Les Maliens votaient timidement dimanche pour élire leurs députés lors de législatives à fort enjeu. La peur du coronavirus était présente dans de nombreux esprits après l’annonce du premier mort dû au Covid-19 dans ce pays longtemps épargné par la maladie.
Les électeurs doivent renouveler les 147 sièges du Parlement en deux tours, dimanche et le 19 avril, lors de ce scrutin maintenu malgré la progression du virus, la persistance des violences et l’enlèvement du chef de l’opposition. Les bureaux de vote devaient fermer à 18h00 (20h00 suisses). Les premières tendances ne sont pas attendues avant quelques jours.
“Je viens voter la peur au ventre. Vous voyez, il n’y a pas de monde. Peut-être parce que c’est le matin, mais c’est aussi normal à cause de la situation”, explique un enseignant de Bamako, âgé de 34 ans.
Le Mali a enregistré samedi son premier décès lié au coronavirus, un homme de 71 ans rentré récemment d’un séjour médical en France. Vingt cas étaient officiellement recensés dimanche.
“C’est n’importe quoi, aucune mesure n’a été prise! Pas de savon, pas d’eau!”, s’écrie un électeur de Bamako, masque blanc sur le nez. Peu après, un bidon d’eau et du savon étaient installés à l’entrée du bureau de vote.
“Assurances”
“On ne peut pas dire que ce soit une très grande affluence à cette heure-ci”, a reconnu le Premier ministre Boubou Cissé après avoir voté en début de matinée. Il a appelé les électeurs “à respecter les gestes barrières et à utiliser le dispositif sanitaire”, en espérant “un taux de participation qui soit suffisamment satisfaisant”.
Les législatives ont été maintenues pour éviter qu’une crise politique s’ajoute aux difficultés sécuritaires et sanitaires. L’un des enjeux est que le scrutin puisse simplement se tenir dans les larges parties du territoire en proie à des violences quasi-quotidiennes.
A Kidal, ville du nord sous le contrôle d’ex-rebelles touareg, le vote a également débuté sur un mode mineur. A Tombouctou, autre ville du nord, les bureaux de vote étaient sécurisés par l’armée malienne. Très faible au début, l’affluence augmentait quelque peu à la mi-journée, même si de nombreux électeurs sont restés à la maison par crainte du coronavirus, selon une correspondante de l’AFP.
Les distances de sécurité n’étaient généralement pas respectées, mais les électeurs se lavaient les mains à l’entrée des bureaux de vote, a-t-elle constaté.
Aux mains d’Al-Qaïda
Le mandat de l’assemblée issue des élections de 2013, qui avaient octroyé une majorité substantielle au président Ibrahim Boubacar Keïta, aurait dû s’achever en 2018.
Après plusieurs reports, les législatives sont finalement organisées alors que les attaques djihadistes, les violences intercommunautaires, le brigandage et les trafics continuent, malgré la présence de forces françaises, régionales et de l’ONU.
Le leader de l’opposition Soumaïla Cissé a été enlevé à quelques jours du scrutin par des hommes armés alors qu’il faisait campagne dans son fief électoral de Niafounké, près de Tombouctou.
Il est “vraisemblablement” aux mains de djihadistes se revendiquant du prédicateur peul Amadou Koufa, chef de l’une des branches de la principale alliance djihadiste du Sahel affiliée à Al-Qaïda, selon un élu et une source sécuritaire.
Enjeux importants
Son parti a malgré tout appelé à une “participation massive”, afin de sortir “encore plus grandi de cette épreuve”. Plusieurs autres formations d’opposition souhaitaient un report de l’élection à cause du coronavirus.
Les enjeux du scrutin sont importants. Pour les experts, il s’agit de faire enfin progresser l’application de l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 entre les autorités et les groupes armés indépendantistes, notamment touareg, qui avaient pris les armes en 2012. Il ne concerne pas les groupes djihadistes.
Mais sa mise en oeuvre est considérée comme un facteur essentiel d’une sortie de crise, à côté de l’action militaire. Il prévoit plus de décentralisation via une réforme constitutionnelle.