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Le drame du Mali, c’est d’avoir aussi un peuple papillon !

Le plus délicat des voyages commence dans un genre d’ignorance totale du-où-aller, de l’inconscience voire du manque de courage ou de confiance en ses propres capacités quand il s’agit de réussir sans l’autre.  L’autre qui ne se sert de toi que comme bouclier pour arriver à ses propres projets, n’assouvissant que sa propre soif.  Le peuple papillon-sanguinaire souffre de cette ignorance qui le rend dans un état d’éternel pleurnichard. Il devient l’insatisfait mondial constituant aux yeux du monde un véritable problème.

De jour comme de nuit, ce peuple se trouve au tréfonds de sa gloutonnerie, une insatiabilité qui n’est qu’une ignorance pure et simple de soi-même.  Comme des vrais papillons, ce peuple semble avoir horreur de se rassembler pour former un seul bloc uni se battant pour une seule et unique cause.

Un peuple divisé

Sa dispersion, sa diversité au lieu de constituer une force en soi, constitue le point culminant de son échec.  Chacun ne visant que son intérêt.  Aucune perspective d’avenir rassurante !  Tout vacille et chamboule d’un seul coup dû à l’indécision des membres de la société. Le peuple papillon-sanguinaire est un groupement qui ignore ce qu’il veut réellement. Tout ce qui compte à ses yeux est l’éphémère. Il coïncide parfaitement avec lui-même.  C’est un peuple en-soi habitant un pays où le même homme peut faire la pluie et le beau temps.  Il est décrié quand le papillon-sanguinaire a faim ou soif, mais félicité en raison d’un mille francs ou deux mille francs.

Ce peuple est comparable d’une part au voyage de l’Esprit du philosophe allemand Hegel à propos duquel Jean Hippolyte nous explique : « L’esprit est d’abord perdu et comme égaré dans la nature ; il est encore esprit dormant ; son réveil véritable est la conscience, conscience du monde et conscience de soi-même.» Cette position est la caractéristique de l’ « Esprit subjectif » d’Hegel  voire de l’ « Esprit en Soi ». Ce peuple papillon-sanguinaire correspond en un autre sens à « l’esprit chameau » de Friedrich Nietzsche. Un esprit qui correspond à l’état de dogmatisme de l’esprit. Cette « minorité » kantienne n’assure nullement le progrès.

De l’indécision

Dans cet état, tout convient à ce peuple.  Matez-le ! Tuez-le ! Privez-le de ses libertés fondamentales !  Volez ses biens !  Il oublie vite et est prêt à tout pardonner à moindres frais. Le peuple papillon-sanguinaire est un peuple à mémoire courte, n’ayant pas une conscience qui dure dans le temps. Le moindre geste enflamme son esprit, mais il lui suffit d’une petite chiquenaude pour l’amadouer. Cinq ans de règne dans le favoritisme,  le clientélisme,  la corruption, l’esclavagisme, le mutisme forcé  ne disent absolument rien à cet agrégat d’individus qui ne vit que dans et pour l’immédiat. Son inconstance est responsable de son état de médiocrité.  Il vit sans avenir parce que sans présent ni passé.  Il est alors non loin de l’État de bestialité.

Une conscience circonstancielle

Cette inconscience généralisée porte atteinte à la démocratie, mais elle est par là même la preuve d’une immaturité démocratique de la part de ce peuple inexistant.  Un rouage d’individus qui n’est conscient qu’il souffre bien qu’étant abandonné par ceux qui sont censés lui rendre la joie en dehors des élections présidentielles,  législatives, voire communales.  Avant ces périodes, il est possible d’entendre toutes les insanités à l’envers des gouvernants.  Ils vont jusqu’à renoncer à toute participation aux affaires de la nation puisque les dirigeants les considèrent comme des imbéciles.

Cette conscience qui naît n’est que spontanée et momentanée. Elle est aussi une conscience circonstancielle. Elle naît dans la souffrance, mais fuit une fois qu’une situation d’aisance s’installe. De là,  faudrait-il rappeler à tous les philosophes de la conscience qu’en plus de la conscience spontanée et de la conscience réfléchie,  il existe une troisième forme que je nomme ici la conscience circonstancielle. Cette forme qui naît au gré des circonstances et s’enfuit au gré des mêmes circonstances est la caractéristique cardinale de ce peuple inexistant.
Le peuple papillon-sanguinaire est juste un enfant immature entre les mains de politiques vétérans qui savent le cajoler dès qu’ils désirent le sucer jusqu’aux os. Les principaux maux de la plupart des démocraties du 21e siècle constituent l’existence de ce type de citoyens.

L’ignorance comme fondement

Le fondement de ce fléau est l’ignorance de soi.  C’est un peuple qui ne cesse de s’ignorer. Animé par un désir insatiable de ressembler à l’autre en ayant honte de soi voire de la société dont il fait partie, ce peuple s’embarque dans un monde sans valeurs.  Le voilà perdu et errant  jusqu’à ce qu’un soi-disant défenseur des droits de l’homme le pêche dans ses filets pour mieux l’exploiter. Son inconscience et sa frivolité  font qu’il traduit ce geste comme une volonté salvatrice.
Cela traduit bien la caractéristique du peuple malien depuis l’avènement de la démocratie en 1992. Une situation qui s’est empirée en 2012. Dans la crise menant au coup d’État et à la présidentielle, le peuple malien voyait dans le président Ibrahim Boubacar Keita l’homme de la situation. C’est la raison pour laquelle les élections de 2012 ont fait histoire. Un taux de participation dépassant toutes les attentes.  On a eu l’impression que tous les Maliens ont voté pour celui qu’il voyait comme leur sauveur.  Moins d’une année après son investiture à la tête de la magistrature suprême, les jérémiades se sont multipliées. Preuve d’une conscience circonstancielle.  Un régime sidécrié a battu tous les records lors de la présidentielle de 2018. Ce peuple papillon-sanguinaire a accepté de nouveau les cadeaux empoisonnés de la main de cet homme, Ibrahim Boubacar Keita, pour le porter à la tête de la même magistrature.

Surprise totale !  Les contestations se sont multipliées de la part de la classe politique pendant que bizarrement tous ceux qui souhaitaient qu’il abandonne le pouvoir ont changé de langage.  Chacun a annoncé haut et fort qu’il briguera un second mandat.  L’indécision a mis en branle la démocratie malienne.  Cinq autres années de monarchie absolue ? Que deviennent les activistes,  les blogueurs, les journalistes ?  Cela ne semble pas concerner ce peuple inexistant qui ne songe jamais à écouter ces gens qu’il considère comme des tenants de propos décousus.

Tout droit vers la « société close »

L’oubli de soi est ce qui caractérise tous ces comportements enfantins qui mettent en danger la survie même de la démocratie. Un peuple qui  minimise ses propres capacités reste la proie à la guerre des intérêts des politiques véreux.   Ce peuple papillon ne se connait qu’un sur ce seul aspect : il est un papillon. Cela le convainc qu’il est un incapable et qu’il ne pourra jamais parvenir à faire naître des idées neuves pour construire sa nation. C’est pourquoi il accepte d’être l’esclave de ces gens sans état d’âme. Muni de cette conscience circonstancielle, il a quelques fois de la peine à pouvoir accepter qu’il est papillon.

Cette attitude est traduite par certains comme étant de la « mauvaise foi ». Loin de là. Cet agrégat d’individus a toutes les caractéristiques des enfants ou comme disent les Bambaras comme « des poulets ». Il oublie vite. C’est la raison pour laquelle, il est difficile de voir éclater  dans les pays où il vit des révolutions.  Cette ignorance de soi conduit droit à une détérioration de la valeur de la démocratie et fait plonger la nation dans la « société close » poppérienne.

Retour à l’état de nature

Nul besoin de parler de la démocratie. Elle a été sacrifiée au nom des valeurs individualistes. Les principes comme l’égalité, la justice, la liberté d’expression, de conscience voire d’association a posteriori de l’indépendance de la justice deviennent tous des principes vides de sens. Le respect des normes est désormais une exigence uniquement pour le peuple papillon-sanguinaire de l’inconscience. Les dirigeants censés être des démocrates devant protéger les intérêts des citoyens s’en détournent pour ne songer qu’à eux seuls. Plus de respect. Les normes établies deviennent de simples principes posés sur du papier. Nul ne les respecte. C’est la fin de la démocratie.

Les esprits particuliers s’emparent de la vie de la nation. Le pouvoir des « esprits en soi » s’agrandit à telle enseigne que le règne dans la « société close » devient un acquis. Le dogmatisme fait sa loi. La démolition des entreprises nationales est alors organisée. Les richesses sont pillées. Plus de valeur et par conséquent plus de dignité. La nation tout entière se transforme en un vaste champ de bataille qui laisse à penser que l’on revient à l’état de nature décrit par certains philosophes comme Thomas Hobbes ou Emmanuel Kant.

De la Démocratie

Cette situation ne mérite plus aucune dénomination de démocratie ; il convient de lui donner une autre appellation. Je décide de l’appeler la Démolicratie.
Un régime dans lequel on décide de dissoudre l’ordre existant y compris les richesses. Rien ne subsiste. S’agit-il d’une véritable activité de renaissance ? Cela n’est qu’une supposition qui peut être mieux nourrie sauf que cette renaissance ne fait pas naître un mieux-être. C’est une démolition sans retour. L’ordre ancien est entièrement démoli, mais rien de bon n’est construit à sa place.
Cet état intermédiaire est toutefois bénéfique puisqu’il permettra  une prise de conscience rapide du peuple papillon-sanguinaire. Les difficultés devenant de plus en plus nombreuses ; la vie dans la nation devenant de la géhenne, la conscience circonstancielle va céder la place à une « conscience réfléchie » qui fait découvrir toute la force du changement. Cette phase nous ramène à la conception hégélienne de la guerre : « La guerre n’est pas l’expression d’une haine d’individu à individu ; mais mettant en jeu la vie du Tout, elle est une condition de la santé éthique des peuples. » Tous ceux-ci sous-entendent que la démolition a aussi une haute valeur.

Cette démolicratie est la caractéristique de cette démocratie malienne de 2012-2018, mais aussi de la plupart des démocraties du continent africain.

Cet article a d’abord été publié sur Phileingora.

Fousseni Togola

LE PAYS

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