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Le Pr. Ali Nouhoum DIALLO, ancien président de l’Assemblée nationale, ancien président du Parlement de la CEDEAO au Triumvirat en charge du dialogue national inclusif

Je vous félicite d’avoir encore de la considération pour la fonction d’ancien président d’une Assemblée nationale et d’un Parlement régional. Ce n’est pas évident d’avoir une telle considération quand on est imprégné d’une culture royale et/ou impériale. Nous maliennes et maliens nous revendiquons fondateurs de royaumes, d’empires, de califats : le Ghana, le Mali, le Songhoy ; les royaumes de Ségou, du Kaarta, du Bélédougou, du Kénédougou, du Khaso, du Soso, du Mandé, les califats de Tombouctou, de Hamdallaye du Maasina. Dans ces entités administratives et politiques domine l’Exécutif ; le législatif est embryonnaire ; le peuple est assimilé à la foule jugée inculte à tort ou à raison. En tout cas, analphabète, illettrée. C’est avec cet héritage de fond que l’histoire nous invite à réfléchir à la situation de notre pays en crise économique, politique, sociale, confessionnelle, culturelle, militaire et sécuritaire ; à réfléchir à une ou à des solutions de sortie de cette crise qualifiée à juste raison de multidimensionnelle.

 

A réfléchir, vous Madame la Ministre, ancienne ministre de la Culture ma cousine Bwa bien aimée ; vous Monsieur le Médiateur de la République, ancien ministre d’Etat, ministre de l’Education nationale, avec qui je chemine depuis la période d’avant le coup d’Etat du 19 novembre 1968.

Vous Monsieur le Premier ministre que mon maître le Pr. Abderahmane Baba Touré  appelait affectueusement Pinochet.

Vous Excellence Monsieur l’Ambassadeur, qui avez représenté notre pays dans beaucoup de juridictions notamment à Tunis,  et aux Nations Unis à New York, où vous m’avez accueilli avec tant de gentillesse et de fraternité.

Et nous autres citoyennes et citoyens du Mali, membres d’organisations de la société civile (Syndicats, associations politiques et/ou de développement), adeptes de confessions chrétienne (protestante ou catholique), musulmane, de religions traditionnelles ; nous militants de partis politiques.

Les maliennes et les maliens se proclament tous des républicains, des démocrates ; et toutes et tous à des degrés divers aiment le Mali, sont censés consentir le sacrifice ultime pour sauver leur patrie. Nul ne devrait  donc avoir la prétention d’avoir l’apanage du patriotisme comme le disait un grand frère bien aimé et ancien Ministre de l’Education, feu le Pr. Yaya Bakayoko (Paix à son âme) !!!

Vous créditant tous de bonne foi, du souci de sortir le Mali de l’impasse dans laquelle il se trouve aujourd’hui, je vous félicite pour le choix porté sur vous, bien que ce choix n’ait pas reçu l’onction de tous les partenaires au dialogue. L’avis des partenaires n’a tout simplement  pas été requis.

Aussi, cette situation renforce- t- le davantage votre obligation d’affirmer votre indépendance totale vis-à-vis de celui qui vous a nommés. La manifestation de votre devoir d’ingratitude, par des actes forts posés dans la conduite quotidienne du processus de dialogue national inclusif est attendue par toutes les citoyennes et les citoyens maliens.

Comme tout humain, vous avez naturellement droit à l’erreur, mais vous avez l’obligation de réussir la mission qui vous est confiée.

Vous aurez réussi votre mission si vous parvenez à :

1)       faire participer au dialogue national inclusif, toutes les forces économiques et sociales (Patronat, syndicats, organisations de la société civile, ordres socioprofessionnels), les hommes et les femmes de culture, les chefs des cultes religieux, les chefs des formations politiques (Partis et associations). En ne négligeant pas les femmes et les jeunes du Mali qui ont été acharnés dans le combat pour la conquête et la conservation des libertés fondamentales aux quelles aspirent les citoyens et les citoyennes du Mali. Si vous parvenez à éviter toute exclusion.

2)       Eliminer tout tabou dans le débat national qui s’annonce,

3)       A permettre la libre expression de tous les participants et de toutes les participantes au débat national,

4)       A commencer ce dialogue dès la commune, en remontant au cercle, à la région, chaque phase supérieure examinant la synthèse des travaux de la phase inférieure, sans bien sûr se limiter aux seuls thèmes abordés par les prédécesseurs. La Nation profitera de la sorte  d’une riche moisson venue des profondeurs du pays et prendra ainsi en compte les préoccupations du peuple malien.

Ces préoccupations sont d’ordre sécuritaire, d’ordre identitaire, d’ordre de répartition équitable des ressources naturelles et du juste partage de l’espace national.

Il n’est pas concevable que des citoyens maliens traitent d’autres citoyens maliens d’étrangers n’ayant pas droit à la terre ou  ayant droit tout au plus à une portion congrue qu’on voudrait bien leur concéder.

La religion, particulièrement celle dominante aujourd’hui dans le pays a pris une place remarquable et remarquée dans l’arène politique, défiant parfois même l’autorité de l’Etat. La laïcité à la quelle tiennent tous les maliens et maliennes est mise à rude épreuve et la peur de la mauvaise  application de la charia plane sur le pays. Il n’est pas possible de faire l’économie d’un débat sur la place et le rôle de la religion en politique, d’examiner la compréhension des maliennes et des maliens de la laïcité et de la charia. Au demeurant les maliens n’appliquent-ils pas déjà la charia dans beaucoup de domaines : baptêmes, mariages, héritages etc ?

L’Accord de Bamako issu du processus de Ouagadougou, et concocté à Alger dit pour la paix et la réconciliation nationale est l’objet de controverse, de rejet par beaucoup alors que d’autres citoyens, notamment ceux de l’Adrar des Ifoghas en particulier disent qu’on ne changera pas une virgule dans l’Accord dont l’application intégrale, à la lettre, aboutira à la dislocation du pays, à sa distribution entre ceux qui aujourd’hui nous gèrent. Nous gèrent et pour combien de temps ? Tous les citoyens, toutes les citoyennes doivent en discuter. Quand et comment allons-nous récupérer l’intégralité de notre territoire, notre souveraineté pleine et entière tout en tenant compte de notre diversité ? Cette diversité implique-t-elle obligatoirement l’adoption de la forme fédérale, ou confédérale de l’Etat ? Devons-nous accepter qu’il y ait au Mali des Etats laïcs dans lesquels la peine de mort est abolie, cohabitant avec d’autres Etats où la charia s’appliquerait ? Je pense bien sûr au cas des Etats Unis d’Amérique et à celui du Nigéria entre autres. Notre pays peut-il rester uni dans la diversité, dans ces formes d’Etats ? L’expérience des autres pays doit nous instruire.

L’armée : Nous ne pouvons pas jouir de notre souveraineté pleine et entière sans une armée et des forces de sécurité solides conscientes de leurs droits mais aussi et surtout de leurs devoirs envers la Nation et le peuple maliens.

Le dialogue national inclusif ou le Forum National Inclusif ou les Assises nationales inclusives (peu importe le nom qu’on donnera) doivent discuter des causes des faiblesses notées au sein de l’Armée et des forces de sécurité, et préconiser des solutions idoines pour redresser ces instruments de souveraineté, pour en faire un outil qui assure la défense des frontières, et sécurise les citoyennes,  les citoyens et leurs biens. Un outil dont tous et toutes seraient fiers (fières). L’alibi du secret défense ne devrait pas occulter le débat sur la question. Il y va de la restauration de l’intégrité du Territoire, de la cohésion sociale, les groupes d’auto-défense n’étant plus utiles pour rassurer les communautés sans exclusion aucune.

Les conflits seront un mauvais souvenir dès que leurs causes profondes sont cernées parce que les communautés en conflit auront procédé à leur catharsis collective, et réussi la réconciliation des esprits et des cœurs : une entente mutuelle, profonde et durable.

L’armée et les forces de sécurité solides ne peuvent voir le jour qu’avec une Ecole qui a renoué avec toutes ses vertus d’antan. Une école qui confère le savoir, le savoir-faire, le savoir être, c’est-à-dire qui complète l’éducation des parents, l’éducation de la famille. Une école qui permet d’acquérir le sens de la responsabilité, le sens du devoir bien fait, la conscience professionnelle quelle que soit la profession exercée. Au cours du dialogue national, des discussions s’engageront entre enseignants et l’Etat, en présence des parents d’élèves et des apprenants qui donneront leurs avis. Les possibilités de la Nation seront déterminées, la responsabilité de chacune des parties sera située. Le contentieux entre l’Etat et les travailleurs syndiqués ou non, devra être examiné et des principes clairs devant régir leurs rapports seront définis, et chacune des parties sera désormais responsable devant le peuple malien. Chaque homme d’honneur saura à quoi s’en tenir. Personne espérons-le, n’osera plus prendre l’Education en otage sans que ce soit le peuple entier qui pousse des cris d’orfraie.

Les maliens, les maliennes ont beaucoup de choses à se dire en vue de l’élaboration du contrat social régissant le vivre ensemble. Ils ont besoin de temps pour ce faire.

Ne menons pas ce débat national, ce dialogue national inclusif touchant à tous les domaines de la vie des Humains à la hussarde.

Vous l’avez sûrement compris pourquoi ce dialogue ne peut pas être que politique, ne concernant que la classe politique soucieuse surtout d’aller aux élections pour le partage du pouvoir.

Pour le partage du gâteau comme on aime à le dire abondamment ces derniers temps afin de discréditer la classe politique oubliant que toute Femme, tout Homme est, dans les faits, politique. Beaucoup sont des politiciens et des politiciennes et non des politiques.

En ces heures où il s’agit de sauver la Nation malienne n’oublions jamais ce propos attribué à  Sir Wilson Churchill : l’homme d’Etat pense à l’Avenir. Le politicien pense aux élections à venir. Je cite la substance du propos mais pas forcément, textuellement le propos.

En ces heures graves que nous vivons pensons toutes, pensons tous au Mali. Pensons à son Avenir.

Madame, Messieurs les facilitateurs, Monsieur l’organisateur du dialogue national inclusif, vous avez toutes les chances de réussir dès lors que vous aurez convaincu votre mandataire qu’un chef, le vrai, n’est qu’un tas d’ordures. Un tas d’ordure auquel chacun des sujets peut ajouter les siennes comme le disent les Mandingues à leur Nouvel Empereur en l’installant sur son trône. A persuader la Première Institution de la République qui en est la gardienne de ne pas banaliser la Constitution du pays en la modifiant au gré des circonstances pour proroger le mandat des députés illégalement, ou pour y insérer, sans l’avis du peuple malien de nouvelles dispositions germes de l’éclatement de la Nation.

Je vous remercie d’avoir eu la patience de m’écouter !

Août 2019.

Source: l’Indépendant

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