« Tant que je resterai procureur général, aucun prisonnier rebelle ne sera libéré ! », avait dit haut et fort le puissant du Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako. Le mercredi le 2 octobre 2013, le gouvernement a passé par-dessus la tête de la justice en libérant 23 nouveaux prisonniers rebelles. A présent, la réaction du procureur est attendue.
En marge des travaux de la Cour d’assises en transport à Ségou, le procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Daniel Tessougué, avait été catégorique : « Tant que je resterai procureur général, aucun prisonnier rebelle ne sera libéré ! », marquant ainsi son refus catégorique de faire libérer les prisonniers de guerre rebelles, quitte à perdre son poste. Ces prisonniers qui viennent malheureusement d’être libérés par IBK étaient sous le coup d’inculpations et de mandats de dépôts délivrés par deux juges d’instruction de la Commune III de Bamako (pôle économique): Cheick Haoussa et FousseyniTogola..
Leur libération était toutefois prévue par l’Accord préliminaire d’Ouagadougou signé entre le gouvernement de Transition et les groupes armés du nord. Et les rebelles ont dit récemment que tant qu’un seul prisonnier de guerre restera entre les mains du Mali, il n’y aura pas de négociations.
A la tribune de l’Assemblée générale de l’ONU, IBK, le président avait vigoureusement réagi. « On ne me bouscule pas. On ne me trimbale pas…Ceux qui n’ont pas de sang sur les mains, ceux qui ne sont pas des djihadistes avérés, verront leur sort allégé. Nous l’avons dit et nous le ferons. Tout cela doit se faire dans le cadre de la confiance. Sans la confiance, rien ne peut être réalisé » avait-il dit. Malheureusement, ce fut des paroles en l’air car les gens qui viennent d’être élargis ont bien du sang sur les mains.
Maintenant que cet acte de déshonneur pour la justice malienne a été posé, la réponse du Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako, Daniel Amagouin Tessougué, est attendue. Lui qui disait que : « Tant que je resterai procureur général, ces combattants-là ne seront pas libérés! ».
Le procureur général s’était expliqué : « Lorsqu’un pays veut s’offrir des lendemains de pleurs et de sang, il emprunte la voie de l’injustice. Après la crise que notre pays a connue, les Maliens ont engagé la consolidation de l’Etat de droit et de la démocratie. Cela passe par la justice. Au nom d’un prétendu Accord de Ouagadougou qui n’est qu’un chiffon de papier sans valeur juridique, on voudrait faire sortir de prison des gens qui ont volé, violé et massacré des Maliens ! Je ne peux pas accepter que des voleurs de moutons soient jetés en prison et que ceux qui ont commis des massacres, des viols, soient libérés parce qu’ils ont la peau blanche ! Personne d’entre eux ne sera libéré ! Nul n’a le droit de les libérer ! Nul ne les libèrera ! ».
Dans cette libération, le Procureur y voit une grave violation de l’article 81 de la Constitution qui stipule que le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif. Si l’on tient coûte que coûte à libérer les prisonniers de guerre poursuivis, le magistrat indique la voie qu’il estime légale : « Après le jugement des détenus, le chef de l’Etat peut toujours, s’il le veut, gracier ceux qui auront été condamnés. Quant aux députés, ils sont libres de voter une loi d’amnistie en leur faveur des prisonniers dse guerre. En clair, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ont, chacun, les moyens juridiques de libérer les ennemis de la nation mais ils ont peur de le faire car le peuple les regarde. Ils veulent donc faire pression sur la justicepour que celle-ci fasse le travail à leur place. Cela, je m’y refuse absolument! La politique a son calendrier, la justice la sienne ».
Pour Daniel Tessougué, la réconciliation nationale est nécessaire, certes, mais elle ne peut nullement se faire dans l’injustice. « L’injustice est une mère qui n’est jamais stérile et qui produit des enfants dignes d’elle. Devant l’injustice, les peuples en viennent très vite à ne pas plus faire confiance en leurs dirigeants et à défier l’Etat ».
Il faut dire que Daniel A. Tessougué tient à ce que les criminels soient jugés et condamnés et que les mandats d’arrêt lancés, le 8 février 2013, contre 28 chefs rebelles pour faits d’assassinats, de crimes de guerre, de trahison, d’incendies volontaires, de viols, de trafics de drogue, d’armes, etc, soient exécutés. Mais au fur et à mesure qu’IBK est en train de s’installer, tous ces principes sacro-saints de la justice sont en voie de violation. D’ailleurs on parle de plus en plus de la levée de ces mêmes mandants d’arrêts du Procureur général contre les chefs rebelles notamment ceux du MNLA.
Face à toutes ces entraves à la bonne marche de la justice que va donc décider monsieur le Procureur ?
Abdoulaye Diakité
Source: L’Indicateur du Renouveau