La chance tourne pour Sidan Ag Hitta et le mariage avec le Jamahat Nusra Islam wa al Muslimin (JNIM) se brise. L’un et l’autre payent le prix de leur illusion : celle pour Ag Hitta de s’être cru aussi puissant et rassembleur qu’un chef des fractions nobles Ifoghas, celle pour le JNIM d’avoir cru pouvoir fédérer au sein d’une même organisation des êtres nombrilistes, rivaux et troubles. Le divorce est douloureux.
A peine formée l’organisation chancelait déjà, et c’est la branche de Sidan Ag Hitta qui a été la première à rompre. Faisant aujourd’hui basculer tout le reste de la structure.
Ag Hitta a récemment essuyé plusieurs pertes lourdes au nord Mali. Ses échecs dévoilent ses erreurs de commandement. Sa légitimité est d’autant plus atteinte qu’il ne serait pas issu d’une fraction noble Touareg comme ses combattants et propres chefs. Il s’est cru un temps des leurs en intégrant Ansar-Dine mais, il n’a en réalité jamais totalement fédéré. Trop de jalousie malsaine et d’incompréhensions. Trop de suspicions aussi. Il faut rappeler que cet obscur personnage connu pour sa versatilité, a déjà été suspecté de vendre ses propres combattants à Barkhane pour avoir le champ libre et grimper les échelons du JNIM. Chef illégitime ou traitre ? En tous cas le masque du « grand cadre d’Ansar-Dine » est aujourd’hui tombé et la rupture avec ses combattants au sein de sa katiba est entamée.
C’est probablement faute de trouver des candidats fiables et charismatiques que Iyad Ag Ghaly ne l’a pas déjà remplacé. Une écoute fine du discours de ce dernier dans une vidéo diffusée le 27 juillet dernier est à ce propos très révélatrice : les paroles monocordes de Iyad Ag Ghaly laissent entendre une baisse de motivation chez certains de ses combattants et, plus grave encore, une difficulté à recruter et à maintenir dans ses rangs des hommes dévoués et fidèles à la cause du JNIM.
Fatigué, Iyad Ag Ghaly lui-même semble être en très mauvaise posture. Il y a tout juste quelques semaines les médias diffusaient un communiqué annonçant son remplacement par Yahya Abu Al-Hammam à la tête du JNIM. Il était accusé de privilégier son mouvement Ansar-Dine au détriment des autres. Certainement dans le but de régénérer sa branche Ifoghas sérieusement abîmée par les manquements de Sidan Ag Hitta. Si l’annonce a été démentie, elle n’a pas pu sortir par hasard. Elle révèle au minimum une grave incompréhension entre les plus hauts cadres du JNIM, qui ne semblent pas réussir à s’accorder.
L’illusion de pouvoir unir en une même organisation des hommes armés d’origines ethniques et de clans différents et mués par des velléités trop personnelles de pouvoir est en train de tomber. L’idée n’était pas viable et ce« rassemblement pour la victoire », qui ne rassemble pas, ressemble plutôt à une grande farce.
Maintenant, la question est de savoir si l’on doit s’attendre prochainement à une série de grands départs avec fracas ou si le divorce va s’organiser en silence pour mieux en maitriser les conséquences.
Ismaïla Diarra
@idiarra661 sur Twitter
La rédaction