Quatre-vingt-deux (82) mois de statu quo frisant l’échec ou l’avancée à reculons. C’est l’évidence à laquelle il faut se rallier aujourd’hui s’agissant du bilan des sept dernières années du Mali sous la direction d’Ibrahim Boubacar Kéïta, celui-là qui fut le Premier ministre légendaire du Président Alpha Oumar Konaré durant plus de six ans.
Bénéficiant de la confiance de la majorité écrasante des Maliens qui l’ont élu avec plus de 77% des voix à l’issue du scrutin présidentiel de 2013, le Président IBK se trouve depuis lors sérieusement confronté aux défis majeurs du pouvoir. Faute de résultats concluants escomptés, ses concitoyens menacent alors de lui retirer cette confiance. Dans tous les secteurs vitaux et de souveraineté nationale du pays (Intégrité territoriale, Défense et Sécurité, Administration, Justice, Education, Santé, Economie et Société, Développement durable et Infrastructures, Unité nationale, Paix et Réconciliation nationale, Processus démocratique, Respect des Droits de l’Homme …), aucun repère prometteur des lendemains meilleurs pour sortir le pays de la crise multidimensionnelle dans laquelle il est plongé depuis mars 2012 ne semble acquis. Le pire, les délits et les fautes s’amoncellent et la crise sécuritaire et sociopolitique va de mal en pis.
L’épilogue, on le sait, est motivé par la crise sécuritaire et les violences intercommunautaires qui demeurent, les élections législatives truquées, les attaques terroristes qui s’aggravent, les espoirs déçus, à bien des égards ! Bref, tout un chapelet de promesses oubliées, des fermes engagements négligés. Donc, un carton plein d’erreurs muées au finish en fautes lourdes qui ont fini aujourd’hui d’inciter à un soulèvement populaire avec comme conséquence plausible la rupture totale du contrat de confiance signé en 2013 entre le Président IBK et le peuple malien qui croyait pourtant capable de donner encore des preuves d’homme d’Etat, de principes et de rigueur incontestable comme lorsqu’il était leader du parti ADEMA et Premier ministre d’Alpha Oumar Konaré, puis Président de l’Assemblée nationale sous ATT.
En effet, force est de constater que, si IBK ne rompe pas avec le statu quo gangrenant la crise multidimensionnelle qu’il a héritée en prenant très au sérieux son peuple qui se sent trahi au profit d’un clan familial, la situation tend à dégénérer de plus en plus et risque même de l’éjecter du Palais de Koulouba par la petite porte.
« Ma famille d’abord »
Ainsi, vu les fautes commises, rien n’aurait réussi à éviter la présente situation au pays naguère vitrine du dialogue social, du consensus et de la démocratie dans un continent tourmenté, en proie aux non-droit et à l’incurie. Rien, ni les appels du peuple souverain, ni les pressions des partenaires au développement, ni les sages conseils des amis et experts proches d’IBK, la mauvaise gouvernance au quotidien a trouvé dans le système déguisé ‘‘Ma famille d’abord’’, un bel ulcère. Il ne faut pas, en fait, croire que le critique climat social et politique dans lequel se trouve à l’instant le pays est apparu ‘‘ex-nihilo’’. C’est bien le désaveu du bilan du Tisserand en chef que l’on ne cessait à l’époque d’encenser du vocable « IBK, Kankelen tigi » ou « IBK, la solution » face à la crise dans laquelle est profondément plongé le Mali. Si le plébiscite accordé à IBK en 2013 paraissait plus éclatant, dans un pays livré à une atmosphère d’instabilité chronique due à des rebellions touarègues et terroristes, la nation n’a pu tenir jusque-là que par la patience et les sacrifices consentis dans la douleur et le remords profond ressentis par le peuple souverain.
Certes, IBK est arrivé au pouvoir dans un contexte particulier. Mais qu’à cela ne tienne car le peuple s’est mis de nouveau à espérer que le Mali peut et doit renaître de ces cendres. Ce, en rappelant le chef de l’Etat à l’ordre. C’est-à-dire, rappeler à IBK ses promesses, ses engagements de 2013.
De ce fait, le président de République aurait dû éviter un certain nombre de fautes graves dont, entre autres, la négligence de la crise du Nord et du Centre ; l’instabilité gouvernementale (avec 7 Premiers ministres en 7 ans) ; le népotisme (les leviers du pouvoir entre les mains des clans d’apprentis sorciers) ; la mauvaise gouvernance (l’impunité, l’injustice sociale, l’insécurité des personnes et des biens, la dilapidation et le détournement des deniers publics, l’incivisme …) ; la corruption ; l’enrichissement illicite ; le chômage ; le manque des réformes politiques et administratives profondes promises; le détournement des fonds débloqués pour l’achat d’armements et d’équipements pour les Forces armées et de sécurité nationales ; le passage des marchés publics de gré à gré ; la crise scolaire et le prime d’impunité accordé aux auteurs de détournement des projets d’infrastructures modernes (routes, écoles, hôpitaux, logements sociaux, agriculture, transports, adduction d’eau potable, électricité, …) ; l’inexistence d’une réelle politique de contrôle des prix des produits alimentaires et de première nécessité ; la délinquance juvénile et financière ; la violation de la loi électorale avec le tripatouillage des résultats des voltes et la violation des Droits humains.
Ainsi, les Maliens, déçus et vivement préoccupés, s’interrogent anxieusement de nos jours et s’attendent au pire.
Ce qui se soldera par la mobilisation des foules autour des leaders religieux et de la société civile face à la classe politique dans son ensemble pour s’écrier ouvertement « Haro sur la mauvaise gouvernance ! », puis exiger le départ en bloc d’IBK et de tout son régime.
En guise d’apaisement, des nouvelles mesures ont été annoncées, les dimanche et mardi derniers, par le Président Ibrahim Boubacar Kéïta. Mais, il se trouve que le Mouvement du 5 juin, Rassemblement des Forces Patriotiques (M5-RFP), ne mise que sur la sortie définitive de la crise du pays dans son ensemble. Ce qui fera que, selon un responsable de ce mouvement, la démission du Président IBK est devenue un passage obligé. Surtout est-il que des fautes suffisamment graves ont été longtemps commises. Des indices et motifs forts puissants existent pour empoisonner et cristalliser l’atmosphère fort délicate de cette période post-électorale.
Aux dernières nouvelles, la venue à la rescousse d’IBK d’une Délégation de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a été annoncée. Il s’agit de proposer aux initiateurs de la marche de demain vendredi 19 juin ses bons offices pour décrisper la situation et parer au départ d’IBK à la catastrophe. Mais la solution de cette crise ayant rendu son fauteuil éjectable était bien avant entre les mains d’IBK lui-même. C’est simple, en lisant entre les lignes de la plateforme revendicative du M5-RFP, il s’agit de passer, pour cette fois-ci, aux actes concrets et non plus à des simples mesures d’apaisement : il faut dissoudre l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle ; retirer les leviers des reines du pouvoir des mains du clan familial ; ramener le chef de file de l’opposition, Soumaïla Cissé ; libérer la région de Kidal ; soumettre une feuille de route concrète pour éteindre la crise sécuritaire du Nord et du Centre du pays et le réarmement des Forces armées et de sécurité ; œuvrer à l’éradication de la corruption et de l’enrichissement illicite ; procéder à la résolution immédiate de la crise scolaire et la définition commune d’un calendrier électoral pour la reprise du scrutin législatif truqué par la Cour Constitutionnelle. Ce qui aura permis aux dinosaures du RPM aussi de se frotter les mains dans leur petit coin de frustrations.
Que de scandales !
En tout état de cause, le règne d’IBK s’est soldé par pleins de scandales au plan financier, économiques, militaires, sécuritaires et sociopolitiques. D’où, en termes de promesses non tenues et engagements non honorés, l’on est en droit de se poser en substance cette série de questions de savoir : -Où en est-on avec la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite, la modernisation des Finances et de l’Administration publiques ?
-Où en est-on avec le plan de réhabilitation de la justice, le projet de réforme constitutionnelle, de renforcement des Institutions avec l’institutionnalisation du Vérificateur Général et le renforcement des Institutions de l’Administration ?
-Où en est-on concrètement avec l’Accord de paix concocté à Alger depuis sa dépossession de la CEDEAO ?
-IBK n’a-t-il pas décrété 2014 une année de lutte contre la corruption alors qu’à la même époque plus de 150 milliards de francs CFA ont disparu sans traces des caisses de l’Etat ?
-Où en est-on encore avec les enquêtes autour du dossier des opérations mafieuses relatives à l’achat à hauteur de 20 milliards de nos francs du fameux Boeing 737 présidentiel, des fonds tirés des maigres ressources du Budget national ?
-Et le contrat d’armement avoisinant l’enveloppe de 70 milliards de francs CFA (69 millions d’euros) ?
-Que de types de dépenses de souveraineté érigés en système de 2013 à nos jours au détriment du Trésor public ?
La liste est loin d’être exhaustive ici.
Ce sont quelques grandes lignes de tout un arsenal de promesses non tenues par le Président IBK.
Par voie de conséquences, la réclamation de la démission pure et simple du Président IBK témoigne de l’excessive colère des Maliens vis-à-vis de celui qu’eux-mêmes avaient démocratiquement élu. Pour avoir été rattrapé par ses propres engagements foulés aux pieds, le règne d’IBK servira-t-il de leçon pour ses futurs successeurs à la tête du Mali, voire ses homologues des autres pays africains ? « Mais le Mali n’est pas synonyme des autres Etats de la Sous-région », nous a rétorqué un confrère de la place.
Ce qui dénote, somme toutes, que le pouvoir en place précipite davantage le pays vers sa descente aux enfers. Cela, sur tous les plans.
Djankourou
L’Aube