L’Egypte a déclaré « organisation terroriste » les Frères musulmans du président destitué Mohamed Morsi après leur avoir fait porter la responsabilité de l’attentat meurtrier contre la police mardi pourtant revendiqué par un mouvement jihadiste.
Cette annonce officielle place désormais sous le coup d’une sévère loi anti-terrorisme la confrérie vieille de 85 ans et déjà la cible d’une sanglante répression depuis l’éviction il y a six mois du chef de l’Etat issu de ses rangs par l’armée qui dirige désormais de facto les nouvelles autorités.
Le gouvernement a en outre interdit aux membres du mouvement islamiste, né en Egypte mais qui a essaimé ailleurs dans le monde, de manifester, alors que les partisans de M. Morsi se mobilisent quasi-quotidiennement en Egypte pour réclamer le retour au pouvoir du seul président jamais élu démocratiquement du pays.
Ces décisions, qui interviennent trois semaines avant un référendum constitutionnel que les Frères musulmans ont appelé à boycotter, ont été prises au lendemain d’un attentat qui a choqué en Egypte.
Perpétrée par un kamikaze qui a jeté sa voiture sur les barrières protégeant le quartier général de la police de Mansoura, à une centaine de kilomètres au nord du Caire, l’attaque a tué 14 policiers et un civil. Les résidents s’en étaient aussitôt pris aux Frères musulmans, que le gouvernement intérimaire accuse régulièrement d’aider et de financer les auteurs d’attaques contre les forces de l’ordre.
L’attaque de mardi a toutefois été revendiquée par Ansar Beit el-Maqdess, un mouvement jihadiste qui dit s’inspirer d’Al-Qaïda, alors que la confrérie a rapidement condamné l’attentat de Mansoura.
Mais peu après cette revendication, postée sur les forums jihadistes, un communiqué du gouvernement affirmait que « l’Egypte toute entière (avait) été terrorisée par l’horrible crime commis par les Frères musulmans ».
Détaillant les décisions gouvernementales, le vice-Premier ministre Hossam Eissa a annoncé que les Frères musulmans avaient été déclarés « organisation terroriste », ajoutant que le gouvernement avait décidé de « punir conformément à la loi quiconque continuerait à appartenir à ce groupe après cette annonce ».
En 1992, alors que des attentats islamistes ensanglantaient le pays, l’Egypte avait adopté une loi anti-terrorisme prévoyant des sanctions renforcées, allant jusqu’à la peine capitale.
Le ministre de la Solidarité sociale Ahmad el-Boraie a ensuite indiqué que « toutes les activités » des Frères musulmans étaient désormais interdites, notamment « les manifestations ».
plus d’un millier de morts et des milliers d’arrestations
C’est la première fois qu’une décision aussi drastique est prise à l’encontre la confrérie, bannie mais tolérée sous le régime de Hosni Moubarak et véritablement sortie de la clandestinité à son départ en 2011.
Les nouvelles autorités dirigées de facto par l’armée qui a destitué M. Morsi le 3 juillet se sont lancées depuis août dans une sanglante répression des manifestants pro-Morsi. Cette implacable campagne a fait à ce jour plus d’un millier de morts et des milliers d’arrestations dans les rangs des islamistes.
M. Morsi et plusieurs responsables de son administration ou de son mouvement sont actuellement jugés et doivent notamment répondre d’ »espionnage » au profit d’organisations étrangères, notamment du Hamas au pouvoir dans la bande de Gaza, en vue de commettre des « actes terroristes »
Alors que l’armée a promis une « transition démocratique » qui doit être lancée avec le référendum constitutionnel les 14 et 15 janvier et se clore par des élections législatives et présidentielle mi-2014, M. Boraie a expliqué que l’interdiction des activités des Frères musulmans visait également son parti Liberté et Justice (PLJ), qui avait remporté toutes les élections depuis la révolte populaire qui a chassé du pouvoir Hosni Moubarak.
Lors de leur coup de force contre M. Morsi, les militaires avaient affirmé répondre au souhait de millions de manifestants qui accusaient le président islamiste d’avoir échoué à redresser une économie en ruine et de chercher à accaparer le pouvoir au profit de sa confrérie.
Depuis son éviction, les attaques contre les forces de l’ordre ont fait plus d’une centaine de morts, notamment dans le Nord-Sinaï où l’armée, qui a mobilisé depuis plusieurs mois ses troupes au sol et son aviation, ne parvient pas à venir à bout des combattants islamistes qui s’y sont établis, dont ceux d’Ansar Beit al-Maqdess.
Ansar Beit al-Maqdess a déjà revendiqué plusieurs attaques, dont la plus spectaculaire avait été en septembre une opération suicide contre le convoi du ministre de l’Intérieur qui en était sorti indemne.