Les dirigeants européens rêvent de croissance, mais en Chine certains internautes regrettent ses conséquences et notamment la pollution qui envahit régulièrement les grandes villes chinoises. Avec une expression pour décrire ce phénomène : le « pet de poulet » !
Ce jeu sur les mots et en l’occurrence sur les termes PNB, Produit national brut, qui en anglais se dit GDP a envahi la toile cet hiver. L’homophonie « ji » « de » « pi » en mandarin signifiant, vous l’avez compris, « pet de poulet » !
Une autre manière de décrire l’origine du brouillard qui plombe les mégalopoles chinoises pendant les vacances du Nouvel An lunaire. C’est très rabelaisien, c’est très élégant et ça fait « marrer » tout l’internet chinois en ce moment.
Selon nos amis du site Tea Leaf Nation, qui ont mené l’enquête, les caractères « ji de pi » (pet de poulet) inscrits récemment dans la barre de recherche du moteur chinois Sina Weibo ont donné lieu à plus de 920 000 réponses !
Du sarcasme à la critique
Les Internautes affirment que la croissance ne fait pas tout. Or, depuis Deng Xiaoping, les dirigeants chinois noient toute velléité de contestation sous l’incontestable performance économique du pays. Le reste des réformes, notamment sur le plan sociétal, étant repoussé aux calendes grecques et en l’occurrence, ici, à la prochaine lune.
Or, la croissance a aussi des effets collatéraux qui se voient et qui se respirent surtout. Les centrales à charbon utilisées pour alimenter les usines et éclairer les villes, l’explosion du nombre des voitures qui accompagne l’urbanisation… c’est aussi de la pollution. Une pollution qui est devenue le motif numéro un de contestation au sein de la population.
Les grands centres urbains, ici à Shanghaï, ont vu exploser le nombre d’automobiles et la pollution qui en découle.
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Une situation prise en compte aujourd’hui par les dirigeants chinois comme l’explique le Français Nicolas Hulot, de passage récemment à Pékin : « La pollution est un élément important d’expression de masse. Il y a une conscience aiguë du fait que la situation n’est pas tenable. Les Chinois ont un temps pensés que c’était une situation éphémère. Ils ont maintenant compris que c’était une situation durable. Et ils ont évidemment compris la relation de cause à effet entre la croissance et la saturation des villes. Ils m’ont clairement dit qu’ils n’allaient pas faire comme Londres, dans les années 1950, et attendre vingt ans pour enlever ce brouillard. Ils disent qu’ils seront capables de l’enlever le plus rapidement possible. »
Des mesures balbutiantes
Les autorités chinoises ont proposé notamment de substituer la seule performance économique à une « croissance verte ». Autrement dit, à une croissance durable, même si l’idée est balayée dans la pratique par certains responsables provinciaux qui veulent rattraper rapidement leur retard de développement. On a eu aussi l’apparition dans la province du Guangdong, au sud du pays, d’un index basé comme au Bhoutan sur une sorte de « Bonheur national (ou régional) Brut » et non plus seulement sur la croissance. Mais pour l’instant, on en reste à la théorie.
En attendant, le « pet de poulet » est mis à toutes les sauces. « Qu’est-ce qui est le plus important, demande un weibonaute. Le ji de pi ou survivre ? » Autre exemple relevé par le site Tea Leaf Nation, la mairie de Qingdao sur la côte est, elle aussi régulièrement confrontée aux pollutions industrielles, se vantait récemment d’une croissance annuelle de 10%. « Nous voulons du ciel bleu et pas un “pet de poulet” », a commenté un internaute sous une photo d’un ciel à tuer les impressionnistes.
Le brouillard «pet de poulet» à Pékin. Les autorités assurent faire de la lutte contre la pollution l’une de leurs priorités.
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