Extrême pauvreté, chômage et changement des normes sociales, voilà des phénomènes, aggravés par la pandémie de la covid-19, et dont les trafiquants d’êtres humains ont su exploiter ces dernières années. Dans son nouveau rapport mondial 2020 sur la traite des personnes, l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (ONUDC) déplore cette augmentation de la traite des personnes au cours des 15 dernières années.
« Près de 50 000 victimes de la traite »
Selon Angela Me, chef du Service de la recherche et de l’analyse des tendances à l’ONUDC, « la traite des personnes est beaucoup plus proche de la vie de chacun et nous ne savons peut-être pas que nous utilisons des services d’exploitation ».
Si au cours de la période en revue, le nombre de femmes victimes de cette pratique a chuté de plus de 70 % à moins de 50 % en 2018, il est à noter qu’une augmentation de près de 10 à 20 % a été enregistrée du côté des hommes. En 2018, « près de 50 000 victimes de la traite des êtres humains ont été détectées et signalées par 148 pays ».
Les enfants, notamment les filles, restent les plus grosses victimes de cette pratique dans le monde. Ils sont utilisés pour des travaux forcés ou pour des fins d’exploitation sexuelle. « La part des enfants parmi les victimes de la traite détectées a triplé tandis que la part des garçons a été multipliée par cinq au cours des 15 dernières années », explique l’ONUDC dans un communiqué du 2 février 2021.
Ce nouveau rapport explique que 50 % des victimes de la traite détectées ont été soumises à des exploitations sexuelles, 38 % à des travaux forcés, 6 % à des activités criminelles forcées, tandis que 1 % ont été contraintes à la mendicité et d’autres à des mariages forcés, des prélèvements d’organes, etc.
Comprendre cette hausse du trafic
Cette augmentation du trafic des enfants peut s’expliquer, selon Mme Me par « les pratiques culturelles largement acceptées dans certains pays, par exemple, éloigner les enfants de la famille, même lorsqu’ils sont relativement jeunes, pour être pris en charge par des parents en ville ou par des amis connus ». Des situations qui exposent le plus souvent les enfants, « car les membres de la famille peuvent se révéler des trafiquants ». Dans les pays à faibles revenus, c’est surtout le chômage et l’extrême pauvreté qui expliquent surtout le travail forcé des enfants, voire l’exploitation sexuelle des filles.
Ghada Waly, directrice exécutive de l’ONUDC, a rappelé au cours de l’événement de lancement de la publication de ce rapport que « la Banque mondiale estime que jusqu’à 164 millions de personnes ont été poussés dans l’extrême pauvreté en 2020, les femmes perdant leur emploi plus rapidement que les hommes pendant la pandémie ».
Le réseau des trafiquants
En plus de tous ces aspects, l’utilisation de l’internet peut expliquer cette hausse de la traite des personnes. « Alors que la pandémie COVID-19 continue de pousser le monde vers une transformation numérique, les trafiquants ont adapté leurs stratégies de “chasse” prédatrice », précise l’ONUDC. À travers les réseaux sociaux et les sites de recrutement, les criminels peuvent facilement atteindre leurs cibles, explique-t-on.
Près de 64 et 62 % des personnes poursuivies et condamnées pour cette pratique sont des hommes. Ils peuvent être membres de « groupes criminels organisés, qui trafiquent la grande majorité des victimes, vers des individus agissant seuls ou en petits groupes sur une base opportuniste ». Les victimes qui constituent leurs marchandises sont livrées pour des dizaines de dollars américains à des dizaines de milliers, explique ce rapport.
Promouvoir une approche à plusieurs volets
Face à cette situation, Angela Me invite à un changement de considération sur cette pratique. Elle souligne la nécessité de la considérer comme un crime qui nécessite non seulement une réponse du système de justice pénale, mais aussi la fourniture de services sociaux, le renforcement du système éducatif et la diffusion de bonnes informations par le biais de campagnes de sensibilisation. « Seule une approche à plusieurs volets peut protéger les victimes potentielles et garantir le droit de chacun de vivre à l’abri de toutes les formes de traite des personnes », explique l’ONUDC dans un communiqué du 3 février 2021.
Ce rapport est le cinquième du genre mandaté par l’Assemblée générale de l’ONU dans le cadre de son Plan d’action mondiale 2010 pour lutter contre la traite des personnes. Ce rapport couvre 148 pays et « donne un aperçu des tendances et des flux de la traite des personnes aux niveaux mondial, régional et national, sur la base principalement des cas de traite détectés entre 2016 et 2019 ». Ce genre de rapport est produit par l’ONUDC tous les deux ans.
Fousseni Togola
Source : Phileingora