Par Ibrahima CHERIF : La force de tout un État se trouve dans son autorité politique. Cette autorité se gagne par la légitimité ou par la coercition. La coercition est un moyen de violence pour atteindre des objectifs politiques ou sociaux. Et là où il y a l’autorité politique effective, les citoyens sont engagés à respecter les institutions en se conformant aux lois. Si le régime d’Alpha Condé a rendu le coup d’État militaire possible c’est grâce à sa mauvaise gouvernance (d’un coup d’État contre la constitution au coup d’État militaire), ce brusque changement de régime profite bien à l’armée.
C’est pourquoi, un bon nombre de guinéen estime que le CNRD, est loin de mettre fin à nos crises politiques habituelles. Depuis quelques mois, la classe politique demandait un cadre de dialogue inclusif, et très tardivement cet espace d’échange a été pris en compte par le Comité National du redressement et développement (CNRD), mais qui a connu un boycott total par la majeure partie des partis politiques. Par ailleurs, la CEDEAO continue d’observer l’élan de la junte, qui a du mal à fixer un bon calendrier consensuel. Après le ramadan, les menaces sur la junte seront-elles au rendez-vous ? Vu que c’est le mois de ramadan qui empêche les acteurs politiques de faire des manifestations de rue.
Le duel est-il inévitable entre la classe politique et le CNRD ?
Si le coup d’État du 05 Septembre, a suscité beaucoup d’espoir au sein de la classe politique, il faut reconnaître qu’avec le temps, l’allure de la conduite de cette transition ; une méfiance totale s’installe entre elle et le CNRD. Ce duel pourrait conduire prochainement à des crises sociopolitiques principalement des manifestations de rue (après ce mois saint de Ramadan) à partir du 05 mai 2022 comme le constate. Cette crise émane du fait que les grands acteurs politiques se sentent écarter de cette transition d’où « Un Non-Dit du CNRD » : qui vise à anéantir ou éliminer certains leaders politiques clés sur l’arène politique guinéenne. Par conséquent, un cadre de dialogue initié n’a pas été inclusif, car il avait un manquement dans la démarche menée par le gouvernement de transition d’après les déclarations des partis politiques ; comme UFDG, RPG arc-en-ciel, UFR et d’autres non cités. Alors, İl n’est pas préférable pour le CNRD de minimiser le poids de la classe politique dans les prises de décisions, sinon les mêmes scénarios se reproduiront comme hier.
Ainsi, la seule arme principale de la classe politique guinéenne reste et demeure les manifestations rue, qui sont un casse-tête pour tout un gouvernement civil comme militaire ; le cas du Soudan. Ces manifestations peuvent nous conduire à des situations inattendues et préoccupantes : les manifestations pourrissent une transition. Dans cette situation controversée, le CNRD vient de mettre encore l’huile dans le feu (le discours du Président de la transition Mamadi Doumbouya, qui propose 39 mois de transition : le duel a commencé…
La CEDEAO et le CNRD : ce délai de 39 mois serait-il acceptable ?
Depuis les premières heures du coup d’État, le 05 Septembre 2021, la CEDEAO s’est montrée très ferme vis-à-vis de la junte militaire : en condamnant le coup d’État, la libération immédiate du président déchu et en proposant 6 mois de durée pour le retour à l’ordre constitutionnel. Malheureusement, le CNRD avait du mal à se soumettre à cette exigence dont une longue négociation, et la CEDEAO donne une autre chance à la junte afin de fixer un calendrier juste et acceptable. Plus de 8 mois d’incertitude sur la durée et il a fallu attendre dans la nuit du Samedi 30 Avril 2022 à la télévision nationale ; la proposition d’un chronogramme de 39 mois. Puis le Conseil National de la transition (CNT) fera un sale boulot sur ce délai proposé par la junte au pouvoir.
Selon les observateurs, cette durée de 39 mois est supposée être non conforme à l’esprit de la CEDEAO. Nous attendons la réaction officielle de cette institution pour mesurer l’ampleur des choses. A l’instar du Mali, quel sera le sort de la Guinée après le ramadan dans ce contexte de crise politique ? Je crois bien que la CEDEAO pourrait condamner fortement la Guinée après ce ramadan, si la question de la durée ne fait pas un consensus entre les acteurs.
Ibrahima CHERIF, Doctorant en Sciences Politiques et Administration Publique à l’Université Necmettin Erbakan- Turquie
Source: guineematin