L’élection présidentielle de 2018 au Mali était placée sous le signe de l’alternance. Une alternance entendue dans le sens d’un changement positif profond dans la gouvernance étatique. Les espoirs semblent déjà déçus. Cette volonté du changement, si elle n’est pas accompagnée par une conscience réfléchissante, risque de créer un grand chambardement.
Nul ne peut se convaincre davantage de l’imperfection de l’homme que lorsque nous le voyons devant des décisions difficiles touchant pourtant sa survie. Si l’homme était un être parfait, il aurait été capable de deviner l’issue de tous ses choix. Mais hélas, tel n’est pas le cas ! C’est un être qui ne voit plus que le bout de son nez. L’année 2018 au Mali restera gravée dans la mémoire des plus attentifs des hommes. Une année où différentes autorités de la classe politique, ainsi que celles de la société civile se sont donné les mains pour exprimer le désir qui les brûle à l’intérieur : l’alternance. Ce changement tant chanté, qui a été le principal moyen de rapprochement de la classe politique à la société civile, était vu comme une lueur d’espoir dans un pays qui a souffert et qui souffre de cinq années de gouvernance fantomatique d’un régime moribond.
Cette volonté de changement, en fin de compte, a fourni aux Maliens ainsi qu’à la communauté internationale une leçon de vie. C’est que contrairement à ce que nous apprend ce que nous appelons aujourd’hui le magnétisme, nos volontés ne constituent pas des ordres que nous envoyons sur l’univers qui se charge rapidement de les exaucer. Il y a un mystère qui entourerait ce phénomène de volonté et de choix. En tout cas, ce que nous pouvons avancer comme explication, c’est que le changement ne peut pas donner toujours comme fruit le positif, il peut aboutir aussi au négatif. N’est-ce pas tout le sens de la dialectique de l’intellectuel allemand, Hegel, mais aussi de la théorie de l’imprévisibilité politique de l’intellectuel français Étienne Tassin ? Notons que le peuple malien traverse une période extrêmement difficile jalonnée d’inquiétudes de tous les côtés.
Des interrogations se font de part et d’autre. Chacun se demande si toutefois les Maliens ne sont pas en train de devenir des prisonniers de leur choix, de leur volonté du changement.
Le second tour de l’élection présidentielle est terminé. Dans l’attente des résultats officiels, tous les deux candidats savourent leur victoire. Le Mali va-t-il être dirigé pendant les cinq prochaines années par deux chefs d’État ? Cette situation mérite toutes les inquiétudes. Le candidat de ceux qui prônent un ordre nouveau, Soumaïla Cissé, dit ne pas accepter la fraude électorale ou plutôt « un coup d’État électoral » de la part de son adversaire. Or, cet autre camp estime qu’il arrive largement en tête. Les Maliens vont-ils asseoir ce changement tant souhaité par la majorité des citoyens ? Une question difficile à répondre. Ce qui est sûr, c’est que laisser libre cours à une crise postélectorale ne peut servir qu’à compromettre davantage le développement de ce pays, tout en contribuant à alourdir davantage sa dette. Ce qui revient à une auto punition des citoyens.
Alors, que les deux camps acceptent le dialogue, se fassent des concessions et s’engagent à rester fidèles aux lois du pays. L’amour du pays doit primer sur les intérêts personnels. Seule cette prise de conscience pourra éviter au Mali et aux Maliens cette destruction générale programmée.
Fousseni TOGOLA
Source: Le Pays