au confrère Bah Sylla de la radio Nyètaa.
Radio Nyètaa : Les autorités nationales, par la voix des ministres des Affaires religieuses et du culte, Thierno Hass Diallo, et du porte-parole du gouvernement, Amadou Koita ont annoncé à la télévision nationale que le ‘’programme d’éducation complète’’ a été abandonné, jette à la poubelle. En tant que guide de la communauté musulmane, Imam Dicko, quel sentiment vous anime aujourd’hui ?
Imam Dicko : Nous avons effectivement appris la nouvelle par la voix des ministres et du Président de la République lui-même que le programme a été abandonné.
Si c’est le cas, nous nous en réjouissons et nous saluons la grâce d’Allah qui a inspiré les décideurs du pays dans ce sens. C’est lui seul que nous saluons, lui le miséricordieux, et non nos autorités.
Après nous, adressons nos salutations sincères aux musulmans pour leur confiance en nous et pour leur mobilisation contre ce projet satanique. Parce qu’au début de cette affaire, les pouvoirs publics ont démenti d’abord la nouvelle, avant de tenter de nous discréditer. Si ces mêmes personnes finissent par faire leur mea-culpa, il faut remercier le Tout-Puissant. Nous ne cessons de remercier les musulmans pour leur confiance en nous. Toute chose ayant assuré que nos propos ne sauraient être mensongers et calomnieux. C’est par leur mobilisation derrière nous que ces gens (Ndlr : les autorités) ont pu se convaincre que ce qu’elles voulaient cacher aux musulmans ne saurait l’être. Pour preuve, dès notre dénonciation, le PM a demandé à ceux qui étaient en train de faire ce travail compromettant pour l’éducation de nos enfants d’arrêter le travail. S’il n’y avait pas une part de vérité, cet appel du Premier ministre n’aurait pas lieu. Si c’était le cas, un mensonge, cette annonce allait être une occasion pour les pouvoirs publics de terminer une bonne fois pour toutes avec ce Dicko qu’on veut faire taire à jamais, depuis un certain temps. Mais elles savaient que la trahison et le complot qu’elles tramaient contre le pays contre l’islam n’a guère agréé le Bon Dieu qui n’exaucera jamais d’ailleurs un tel vœu. Nous en sommes là ! Sinon, j’ai entendu et compris les propos du ministre et de tous ceux qui, à travers leur prêche dans les mosquées, ont appelé à remercier le PM et le chef de l’État pour son initiative d’abandonner ce programme. Nous, nous ne remercierons pas ce président, ce pouvoir, mais c’est à Dieu le Tout-Puissant que nous devons ce salut. Au-delà, s’il y a une créature à remercier, ce sont les musulmans qui ont cru à nos propos et en notre personne. Jamais, nous n’allons faire une quelconque publicité pour le PM et le chef de l’État pour cette initiative.
Le jour où le Premier ministre a rencontré les religieux à la Primature, il leur a fait savoir que le Haut conseil islamique n’a pas été créé par les pouvoirs publics pour être un adversaire, mais un partenaire des autorités. Cela veut dire, à mon entendement, que le HCIM est tenu d’entériner, de suivre bêtement tout ce que le pourvoir dit et entreprend. Boubèye qui a dit ça aux musulmans sait que je ne suis pas néophyte dans cette affaire. Je suis loin d’être un néophyte ! Faire le HCI pour que nous ses dirigeants livrions aux autorités l’islam et les musulmans les mains et pieds liés ? Si c’est cela le HCIM, nous demandons aux autorités de le casser. Nous nous ne serons pas de ce combat.
Quant au ministre qui parle, celui des Affaires religieuses, nous nous interrogeons aujourd’hui sur son ambition par rapport à notre religion. Et nous ne pensons pas moins qu’il se soit transformé en ministre de déconstruction de la religion. Depuis qu’il est ministre, il n’a jamais appelé les musulmans, il n’a jamais pris une seule initiative allant dans le sens de la cohésion entre les musulmans pour l’avancement de notre religion. J’ai même eu à interpeller le Président IBK sur ce manque d’initiative de la part de notre ministre. Ce ministre n’a travaillé que pour la division des musulmans, malgré qu’il soit chargé du contraire. Ce ministre pilote aujourd’hui toutes les initiatives que nous avons combattues avec le ministre de la Promotion de la femme, comme l’excision, le mariage précoce des filles. Il était aussi le pilote de cette initiative de programme d’éducation complète à l’école. En réalité, dans un pays normal, tous ceux qui sont à la base de cette histoire, après que le peuple ait découvert la vérité, ne méritent plus leur poste et ne méritent plus de diriger ce pays.
Mais malheureusement, aucun dirigeant, les directeurs, les ministres, encore moins le PM, n’a été inquiété. On nous a tout simplement dit que l’initiative a été abandonnée, mise à la poubelle. Et après, on veut que les musulmans applaudissent, aillent saluer le Président parce qu’il a osé abandonner. Alors qui lui avait ordonné de le faire ?
Radio Nyèta : le ministre est sorti pour dire que le Président a dit qu’il n’était pas au courant de cette initiative, qu’il est un croyant et qu’il salue cette alerte de la part des musulmans ?
Imam Dicko : Si le Président n’est pas réellement informé de ce fait grave, est-ce que le ministre concerné devait passer une minute de plus à son poste ? Comment peut-on introduire une telle grossièreté dans le pays à l’insu du chef de l’État ? Si c’est le cas, les musulmans se sont donc trompés de personne en votant pour lui. Qu’il ne soit pas au courant cette affaire, c’est ça même le drame. Nous qui sommes ses sujets avons pu être au courant et lui il n’en savait rien. Mérite-t-il alors son poste de Président ? Les musulmans doivent-ils rester les bras croisés, afin que ce Président passe une nuit de plus à Koulouba ? En tout cas, c’est nous les musulmans qui avons fait de lui ce qu’il est aujourd’hui et nous ne saurions admettre que l’Islam soit attaqué et affaibli sans qu’il riposte à hauteur d’enjeu.
Radio Nyèta : le ministre a dit que vous devriez aller dans les mosquées pour informer les fidèles musulmans que l’initiative a été abandonnée ?
Imam Dicko : Mais, cela est surprenant ; le président n’a fait que son devoir. Il dirige un pays de musulmans et ce sont ces fidèles musulmans qui ont fait de lui ce qu’il est aujourd’hui. Donc, si nous lui demandons d’abandonner quelque chose qui ne nous agréé pas, il n’a plus le choix. S’il ne décidait dans le sens de notre volonté, il allait voir ce qui allait arriver !
Est-ce que le ministre Tierno doit nous dicter ce que nous on devait faire face à cette décision d’abandon ? Nous sommes suffisamment mûrs pour savoir ce que nous devons faire ! Nous, nous ne sommes pas des imams qu’on soudoie avec des miettes pour chanter les louanges du pouvoir en place.
Radio Nyèta : Est-ce que vous avez été informé de la rencontre de la Primature sur la question ?
Iman Dicko : Oui, quand j’étais en voyage, on m’a fait part de toutes les informations. Comme je te le disais plus haut, je ne suis plus un néophyte au HCIM. Ça fait dix ans que je suis à la tête de cette institution, j’ai mené avec ses responsables musulmans tous les combats : les histoires de Code de la famille et autres.
Donc, dans tout regroupement, on rencontre des difficultés, des incompréhensions. Ce qui est grave, c’est le fait de ne jamais pouvoir se comprendre. Car, même le Prophète (PSL) n’a pas échappé à ces genres de différends avec ses principaux califes. Il est même arrivé que certains aient eu à rebrousser chemin en abandonnant le prophète lors de certains voyages. Alors, nous qui sommes ses héritiers pouvons-nous échapper à un tel scénario ?
Mais, là n’est pas le problème. Le problème est qu’il y a des gens qui veulent nous instrumentaliser, pour profiter de notre division. Dans cette affaire, la réponse du chef de l’État, à travers le ministre DIALLO, frôle le ridicule. Il est impardonnable qu’il ne soit pas au courant de cette initiative d’éducation complète. N’eût été la situation exceptionnelle du pays, il doit être remercié par les Maliens et surtout les musulmans qui lui ont accordé leur confiance à travers leur vote massif dans les urnes en sa faveur. Que le Président de la République dise qu’il n’était pas au courant de ce programme compromettant pour la religion et le pays, cela est à la limite inacceptable. Parce que le drame, c’est qu’il n’hésitera pas à sauver sa tête en se cachant derrière un tel alibi, à chaque fois qu’il se sentira ou qu’il sentira son poste menacé. On se rappelle de l’affaire de Kidal en 2014. Après que toute une armée nationale se soit engagée dans la bataille de libération de cette ville, le chef suprême des armées, le Président de la République a dit qu’il n’a pas donné d’ordre, qu’il n’était pas au courant. Devons-nous continuer à faire confiance à ces hommes au sommet de l’État ? Celui qui a été indexé comme le responsable de cette guerre improductive, puis chassé du Gouvernement est aujourd’hui le Premier ministre. Doit-on s’attendre à quelque chose de miraculeux, de constructif avec ces dirigeants encore ?
Radio Nyèta : vous aviez prévu des actions après le meeting du palais de la culture. Sont-elles toujours d’actualité ?
Imam Dicko : Oui, elles sont toujours d’actualité. Mais, il ne s’agit pas pour notre part d’appeler les musulmans à prendre des armes pour aller chasser le pouvoir en place. Nous pensons que l’état actuel du pays nécessite une prière collective pour le retour de la paix au regard des violences fratricides en cours entre les ethnies qui ont cohabité ensemble durant des millénaires, afin que le Tout puissant nous accorde cette paix tant désirée.
Si d’aventure, nous n’avions pas à programmer cette prière ce 13 janvier, nous la programmerons pour une autre date, afin que la paix revienne au Mali. Cela j’en suis convaincu, est possible si le Bon Dieu le veut.
La paix et la réconciliation au Mali ne dépendent ni de la France, ni des États-Unis, encore moins une affaire de forum ou de décision de salon. Elles dépendent du bon vouloir de Dieu. C’est pourquoi nous voulons appeler l’ensemble des Maliens à implorer d’une seule voix la miséricorde divine. C’est le seul moyen d’avoir la paix.
Radio Nyèta : Votre dernier mot ?
Imam Dicko : Je remercie Allah et les musulmans dont la mobilisation a permis d’éventer ce complot ourdi contre l’islam et le Mali.
Interview réalisée par Ba SYLLA
Transcription libre : Info-Matin