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Lettre d’une femme politique à sa sœur : « La politique n’a pas de pitié… »

Aujourd’hui ministre, une femme politique raconte à sa sœur, sous la plume de la blogueuse Salimata Traoré, les contraintes d’ordre familial, professionnel auxquelles elle fait face.

 

Chère sœur,

Tu sais, t’écrire une lettre chaque dernier dimanche du mois est mon moment préféré. J’ai toujours hâte, car c’est le seul moment où je suis moi-même. Je ne suis la patronne de personne et je ne suis leader de personne. C’est le seul moment où personne ne compte sur moi. Le moment où je peux compter sur quelqu’un, c’est-à-dire toi. Je suis juste une petite sœur qui parle à cœur ouvert à sa grande sœur, devenue en quelque sorte sa petite maman aussi.

Ce matin, sur la terrasse, je n’étais pas très bien. Je disais vouloir abandonner mon poste et changer de voie. Ma sœur, j’ai l’impression de travailler tout le temps sans prendre des vacances, ni de temps de repos. Si ce ne sont pas les réunions interminables, ce sont des voyages à gogo. Madame le ministre par-ci, Madame le ministre par-là. Je n’ai plus d’intimité, même pas à la maison.

Une personne sans parole

Souvent j’ai peur, ma sœur. Peur que je ne sois pas « capable », peur de ne pas être à la hauteur, peur d’être dénigrée par la population, peur que les enfants voient ou entendent ceci ou cela. J’ai toujours voulu leur servir d’exemple. Mais est-ce toujours possible avec le développement des réseaux sociaux où chacun dit ce qu’il veut, sans pour autant faire attention aux conséquences ? La preuve, mon community manager me disait la dernière fois que l’on dit que je suis une personne qui n’a pas de parole. Que j’ai juré de défendre le système de recyclage au Mali et que je ne l’ai pas fait. Mais savent-ils peut-être à quel point je me bats pour l’instaurer? Connaissent-ils ceux que je dois affronter ? Certes, on parle de liberté d’expression mais, il faudrait ajouter à ça « liberté d’expression véridique, censée et réfléchie ».

Cette vie fait rêver tellement de monde ! J’entends murmurer au quotidien : « Elle est chanceuse », « elle a des gardes du corps », « elle a une V8 », « elle gagne bien sa vie ». Ma sœur, ce qu’ils ne savent pas c’est que la politique est dure. On veut souvent atteindre certains objectifs mais les contraintes sont nombreuses. La politique n’a pas de pitié et on ne décide rien en claquant des doigts. Il m’arrive de me dire que je me suis battue pour en arriver là pour l’idée que je me faisais de ce poste. Sauf que l’idée ne reflétait pas tous les aspects.

Je tiens à passer du temps avec mes enfants, car ça reste mon passe-temps favori. Et on passe du temps ensemble, car je m’implique dans leur éducation mais ça ne me suffit pas. Tu te souviens de nos vacances en famille, toi, nos enfants et moi, quand nous choisissions notre destination sur un coup de tête ? Eh bien ! figure-toi que ça fait 3 ans qu’on n’en a pas fait.

Essence de la politique

Elhadj me dit au quotidien que je me fais des idées, que je joue pleinement mon rôle en tant que mère, femme et ministre. Il dit qu’en termes de management, je suis le genre de manager qui veut la perfection partout. Que c’est une théorie et que, si l’on veut être réaliste, je suis parfaite. Je dois dire que ces mots venant de mon époux me rassurent beaucoup. Mais, les mots venant de ma petite maman me guériront, j’en suis sûre. Tu me connais plus que tout, tu m’as vu grandir et tu sais pourquoi j’ai suivi cette voie.

Toujours sur la terrasse, je me suis remémorée notre enfance, je disais partout que je voudrais être politicienne. Je disais que j’aimerais rendre service et que je veux passer ma vie à servir les autres, ce qui est l’essence même de la politique. Je me suis remémorée ce jour où je suis allée te voir, à mes 25 ans, avec beaucoup de convictions pour te dire que j’aimerais me présenter aux élections législatives. Tu m’as suivie sans hésiter ainsi que Elhadj, car vous saviez que c’était ce que j’avais toujours voulu. Quand je pense à ces nuits blanches avec vous, à tous ces gens qui se moquaient à l’époque, je me dis que je n’ai pas le droit d’abandonner. Je dois me battre. Mais je n’y arriverai pas seul sans toi et sans El hadj, un mari devenu un meilleur ami.

Je sais, tu te diras en finissant cette lettre « celle-là c’est une vraie politicienne, toujours là à écrire de longue lettre » (rires).

Bref, hâte de te lire. Je t’aime.

Source : benbere

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