De la lutte contre le terrorisme au gaz et aux trafics inter-frontaliers: les sujets ne manqueront pas lors des entretiens que le président mauritanien Mohamed Ghazouani doit avoir avec son homologue sénégalais, Macky Sall, lors de la visite que ce dernier doit effectuer à Nouakchott, le lundi 17 février 2020
Les relations personnelles entre Macky Sall et Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani apparaissent aussi courtoises que celles que le président sénégalais avait avec l’ancien président Mohamed ould Abdel Aziz, même si, avec ce dernier, des moments de tension étaient parfois intervenus dans les relations de voisinage entre les deux pays. Les difficultés actuelles entre les deux pays ne sont donc pas aggravées par les relations interpersonnelles.
On se rappelle les conséquences dramatiques des relations conflictuelles, en 1988-1989, entre le président mauritanien Maayouya ould Sid’Ahmed Taya et le président sénégalais Abdou Diouf, accentuées par les propos sans nuance des deux ministres de l’intérieur, le Mauritanien Gabriel Cimper et le Sénégalais André Sonko. En 2020, les relations sont heureusement à la recherche de consensus, comme en témoigne cette visite de Macky Sall.
La question de la pêche artisanale
Depuis les temps immémoriaux les pêcheurs Lebou de Nguet Ndar, quartier de Saint-Louis-du-Sénégal, pratiquent la pêche artisanale le long des côtes poissonneuses de la Mauritanie, jusqu’au Cap Blanc, à proximité de Nouadhibou. Avec la surpêche industrielle, les autorités mauritaniennes entendent protéger leurs eaux territoriales en imposant de nouvelles licences de pêche et en restreignant leur nombre. Des amendes et des arrestations avaient été infligées aux contrevenants sénégalais, ce qui avait conduit à des troubles dans la région de Saint-Louis. Les autorités sénégalaises ont été prises à partie et certains ressortissants mauritaniens de la région du Fleuve ont également subi des violences collatérales. Les échanges diplomatiques et la venue à Nouakchott du ministre sénégalais chargé de la pêche ont permis de stopper ce début de crise. Les amendes ont été annulées et les arrestations levées. Certes, les autorités mauritaniennes ont fait preuve de compréhension, mais le problème n’est pas résolu. La visite de Macky Sall devrait permettre de trouver des points de convergence à un problème qui est frequemment source de tensions dans cette zone frontalière où se situent, en off shore, les gisements gaziers, d’une importance capitale pour les économies des deux États.
Le gaz, facteur de rapprochement
Si la pêche peut constituer un domaine de frictions entre les deux pays, en revanche, les exploitations du très important gisement gazier du Grand-Tortue Ahmeyin (GTA) et des gisements gaziers secondaires, situés dans les limites des eaux territoriales des deux États, contribuent fortement à une collaboration de bonne intelligence.
Depuis 2016, avec l’intermédiation de la British Petrolium, opérateur de la future exploitation, prévue en 2022, et avec le concours de Kosmos Energy, le découvreur des gisements, les deux États ont matérialisé, en 2018, leur accord sur la répartition de l’exploitation future du GTA. Un accord est également intervenu pour les limites réciproques des autres gisements. Le 11 février 2020, un nouvel accord portant sur la vente des futures livraisons a été signé à Dakar. Macky Sall et Mohamed ould Cheikh el-Ghazouani devraient se féliciter de cette fructueuse entente qui dépasse largement le domaine économique et financier. Pour une fois, un gisement transfrontalier ne sera pas une source de conflit mais plutôt une raison de conforter des relations de bon voisinage.
Un contentieux transfrontalier récurrent
Ce sera probablement le point le plus délicat des entretiens de Nouakchott. La question est récurrente, depuis la coexistence des deux États, avec des crises périodiques, à l’intensité variable, en relation avec les situations politiques internes fluctuantes des deux pays. Les problèmes saisonniers de transhumance, avec les bergers nomades et les cultivateurs sédentaires remontent à la nuit des temps, avec des conséquences qui peuvent être considérables, comme à Diawara le 9 avril 1989, origine du conflit sénégalo-mauritanien.
Depuis quelques mois, on assiste à une hypertension due surtout à un durcissement des conditions de circulation et d’établissement des ressortissants sénégalais en Mauritanie. La préoccupation de Nouakchott serait surtout de mieux maîtriser les flux migratoires venant d’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, plusieurs homicides récents, de part et d’autre du fleuve Sénégal ont aussi crispé les relations entre les communautés riveraines.
Comme toujours, les trafics illégaux, notamment de produits illicites, impliquant des ressortissants des deux États conduisent à des réactions qui ne sont pas que judiciaires. Enfin, les grands projets de l’agrobusiness dans la vallée du Fleuve Sénégal, prévus dans les programmes des deux chefs de l’Etat et entrant dans le cadre de l’OMVS, peuvent susciter, ici et là, des conflits entre nouveaux propriétaires terriens et exploitants traditionnels qui sont souvent des Peuls-Toucouleurs originaires du Sénégal.
Le G5 Sahel à l’ordre du jour
Les deux chefs d’État devraient également ne pas oublier la crise au Sahel et la lutte contre le terrorisme. Le président mauritanien recevra à Nouakchott, le 25 février 2020, une réunion du G5 Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger et Tchad) pour en devenir le président en exercice. Une nouvelle fois, la participation du Sénégal au G5 Sahel pourrait bien être posée à Macky Sall. Cette question serait d’autant plus pertinente que l’Opération Fintlock, organisée par les Forces américaines en Afrique ( Africom), du 17 au 28 février 2020, avec la participation de 34 pays, se déroulera en Mauritanie avec une petite incursion au Sénégal (Thies).
Le Fintlock 2020 confirme la bonne appréciation qu’ont les Etats-Unis d’Amérique de la Mauritanie et du Sénégal. Ces deux Etats sont considérés comme stables, sortant d’élections moins critiquables que dans les autres pays sahéliens et qui progressent vers une bonne gouvernance.
Les deux chefs d’État pourront se féliciter de cette reconnaissance prometteuse
mondafrique