Au Tchad, le président Idriss Déby a promulgué vendredi 4 mai 2018 la nouvelle Constitution, marquant le passage à la IVe République. Une cérémonie que le pouvoir a voulu solennelle et avec des annonces sur ce que sera le nouveau Tchad.
L’opposition dénonce « un coup d’Etat constitutionnel ».
C’est devant une salle comble, en présence de tous les corps de la République que le chef de l’Etat a signé le décret promulguant la nouvelle Constitution, entouré des acteurs du texte.
Pour Idriss Déby Itno, les temps nouveaux qui s’annoncent appellent aussi de nouvelles attitudes : « La IVe République est bâtie sur des valeurs fortes, qui imposent des attitudes et des pratiques de rupture. Je reconnais volontiers que de nombreuses personnes ont bâti des fortunes importantes sur la base du détournement et de la corruption. Je vous assure que cette machine de l’enrichissement illicite et immoral va cesser son fonctionnement, quelles que soient sa marque et sa puissance ».
Le chef de l’Etat a confirmé la tenue des élections législatives – repoussées depuis 2015 – en novembre 2018 et des locales dans la foulée. Idriss Déby Itno a « saisi cette opportunité pour solliciter le concours et le soutien de nos partenaires techniques et financiers » pour l’organisation des futurs scrutins, car d’après lui il sera « difficile de tenir cet important pari, eu égard à la modicité de nos ressources ».
Dans la bataille pour le développement du Tchad, un « réaménagement s’impose pour augmenter le temps de travail. J’ai la profonde conviction que la durée hebdomadaire de travail qui est de trente-sept heures est un luxe pour un pays comme le Tchad » a lancé le chef de l’Etat, qui a aussi annoncé une amnistie générale pour tous les Tchadiens qui ont pris les armes contre son régime et qui se trouvent en exil.
Inquiétude et colère dans l’opposition
De son côté, l’opposition dénonce « un coup d’Etat constitutionnel », d’autant que la nouvelle Constitution renforce les pouvoirs du président tchadien, avec la mise en place d’un régime présidentiel intégral, sans Premier ministre ni vice-président.
L’ancien Premier ministre Joseph Djimrangar Dadnadji est président du parti CAP-SUR. Il accuse le chef de l’Etat de s’être « substitué au peuple ». Il regrette que la nouvelle Constitution ait été « avalisée » par les députés, sans référendum.
Arrivé 4e à la présidentielle de 2016 –« officiellement », précise-t-il, Joseph Djimrangar Dadnadji « ne peut pas appeler » le nouveau texte une Constitution. « On supprime certaines institutions, on dénature le régime », s’inquiète-t-il. Alors qu’en 1993, « la Conférence nationale a mis en place un système démocratique », un « individu dit “je ne me retrouve pas dedans et ça va se passer comme ça tout le temps qu’il faudra” pour qu’il atteigne ses objectifs, donc ce n’est pas une Constitution ».
Le silence « complice » de la communauté internationale
Dobian Assingar, président d’honneur de la ligue tchadienne des droits de l’homme dénonce pour sa part le silence de la communauté internationale : « Ailleurs, quand il y a un petit sable dans le grincement de la démocratie, la communauté internationale se lève. Mais au Tchad, ce n’est pas le cas. Le Tchad est abandonné, c’est le guerrier, soi-disant, Idriss Déby qu’il faut protéger ». A ses yeux, « Déby fait le sale boulot qu’ils ne peuvent pas faire, donc la communauté internationale ferme les yeux sur tout ».
Avec la proclamation de la IVe République, le président du Tchad « va concentrer tous les pouvoirs entre ses mains, plus de pouvoir encore », accuse Dobian Assingar, qui craint que le pays ne soit « gouverné encore plus d’une main de fer ». Pour lui, « on sacrifie le peuple tchadien » avec la « complicité de la communauté internationale ».
RFI