Depuis le 23 mars 2019, le Mali est sous le choc face à la cruauté et les atrocités des violences commises sur les populations civiles à Ogossagou (Bankass). Plus d’une semaine après le drame, on continue de s’interroger au Mali sur les raisons de ces massacres. Joint au téléphone par nos soins, ce 31 mars 2019, le Professeur Alhousseïni BRETAUDEAU, enseignant-chercheur et ancien secrétaire Exécutif du Comité Inter-Etats de Lutte contre la Sécheresse dans le Sahel (CILSS) nous a livré son analyse.
D’entrée de jeu, il a affirmé que ce massacre d’Ogossagou constitue une tragédie humaine pour lui. Depuis la crise de 2012 où le Mali a été mis sous tutelle, les services secrets de certaines puissances internationales, la France en tête, sont en train de travailler à diviser le Mali en dressant les ethnies les unes contre les autres, nous a confié M. BRETAUDEAU.
Il a rappelé qu’à ses débuts, la rébellion été une occasion de diaboliser d’instrumentalise cette crise du Mali en présentant les touaregs comme étant une minorité laissée pour compte. Pourtant, poursuit-il, les problèmes de développement que connaissent les touaregs au nord sont partagés par beaucoup de populations du sud. Cependant, dans tous les débats, on parle d’injustice contre les touaregs pour justifier la rébellion. Toute chose qui, selon lui, est évidemment fausse. Car bien qu’étant une minorité au Mali, les cadres touaregs et les leaders de cette communauté sont associés à la gouvernance à tous les niveaux, s’est-il justifié.
Ce qui est évident, dira-t-il, c’est que le Mali est un peuple de brassage, un pays multiculturel où chacun est respecté dans sa différence. La preuve, c’est que lors des cérémonies de mariage, qui ne sont d’ailleurs pas moins fréquentes, entre deux ethnies de culture différente au Mali, les traditions de chaque famille sont dument respectées.
Et ce brassage a fait qu’aujourd’hui, dans ce pays, il n’y a pas de Dogon qui n’a pas d’ascendance peule ou de peul qui ne reconnait pas en les bambara et vice-versa pour l’ensemble des ethnies du Mali.
« Nous devons travailler à sauver garder ces valeurs fondamentales du Mali. Avec l’attaque d’Ogossagou, on présent le bilan comme si c’était que des peuls, alors que le chef de village d’Ogossagou est un Dogon. Mais pour créer l’amalgame, on soutient que les victimes sont toutes des peuls et on évoque très peu le cas des victimes Dogons », a-t-il précisé.
Pour ce chercheur malien, la communauté internationale a échoué, car depuis qu’elle est là, soi-disant pour la stabilité du Mali, notre pays se déstabilise de jour en jour, à cause l’instrumentalisation des conflits intercommunautaires.
Derrière le complot international, l’ancien directeur du CILSS voit une volonté de mettre la main sur les énormes richesses minières et naturelles du Mali par l’ancienne puissance coloniale. C’est à juste titre que notre interlocuteur s’étonne de constater que ces questions géostratégiques sont généralement occultées dans les débats sur le Mali et cela malgré les multiples alertes qu’il a eu à faire, depuis le début de la crise. «Aujourd’hui, c’est dans les salons feutrés en occident qu’on évoque les questions du pétrole du Mali», a-t-il expliqué.
D’ailleurs, comme par un fait de hasard, force est de constater que la plupart des résolutions de l’ONU en direction du Mali sont à l’initiative de la France. Sans oublier que le premier responsable des opérations de maintien de la paix de l’ONU est un Français. Autre illustration de cette mainmise de la France sur le dossier malien, les missions du conseil de sécurité de l’ONU au Mali sont toujours conduites par l’Ambassadeur de la France l’organisation onusienne.
Aujourd’hui, on nous impose la MINUSMA avec une division chargée des questions de développement alors que les questions de paix et de stabilité qui constituent sa vocation première deviennent de plus en plus un mirage.
À ce propos, le Pr BRETAUDEAU dira que le Mali a suffisamment de cadres qualifiés pour monter des projets capables de développer le pays.
Face au péril, le Pr appelle à l’union sacrée des tous les fils du pays.
« Nous devons nous donner la main, classe politique, organisation de la société civile pour sauver notre pays qui ne mérite pas ça », a-t-il dit.
Pour ce faire, le M. BRETAUDEAU pense que la classe politique a la responsabilité d’être l’artisan de cette mobilisation autour du Mali. Toutefois, face à la division qui caractérise ces acteurs politiques dont certains sont à solde de la communauté internationale, le Pr BRETAUDEAU pense que le peuple, les OSC notamment, doit se réveiller pour prendre des initiatives allant dans les sens paix et de la réconciliation nationale.
Par Abdoulaye OUATTARA
Info-matin