Le Soudan était confronté mardi à une pénurie de pain qui contraignait les habitants de Khartoum à faire la queue devant les boulangeries, une situation potentiellement explosive dans ce pays touché par des manifestations contre la hausse des prix fin septembre.
La Banque centrale, souffrant d’une pénurie de devises, n’a pas été capable de fournir assez de dollars pour importer de la farine en quantité suffisante, alors que le pays n’en produit pas assez pour répondre aux besoins de la population, a expliqué à l’AFP l’analyste Safwat Fanous, de l’Université de Khartoum.
Mardi, trois jours après le début de la pénurie, des queues de 15 à 20 personnes étaient visibles devant plusieurs boulangeries de Khartoum, selon un journaliste de l’AFP.
« Si cela continue, les gens ne vont pas rester silencieux », a déclaré Khalifa Hassan, un fonctionnaire patientant devant une boulangerie du nord de la capitale. « Chacun des trois derniers jours, j’ai passé deux heures à attendre pour du pain ».
Khartoum a perdu des milliards de revenus pétroliers lors de la partition en 2011 du Soudan, le Sud comptant la majeure partie des champs de brut.
Le pays manque de devises, la livre soudanaise a perdu presque 50% de sa valeur en deux ans, alors que l’inflation est galopante (+40% en octobre selon les chiffres officiels).
M. Fanous a souligné que le gouvernement semblait hésiter à réduire les subventions sur le pain, craignant de nouvelles manifestations après celles ayant éclaté fin septembre-début octobre contre la hausse des tarifs du carburant.
« Politiquement, c’est encore plus sensible que la réduction des subventions sur les produits pétroliers », a-t-il jugé.
Les prix des carburants ont bondi de plus de 60% en septembre quand le gouvernement a réduit drastiquement les subventions.
Des milliers de manifestants, dont une grande partie étaient des habitants des quartiers pauvres de Khartoum, étaient alors descendus dans la rue, réclamant même le départ du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 24 ans.
Les forces de sécurité ont réprimé le mouvement de contestation, faisant environ 100 morts selon les autorités, plus de 200 selon Amnesty International.
Début septembre, un haut responsable du parti au pouvoir avait indiqué que le régime prévoyait de lever les subventions sur la farine.
Le gouvernement est « sous la pression du Fonds monétaire international (FMI) et d’autres institutions financières », a souligné M. Fanous. Mais si les prix du pain augmentent, « de plus en plus de gens auront faim », créant un risque de « troubles ».
Le Centre des médias soudanais, liés aux services de renseignement, a indiqué que des représentants de la Banque centrale et du régime avaient rencontré des responsables de minoteries lundi et leur avaient donné instruction de produire au maximum de leur capacité.