Excellence Monsieur le Président de la Transition du Mali
J’ai l’honneur de venir par cette lettre ouverte adressée à vous pour vous interpeler sur la question de débouché maritime pour notre pays et attirer votre très haute attention sur la situation des livres et manuscrits du Guide spirituel des hamallistes Cheick Hamahoullah de Nioro du Sahel confisqués par la France lors de sa déportation dans la Métropole.
Il y a dans la vie d’un homme des jours qui déterminent une part décisive de son destin, autour desquels jours des légendes se façonnent. Jalonnant de façon exponentielle au graphique de la difficile promotion humaine les points culminants les hauteurs qui expriment autant de victoires sur l’individu lui-même que le milieu social dans lequel il évolue.
Pour rappel, le 18 août 2020, chute du régime d’Ibrahim Boubacar Kéita,
Le 24 mai 2021, chute du pouvoir de Bah Daw,
Le 25 septembre 2021, discours historique du Mali à la Tribune de l’ONU,
Le 9 novembre 2022, fin de l’opération Barkhane au Mali,
Le 1er juillet 2022, fin de la mission de Task Force Takuba,
Le 15 mai 2022, retrait du Mali du G5-Sahel,
Le 14 janvier 2022, Journée de la Souveraineté nationale retrouvée,
Le 14 novembre 2022, Journée nationale des légitimités traditionnelles,
Le 23 septembre 2023, récupération de Kidal par l’armée malienne,
Le 31 décembre 2023, départ de la Minusma du Mali.
Ces dates resteront gravées dans les annales de l’histoire du Mali et de l’Afrique contemporaine car, elles constituent l’affirmation de la souveraineté retrouvée du Mali et le départ de la libération de l’Afrique du joug colonial.
Cependant, Monsieur le président, l’arbre ne doit pas cacher la forêt. Le Mali reste tributaire de son inaccessibilité à la mer. Cet état de fait entrave son développement économique, social et culturel. Il est la volonté manifeste du colonisateur de sanctionner le Mali en le privant d’un débouché à la mer pour sa résistance acharnée contre la pénétration coloniale. Ainsi, le Mali payait le prix de cette résistance que la France n’a connue nulle part en Afrique. Ce qui inspira le commandant Louis Faidherbe communément appelé dans la langue vernaculaire “Patraba” (Commandant du Haut-Sénégal-Niger) de formuler deux recommandations fortes à l’endroit de ses supérieurs à Paris.
La première recommandation est de dire à sa hiérarchie de tout faire pour que le Soudan occidental (actuel Mali) ne soit doté de débouché maritime. Comme si cela ne lui suffisait pas, il formula une deuxième recommandation qui a concerné les populations peules du Haut-Sénégal-Niger. Il disait, je cite : “Parmi les populations indigènes que nous avons eu à coloniser, il y a une ethnie qui n’acceptera jamais notre domination. Et, il se trouve que cette ethnie est rependue sur notre espace de colonisation. Il est urgent et impératif pour notre présence en Afrique de réussir à les diviser et à leur opposer les autres ethnies moins rebelles. Car le jour où les Peuls se regroupent, ils peuvent balayer sur leur passage toutes les forces coloniales. Nos gouverneurs doivent considérer cette action comme étant un devoir national”. Fin de citation.
Ces deux recommandations fortes du commandant Louis Faidherbe à l’endroit des dirigeants français d’alors sont les sources de tous les malheurs qu’a connus le Mali depuis cette époque jusqu’à nos jours. La deuxième recommandation est en train d’être exécutée au centre du Mali avec les conflits qui opposent les Peuls aux autres ethnies.
L’Empire du Mali avec Kankou Moussa a atteint une superficie de 9 500 000 km2 selon des sources. Il s’étendait au sud du Sahara depuis la mer Rouge (comprenant le lac Tchad) jusqu’à l’océan Atlantique.
Au nord, l’Empire du Mali comprenait la ville algérienne d’Insallah jusqu’à celle du Fezzan une ville que Kankou Moussa a conquise lors de son voyage pour le pèlerinage historique à La Mecque. Les colons ont laissé cette ville à la Libye. Le Sud du Cameroun et tous les pays du Golfe de Guinée faisaient parties de ce Grand Empire du Mali. D’ailleurs, pour magnifier l’appartenance historique d’une grande partie du Cameroun à l’Empire du Mali, l’ancien président de ce pays, feu Amadou Ahidjo au temps de feu Modibo Kéita n’a pas voulu établir de visa d’entrée entre son pays et le Mali.
Pour la mise en œuvre des recommandions de Louis Faidherbe, la France entreprit la liquidation puis le dépècement de l’Empire du Mali de toute sa grandeur en y amputant la ville malienne d’Insallah pour la rattacher à l’Algérie et cela jusqu’au Fezzan Libyen. Il en fut de même pour l’ancien Empire Songhaï et tous les royaumes qui succédèrent à ces empires. Comme si cela ne suffisait pas, la Métropole continua le dépècement et la liquidation du Grand Empire du Mali. Après plusieurs changements de nom de l’Empire du Mali, le colon créa des provinces coloniales qu’elle dépècera au gré des changements administratifs.
L’immense territoire du Mali disparait petit à petit pour laisser la place au Haut-Sénégal-Niger qui désigna les provinces de l’Ouest. Ce dernier changea d’appellation pour devenir le Soudan occidental français. La province de la Mauritanie bénéficiera d’une partie de Ouagadou, de Oualata et de Néma. En 1899, les terres conquises sur Samory, Ahmadou et Babemba, qui étaient les anciens territoires impériaux regroupés sous le nom de Soudan occidental furent l’objet de partage. Le Sénégal sera formé comme un puzzle.
A partir de Dakar, l’administration crée une province dénommée le Sénégal qui hérite de tout le territoire compris entre les fleuves Sénégal et Niger. La Guinée-Conakry apparaitra enrichie de tout le Sud du pays malinké, sa partie méridionale et tout le Ouassoulou. La Côte d’Ivoire grignotera le Sud de l’Empire et s’étant jusqu’en pays sénoufo. Quant à la Haute Volta (actuel Burkina Faso) et le Niger, ils hériteront des parties méridionales et orientales de l’Empire Songhaï. Le Dahomey (actuel Benin) établit son autorité jusqu’au sud de l’ancien Soudan occidental. Les territoires du Centre ont été partagés entre deux administrations militaires, l’une basée à Tombouctou et l’autre à Bobo-Dioulasso. Au centre mutilé de tous les côtés, sera créé une province dénommée le Soudan français qui sera la future République du Mali.
La liquidation s’est accompagnée d’un démantèlement continuel qui n’aboutira aux limites du Mali contemporain qu’en 1944. Le dépècement ne s’arrête pas là. En 1904 apparait au sein de l’Afrique occidentale française la province du Haut-Sénégal-Niger. En 1920, cette nouvelle circonscription une fois amputée de ce qui formera l’Ouest du Burkina Faso retrouve le nom du Soudan français. En 1935, la région du Hodh El Ghabi, qui formait naguère les régions septentrionales des empires de Ouagadou et du Mali, sera rattachée à la Mauritanie.
Actuellement, le Hodh El Ghabi est une région administrative de la République islamique de Mauritanie, ayant comme chef-lieu de région Aioun-Altrouss composée d’antan des villes de Ouagadou, Oualata et de Néma.
Après l’indépendance des pays africains dans les années 1960, le président du Mali, feu Modibo Kéita, un panafricaniste hors pair qui croyait à l’unité des pays africains aurait signé en juin 1963 à Kayes en guise de solidarité envers la Mauritanie un accord avec feu le président Mohamed Ahmed Ould Dada de la Mauritanie pour lui céder les terres arabes du Mali. Il semblerait que ces territoires prolongeraient le Mali jusqu’à l’océan Atlantique. Donc un véritable débouché maritime pour le Mali.
Excellence Monsieur le Président,
Au sujet de cette question, les rumeurs circulant sur les réseaux sociaux font l’objet de débats très houleux et parfois passionnés dans les “grin”, les marchés, les milieux scolaires et universitaires, les services publics, les villes et les campagnes concernant l’existence probable d’une carte du Mali au siège de l’ONU et validée par cette organisation internationale. Sur cette carte du Mali qui existe depuis la période coloniale l’on aperçoit que le Mali a un débouché maritime et les anciennes villes de Ouagadou, Oualata, Néma sont dans les girons du Mali.
Ces mêmes sources indiquent que vous auriez entamé des démarches auprès des responsables mauritaniens et onusiens pour que le Mali puisse être remis dans ses droits. Sur la véracité de ces rumeurs qu’en est-il exactement Monsieur le Président de la Transition ? Depuis la diffusion de ces rumeurs sur les réseaux sociaux, il n’y a pas eu de communication officielle du gouvernement pour confirmer ou infirmer ces allégations. Cependant, le peuple qui observe la résilience depuis votre avènement à la tête du pays a droit à l’information en ce qui concerne son devenir.
Excellence Monsieur le Président,
Notre pays a subi une humiliation pendant la période coloniale. Cette humiliation a été faite à l’endroit du Guide spirituel des hamallistes le Saint Cheick Hamahoullah lors de sa déportation par le gouvernement de Vichy. Il fut déporté et enfermé à l’hôpital de Montluçon dans des conditions inhumaines et dégradantes. Très cultivé, il s’est vu confisqué ses 2,5 tonnes de manuscrits et de livres saints.
De sa déportation à nos jours, personne ne sait où se trouvent ces manuscrits et ces livres saints. Le combat pour rapatrier ces documents précieux pour notre nation incombe d’abord à l’homme d’Etat que vous êtes ensuite à tous les citoyennes et citoyens pris individuellement ou collectivement. Vous devez mettre cela dans votre agenda le combat du retour au bercail de ces documents précieux confisqués par la Métropole.
En parcourant l’historique des empires du Mali, un fait a attiré mon attention et m’a poussé à m’engager dans la politique. En 1551, le Roi du Maroc envoya une expédition conduite par le mercenaire du nom de Djouder pour annexer la ville de Tondibi (Gao) avec des fusils à canon. Cette annexion avait pour cause l’accaparement d’immenses réserves d’or qui existaient à l’époque dans cette ville de l’Empire Songhaï de Gao. Au cours de cette expédition, le Royaume du Maroc a mobilisé 6000 mercenaires espagnols à ses côtés. A cause de cette annexion, feu le Roi Hassan II du Maroc (père de l’actuel Roi Mohammed VI) a eu à revendiquer ces territoires du Mali comme faisant partie intégrante du Royaume chérifien. II fit cette revendication lors des assises du 13e Sommet des chef d’Etat et de gouvernement de l’Organisation de l’unité africaine (OUA), tenu du 2 au 6 juillet 1976 à Port-Louis à l’Ile Maurice.
Ce sommet avait à son ordre du jour le différend territorial qui opposa le Royaume du Maroc au Front Polisario. Les Etats africains étaient divisés sur la question d’appartenance territoriale du Sahara occidental au Royaume du Maroc. Il fut recadré dans ses propos par son homologue et ami de longue date, feu le président Ahmed Sékou Touré de la République de Guinée-Conakry.
Ahmed Sékou Touré l’exhorta de ne plus tenir de telle déclaration qui risque d’effriter l’unité africaine qu’ils recherchent à construire depuis les années des indépendances des Etats africains. Pour le président Ahmed Sékou Touré, si le Mali se mettait à revendiquer aujourd’hui tous ses territoires d’antan, tous les pays de l’Afrique de l’Ouest jusqu’à la mer Rouge en passant par le Sud du Maroc et de l’Algérie n’auront d’existences. Le président guinéen rappellera à son ami que le Maroc est arrivé à Tondibi en tant qu’envahisseur à l’instar des Occidentaux.
Au retour de ce 13e Sommet de l’OUA d’Ile Maurice, le Président Ahmed Sékou Touré comme à l’accoutumée a fait le compte rendu des débats sur la radio nationale guinéenne. Quand j’ai écouté cette déclaration de feu Sékou Touré, alors que j’étais en classe de 6e année de l’enseignement fondamental, j’ai décidé à partir de ce jour de m’engager dans la politique pour qu’un jour si Dieu me confiera le pouvoir, je puisse rétablir le Mali dans ses droits expressément piétinés par le colonisateur. Le Tout-Puissant décida autrement. Nonobstant cette volonté de Dieu, j’ai toujours eu l’espoir qu’un autre fils de ce pays le fera tôt ou tard.
Excellence Monsieur le Président,
L’Empereur Soundiata Kéita et ses différents successeurs ont conquis par la guerre d’immenses territoires qu’ils ont légués aux générations futures que nous sommes, mais que le colonisateur a amputé d’un pan important. A cause de ces empires, la France s’est trouvée à la fin du XIXe siècle sous son contrôle en Afrique un immense territoire neuf fois plus grand que le sien propre.
Monsieur le Président,
Les dirigeants n’existent que pour les intérêts des peuples qu’ils gouvernent. La parfaite illustration de ce principe dans les relations entre les Etats a été démontrée par François Hollande, ancien président de la République française de 2012 à 2017. En recevant le livre blanc écrit par Hubert Védrine son ancien ministre des Affaires étrangères au cours d’une cérémonie de présentation le 14 décembre 2013 à la veille du sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique tenu les 6 et 7 décembre 2013. Il disait ceci : “La France a ses intérêts et ses valeurs qui légitiment ses interventions sur le plan international y compris l’Afrique. Pour défendre ses intérêts et ses valeurs qui lui reprocherait ? Sauf qu’en face, un courant de pensée très répandue dans le continent qu’hors du continent considérait qu’il ne s’agit là ni plus ni moins qu’une doctrine néocolonialiste qui est destinée à perpétuer la vassalisation des pays africains du pré carré français aux fins d’en accaparer d’une part les richesses, d’y maintenir l’influence de la Métropole d’autre part. Tout le reste n’est que discours, imposture ou un enfumage de notre esprit”.
Le président Hollande continue en disant, je cite : “Si une nation n’est plus à mesure de protéger sa souveraineté, elle perd la maîtrise de son destin et le caractère démocratique du projet national est remise en cause”. Fin de citation. Voici ce que les présidents français envisagent pour leur peuple et au même moment, ils refusent ces mêmes principes pour d’autres nations et plus particulièrement celles d’Afrique.
Si ces informations décrites plus haut et qui circulent sur les réseaux sociaux concernant votre intention de récupérer ces territoires s’avèrent exactes, vous devriez mobiliser le peuple malien pour mener les combats de récupération de nos terres et celui de la restitution au Mali des manuscrits et livres du guide spirituel Cheick Hamahoullah.
Monsieur le Président, la fonction que vous occupez à la tête du Mali vous l’exige et l’uniforme que vous portez vous recommande de mener ces deux combats pour l’honneur, la dignité de l’homme malien et au regard de la souveraineté retrouvée du Mali prônée par les autorités du Mali.
Bamako, le 11 mars 2025
Moussa Diakité, Missabougou
(Descendant d’un ancien combattant, de la guerre d’Indochine et d’Algérie)
Tél : 76 30 13 55 / 52 30 40 52.