C’est ce lundi 27 juillet 2020 que les chefs des quinze Etats membres de la CEDEAO tiennent par visioconférence un sommet spécial sur le Mali. Il vise à trouver, à défaut de solutions idiones, un compromis entre les parties engagées dans la plus grave crise sociopolitique que le pays ait connue depuis trente ans.
D’ores et déjà une certitude : l’organisation communautaire sous-régionale ne transigera pas sur le maintien à son poste du président IBK jusqu’au terme de son mandat quinquennal en août 2023. Cela dans le strict respect de son Protocole Additionnel sur la Démocratie et la Bonne Gouvernance, qui bannit toute accession au pouvoir par la voie extra constitutionnelle.
Pour lever toute ambiguïté sur ce point, son président en exercice, le Nigerien Mahamadou Issoufou s’est fait fort de le rappeler au sortir des discussions entre la délégation de Très Haut niveau qu’il dirigeait, la semaine dernière à Bamako et le comité stratégique du M5- RFP : » Faire partir le président IBK alors qu’il a été démocratiquement élu est une ligne rouge pour la CEDEAO « .
Cette garantie pour le locataire du palais de Koulouba d’y demeurer 36 mois encore devrait être confortée par » des mesures fortes » (le vocable est du président Issoufou) en faveur de ses adversaires.
La première et la plus urgente est la mise en place d’ » un gouvernement d’union nationale » Au départ la CEDEAO le voulait » consensuel » suggérant par-là que chaque portefeuille doit faire l’objet de concertation entre les protagonistes de la crise pour aboutir à une entente. Puis la mission conduite par l’ancien président nigerian, Goodluck Jonathan, a semblé faire pencher la balance du côté du président IBK en proposant que 50% des portefeuilles soient attribués à la majorité, 30% à l’opposition et 20% à la société civile. Cette dernière formule, reprise à son compte par la mission des cinq chefs d’Etat qui a séjourné dans la capitale malienne la semaine passée, a été recusée par le M5-RFP qui y a perçu un recul par rapport à la mission ministérielle du 18 au 20 juin précédent.
Il en découle que » le gouvernement d’union nationale » susceptible d’avoir l’adhésion du mouvement contestataire et donc de faire baisser substantiellement le thermomètre politique est celui qui sera dirigé par un Premier ministre de » pleins pouvoirs » sorti de ses rangs ; à défaut une personnalité reconnue tout à la fois pour son indépendance vis-à-vis des chapelles politiques, sa connaissance des grands dossiers du Mali, une carrière professionnelle exemplaire et une rigueur morale irréprochable.
En outre, » la mauvaise gouvernance, la mal gouvernance, la non gouvernance » étant au cœur de la crise, le sauvetage du Mali requiert, pour le M5-RFP, qu’il s’assure le contrôle de tous les ministères stratégiques : l’Economie et les finances, la Défense et la sécurité, les Affaires étrangères et la coopération internationale, l’Education, la Santé, la Justice.
La deuxième » mesure forte » devrait se rapporter à la dissolution de l’Assemblée nationale. Elle devient imparable dès lors qu’il est admis par l’expertise nationale que les élections législatives partielles, le rafistolage de la Cour constitutionnelle pronés par la CEDEAO et » la dissolution de fait » de ce qu’il en reste opérée par IBK jurent avec la Constitution malienne.
La troisième » mesure forte » concernera les enquêtes à diligenter et la traduction devant les tribunaux des auteurs des tueries par balles de 23 manifestants » aux mains nues » lors des journées de » désobéissance civile » des 10, 11 et 12 juillet. Elles ont fait du Mali une démocratie sanglante et ces crimes ne doivent pas rester impunies.
C’est en annonçant ces trois » mesures fortes » que les chefs d’Etats, qui se penchent aujourd’hui sur le sort du Mali – inquiétant au -delà de ses frontières et celles du continent- réussiront à lui éviter le chaos. Puissent-ils être inspirés dans cette voie.
Saouti HAIDARA
Source : l’Indépendant