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Le principal opposant au Tchadien Déby se retire de la présidentielle

Saleh Kebzabo dénonce un climat d’insécurité croissant et refuse de « servir de caution à la mascarade qui se prépare » pour le scrutin du 11 avril.

 

Le principal opposant au Tchad, Saleh Kebzabo, a retiré, lundi 1er mars, sa candidature de la présidentielle du 11 avril en accusant le président Idriss Déby Itno, grand favori pour un sixième mandat, d’intimider ses rivaux par l’usage de la force.

Kebzabo, à quatre reprises candidat malheureux contre M. Déby, a annoncé son retrait au lendemain d’une sanglante tentative d’arrestation par l’armée à son domicile à N’Djamena d’un autre candidat déclaré, qui s’est soldée par la mort d’au moins trois personnes : la mère du candidat et deux militaires.

Condamnant « l’attaque militaire du domicile de M. Yaya Dillo Djerou », le député de l’opposition a dénoncé « le climat d’insécurité qui entachera certainement la campagne électorale pour les candidats qui vont affronter M. Déby », lequel dirige le Tchad d’une main de fer depuis plus de 30 ans. Et M. Kebzabo, invoquant « une militarisation évidente du climat politique », a annoncé le retrait de sa candidature, « pour ne pas avoir à servir de caution à la mascarade qui se prépare sur une grande échelle ».

Cet ancien journaliste, arrivé troisième à la présidentielle de 1996, s’était rallié au chef de l’Etat au second tour, avant d’entrer dans son gouvernement. Il y enchaînera les portefeuilles jusqu’à sa rupture avec M. Déby en 1999, qu’il affrontera encore sans succès aux présidentielles de 2001, 2006 et 2016.

Portail défoncé par un blindé

Dimanche, la police épaulée par des militaires lourdement armés et des blindés ont tenté d’arrêter l’opposant et candidat déclaré Yaya Dillo à son domicile de N’Djamena, en vertu de deux mandats d’amener de la justice pour « diffamation et injures » à l’égard de l’épouse du chef de l’Etat.

Le mouvement de M. Dillo, le Front nouveau pour le changement (FNC), a assuré dans un communiqué que cinq membres de la famille de l’opposant, dont sa mère, ont été tués par un corps d’élite de l’armée qui ont « défoncé son portail avec un char blindé ».

Une version contredite lundi par le ministre des affaires étrangères, Amine Abba Sidick, devant le corps diplomatique : « Un tir de l’intérieur visant les forces de l’ordre a atteint mortellement la mère de Yaya Dillo », a-t-il affirmé, ajoutant que deux militaires ont été tués dans un blindé dans la cour de l’opposant. Selon le ministre, « M. Dillo et cinq hommes armés de fusils de guerre » ont ouvert le feu sur les forces de l’ordre dès leur arrivée. Puis un blindé léger est entré dans la cour du domicile et a été pris d’assaut, deux membres de l’équipage ont été tués.

Dans la cohue, les soldats « ont laissé partir des civils » et M. Dillo « s’est probablement échappé en se cachant parmi eux », a assuré le ministre. « Sa position demeure inconnue », a confirmé lundi le procureur de la République de N’Djamena, Youssouf Tom.

Ancien chef rebelle et membre de la même ethnie Zaghawa que M. Déby, Yaya Dillo Djerou avait rallié en 2007 le président Déby, dont il était devenu ministre avant d’occuper plusieurs postes de conseiller à la présidence. Il fut ensuite représentant du Tchad à la Commission des Etats de l’Afrique centrale (Cémac) jusqu’en 2020, avant de rejoindre l’opposition. Lundi, quelques blindés et des membres de la garde présidentielle et de la gendarmerie étaient encore positionnés près du domicile de M. Dillo, a constaté un journaliste de l’AFP.

« Restrictions disproportionnées »

L’accès à l’Internet mobile, quasiment impossible dimanche, était encore fortement perturbé lundi. Depuis plusieurs semaines, le gouvernement interdit systématiquement et réprime durement toute manifestation de l’opposition et de la société civile qui réclame « l’alternance et plus de justice sociale ».

L’organisation non gouvernementale de défense des droits humains Amnesty International a dénoncé des « restrictions non nécessaires et disproportionnées du droit à la liberté de réunion pacifique » et des « arrestations arbitraires ».

Outre M. Déby, une quinzaine de personnes ont annoncé leur intention de déposer leur candidature à la présidentielle, mais la Cour suprême doit publier dans les jours à venir la liste de celles qui sont officiellement retenues.

Cet émiettement de l’opposition – réelle ou de façade, selon les politologues –, comme pour tous les précédents scrutins, semble garantir une réélection confortable à M. Déby, qui s’était emparé du pouvoir par un coup d’Etat en 1990.

Source : Le Monde avec AFP

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