Le football malien traverse une grave crise existentielle : crise au sein de la fédération, crise d’entraîneur, crise financière. Face à ces problèmes récurrents qui déstabilisent la fédération malienne de football dans son âme, nous avons approché notre expert en la matière, en l’occurrence, El Hadj Oumar Faye, fin connaisseur du sport malien. Il demande une remise en cause des cadres de la Fédération.
Le matinal : Il y a, aujourd’hui, une crise en couveuse entre cadres de la fédération malienne de football. Le bureau sortant tente de résister en prolongeant son mandant qui doit prendre fin en juillet. Mais d’autres membres de la fédération intiment au bureau de respecter électoral et s’agite. Pouvez-vous nous en dire davantage en tant qu’ancien sportif sur cette crise qui mine le sport roi de notre pays ?
Oumar Faye : Je voudrai surtout parler du sport en général et du football en particulier. Parce que le foot, aujourd’hui, est un phénomène de société qui touche d’abord tous les sportifs, tout le public malien et même tous les Maliens aux confins de nos campagnes. Je suis de très près le sport à travers le football. Et si le football est malade, c’est tout le public sportif, et par – delà, tout le sport malien qui est malade.
Pour revenir à votre question : nous n’avons pas très bien compris la façon de gérer le football malien. S’il y a une très grande majorité de pratiquants et surtout de responsables qui demandent un renouvellement de la fédération, j’en veux pour preuve la crise la crise qui traverse, aujourd’hui, le football.
Je reviens un peu en arrière, pour dire, qu’au moment où nous aurions éteint les lampions de la dernière édition de la CAN, le capitaine des Aigles avait dit que : « Si nous devrions encore changer d’entraîneur, ça doit aller très mal, parce que ce n’est pas une bonne chose de changer tout le temps d’entraîneur, parce que Alain Giresse était parti, nous n’étions pas d’accord. Nous avions compris que c’était une crise au sein de la fédération ».
Si l’entraîneur Carteron vient de partir, nous n’avions pas très bien compris la réaction de la fédération. C’est la raison pour laquelle je donnerai certainement mon point de vue pour qu’on puisse organiser un congrès extraordinaire et que ce bureau là se remette en cause. Je le disais tantôt : lors de l’édition passée, tous les responsables sans exception du sport malien devraient se remettre en cause. Et objectivement, s’ils le faisaient, nous récupérerons ceux qui ont bien voulu travailler et ceux qui ont voulu être honnêtes avec la gestion du sport malien, nous demanderons à ceux qui ne veulent pas travailler ou qui se servent du sport malien, de bien vouloir déposer le tapis.
Le matinal : Donc la FEMAFOOT est mise en cause dans l’affaire Carteron ?
Oumar Faye : Oui, je trouve bien que le bureau fédéral est mis en cause. Il est indéniable et il faut avoir le courage de le dire que la fédération malienne de football est très malade, malade de ses responsables, eux qui ont prêté le flanc à ce genre de gestion que nous ne comprenons pas très bien. Je pense, à mon avis, et ça n’engage que moi, que ce bureau là doit se remettre en cause et doit organiser un conseil extraordinaire afin d’identifier les maux et les tares qui ont fait, qu’aujourd’hui, que malgré les résultats probants (nous avions été 3 fois deuxième, ce n’est pas rien), je pense que le football malien est sur le piédestal, mais la gestion du football laisse à désirer. Il faut remettre la fédération en cause.
Le matinal : Le président de la fédération Hamadoun Kola Cissé avait affirmé qu’il porterait plainte contre Patrice Carteron au cas où il abandonnerait les Aigles pour le TP Mazembé.
Oumar Faye : Nous n’avons pas encore vu de plainte. Et nous avons appris par les médias étrangers que l’entraîneur Carteron a signé un contrat, même juteux, avec un club : le Mazembé. Qu’est – ce qui se passe ? Je ne comprends pas ! Comment un entraîneur peut lâcher de but en blanc une équipe nationale pour un club et aller signer un contrat avec un club ? Il doit bien y avoir une raison et que ceux qui sont chargés de gérer l’EN (la fédération) n’arrivent pas à porter plainte et brillent même par le silence.
Le matinal : On accuse notamment la fédération d’avoir reçu des pots de vin ?
Oumar Faye : Si tel est le cas, nous avions beaucoup d’inquiétudes. Nous avions pensé, qu’à chaque fois, qu’on changeait de responsables, on tendait vers la perfection, mais je crois que c’était difficile à atteindre. Alors, ils des comptes à rendre. En tout cas, Nous Amoureux du sport malien, nous aurions des inquiétudes à se faire.
Le matinal : Pour être 3e Africain, la fédération et le ministère ont déboursé 3 milliards de FCFA
Oumar Faye : On avait annoncé ce montant à partir des faits réels. A l’époque, je me souviens très bien, le Mali n’était pas 3e mais plutôt 4e. Nous avions applaudi à l’époque, que nous soyons dans le carré d’as africain. Et nous avions pris un montant qui partait de la préparation jusqu’à la participation finale. C’était d’ailleurs plus de 3 milliards FCFA. Et si on devait mettre toute cette somme dans le football d’élite (Junior, senior et même la relève) j’aurai compris cela. Et c’est excessif de dépenser plus de 3 milliards pour un seul résultat et une 4e place africaine et surtout pour une seule édition. Je crois qu’il fallait dédier ce montant aux jeunes générations, aux formations et surtout au développement.
Le matinal : Est-ce que toutes ces récriminations à l’endroit du bureau fédéral ne précipiteront pas sa chute et le renouvellement de ses instances ?
Oumar Faye : Il y a toujours un problème entre la fédération et l’Etat. La politique sportive du Mali est gérée par le ministère chargé des sports, mais il faut reconnaître que les fédérations ont une certaine autonomie de gestion dictée par les instances internationales qui ne voient pas d’un bon œil l’implication de l’Etat dans les affaires de la fédération, mais il va de soi que le Mali est un Etat souverain. Si nous nous rendons compte, que même une fédération qui a une certaine liberté, les responsables ne vont pas dans le sens d’une bonne gestion de la politique sportive du pays, il serait bon que l’Etat prenne ses responsabilités, quitte à froisser quelque peu les instances internationales.
Le matinal : Faut-il craindre aujourd’hui une rébellion au niveau des clubs et des instances régionales ?
Oumar Faye : J’espère qu’ils ne le feront pas, que ce sera plutôt autour d’une discussion franche, d’un débat franc, qu’ils pourront peut-être arriver à un bon résultat. Je préfère ne pas faire la lutte frontale. Plutôt que ça, je préfère que ce soit, eux – mêmes, membres de la fédération, qui sachent se remettre en cause. J’espère que des débats sortiront un bureau fédéral répondant à nos attentes.
En tant qu’ancien sportif et ancien dirigeant sportif, j’en appelle aux clubs, de venir dans les débats et non se rebeller et sortir de la structure les dirigeants incapables afin qu’elle puisse s’autogérer. Convenablement et à souhait.
Le matinal : Est-ce bon signe pour les Aigles à quelques jours du match contre le Rwanda prévu le 11 juin ?
Oumar Faye : Vu la maturité des Aigles, aujourd’hui, je souhaite qu’ils ne regardent pas dans le rétroviseur c’est-à-dire ne pas se laisser déborder par ces crises latentes et répétées au sein de la fédération, qu’ils jouent et gagnent pour le Mali et non pour la fédération et les responsables qui ne répondent pas du tout à leur responsabilité.
Le matinal : La fuite en avant des entraîneurs étrangers ne doivent-ils pas astreindre les autorités à recruter parmi les nationaux ?
Oumar Faye : On a déjà évoqué ce débat. Je vois des pays amis qui ont ce problème, aujourd’hui. Il y a de bonnes raisons, souvent, de recruter chez nous, si nous avons des hommes de qualité, formés pour ça, des hommes qui ont la poigne et qui savent également se faire respecter et donner le meilleur d’eux – mêmes, pour être de bons entraîneurs nationaux. S’il est aussi indispensable que ce soit un Expatrié, moi je ne dirai pas non. Mais il faudrait quand même que ce soit une personne qui a l’amour du pays, du sport et à même d’apporter un meilleur résultat.
Réalisée par Modibo Coulibaly
Source: Le Matinal