Monsieur le Président,
Le Mouvement vert-jaune-rouge a le regret de constater que 56 ans après l’indépendance du Mali, l’état peine à offrir un système sanitaire digne de nom à ses citoyens. De Kayes à Kidal, en passant par Bamako les citoyens maliens sont condamnés à aller se soigner à l’extérieur du pays. En tout cas, pour ceux qui en ont les moyens et le gros lot de la population n’a autre salut que de s’en remettre à Dieu dans des structures sanitaires qui répondent difficilement aux normes en la matière.
La plupart des structures sanitaires du pays ressemblent à des mouroirs, où l’issue fatale semble être la seule solution imposée à une catégorie de malades.
Monsieur le Président,
Au Mali, quand une structure sanitaire a fière allure, le plateau technique n’est jamais au rendez-vous. La corruption aidant, les fournisseurs en complicité avec l’administration chargée de gérer nos hôpitaux, abonnés à la surfacturation, se sont spécialisés dans la livraison d’un matériel dont l’usage n’est plus d’actualité dans les états qui ont une petite estime pour leurs citoyens.
En plus du sempiternel problème des ressources humaines de qualité, nos hôpitaux souffrent énormément de l’insuffisance d’un équipement adéquat.
Quelles soient de qualité ou pas, les ressources humaines, fonctionnaires d’état pour la plupart, souvent en violation du serment d’Hippocrate, se sont spécialisés dans l’animation des structures sanitaires privées, au détriment des hôpitaux publics et de leurs nombreux malades, souvent nécessiteux.
Démotivés pour certaines par le traitement salarial et les conditions de travail, nombreuses sont les ressources humaines de nos hôpitaux qui se soucient très peu du sort des malades. Pour certaines, le comportement n’a rien à envier à celui d’un commerçant véreux du grand marché de Bamako, pour qui l’argent n’a ni couleur ni odeur.
Pour mettre un accent sur la gravité de la corruption dans les structures sanitaires, nous allons vous rapporter cette scène vécue à l’hôpital de Kati, il y a environ 2 mois par une famille malienne confrontée à un accident dont a été victime une de ses filles nuitamment. Renversée par un camion. Transportée d’urgence à l’hôpital de Kati aux environs de 21 heures, entre la vie et la mort, la victime ne recevra les premiers soins qu’aux environs de 4 heures du matin. Parce que l’équipe de garde exigeait la somme de 85 000 FCFA aux parents avant d’admettre la victime au bloc opératoire pour lui prodiguer les soins adéquats. A défaut, contre le payement de la somme de 22 500 FCFA, les parents devaient se contenter d’un traitement sommaire que l’on allait prodiguer à l’accidentée dans la salle de soins d’à coté. Donc de 21 heures à 4 heures du matin, les parents ont couru un peu partout pour pouvoir mobiliser cette somme afin de voler au secours de leur fille. Chose grave, le payement a été fait sans reçu.
Heureusement que tous les médecins maliens ne sont pas comme cette équipe de garde de ce soir-là à l’hôpital de Kati. Dieu merci, il y a encore quelques agents sanitaires qui ont le sens de l’honneur et qui se battent contre vents et marées pour que les malades maliens soient soulagés de leur peine. Nous disons haut les cœurs à tous ces serviteurs de la bonne cause.
Monsieur le Président,
Que vaut la volonté d’un agent de santé dans des structures sanitaires démunies. A titre d’exemple, nous rappelons que pour plus de 15 millions de Maliens, il n’y a aujourd’hui qu’un seul centre de dialyse, où les appareils sont souvent en panne.
Réelles ou imaginaires, ces pannes ont pour conséquence de pousser les malades dans des structures privées, où l’opération coûte 140 000 FCFA pour la 1ère séance et 65 000 FCFA pour les séances suivantes. Et, quand on sait qu’il faut deux séances par semaine, nous avons une idée de la souffrance des Maliens qui ont besoin de cette assistance.
Monsieur le Président,
Les Maliens méritent mieux que cette piteuse image que lui renvoie son système sanitaire, qui contraint le grand nombre de la population à l’auto-médication à travers les médicaments de la rue.
Souvent plus dangereux que la maladie elle-même, les médicaments de la rue, malheureusement, semblent s’imposer comme la solution unique pour bon nombre de nos concitoyens, lorsqu’ils sont dans l’obligation de soulager certains maux.
Souvent sans aucune instruction, des bonnes dames sous informées, mais motivées par la quête de leur pitance quotidienne, se sont transformées en vendeuse de produits pharmaceutiques contrefaits, au vu et au su de tous. Elles rivalisent d’ardeur dans toutes nos rues et carrefours pour nous proposer des médicaments avec des dénominations qui puissent dans notre « Kotébé » national. Malgré la douleur du malade et la gravité du fléau, comment s’empêcher de rire devant des noms aussi bizarre que surprenant comme : « Hamadou Haya Sanogo », « Béret rouge », « Kô ni fassa » ou le dos et les nerfs, « Fatô Kéni » ou le petit fou, « Bana wolofila » ou les sept maladies, « Chauffeur kê » ou le chauffeur, « Soumaya bâ » ou la mère de la fièvre.
Hormis les campagnes de sensibilisations moles, aucune action concrète n’est conduite pour faire disparaître ces produits dangereux de notre environnement.
Chose grave, face aux nombreux échecs thérapeutiques, il y a fort à craindre de la qualité douteuse des produits pharmaceutiques que proposent certaines officines aux citoyens maliens. D’où le renforcement du contrôle de la qualité des produits disponibles dans nos pharmacies.
Monsieur le Président,
Face à autant de défis, le Mali n’a pas le choix. L’Etat du Mali doit s’assumer en toute responsabilité, afin qu’en matière de soins de santé, l’égalité des citoyens devant le service public soit une réalité pour tous.
L’Etat du Mali doit faire en sorte que les citoyens n’aient pas l’impression qu’il y a un système de santé pour les pauvres maliens d’en bas et un système d’évacuation sanitaire vers l’Europe ou les pays maghrébins pour une autre catégorie de la population.
Monsieur le Président,
Le Mali doit se donner les moyens de soigner ses filles et ses fils dans ses hôpitaux. Cela est possible. Il suffit d’une volonté politique pour doter le pays d’une structure sanitaire de référence capable de prendre en charge dans les conditions idoines les pathologies les plus fréquentes dans notre pays.
Le 22 décembre 2016
Yagaré Baba Diakité
Président du Mouvement Vert-Jaune-Rouge