Né le 10 octobre 1987 au Gabon, fils d’un Malien de la diaspora, Mahamadou Soumbounou dit Mylmo N-Sahel est diplômé en Multimédia du Conservatoire des Arts et Métiers Balla Fasséké du Mali. Il est originaire du Cercle de Nioro du Sahel, dans la région de Kayes. Trois fois meilleur parolier du Hip Hop Awards depuis 2009 au Mali et l’un des plus grands artistes du moment, il nous a reçus pour nous en dire plus sur son impressionnant parcours à son domicile à Daoudabougou.
Bamako-Hebdo : Comment êtes-vous venu dans le rap ?
Mylmo N-Sahel :
Je suis venu dans le rap par mon environnement familial, car je suis d’une famille où l’on maîtrise bien l’art de la parole. Nous sommes de la caste des cordonniers ou » garanké » en Bambara.
Mon oncle Hamey Soumbounou est un parolier très connu dans le milieu et mes grands frères faisaient du rap également. Du coup, après leur départ à l’extérieur, j’ai commencé à me familiariser au rap avec les instruments qu’ils ont laissés à la maison. Au finish, c’est en 2007 que j’ai commencé à aller au studio pour mes premiers enregistrements.
Combien d’albums avez-vous sur le marché ?
J’ai deux albums. Le premier c’est Wilibali, sorti le 15 février 2011 et le deuxième est le Retour de Bandiougou, sorti le 13 juin 2014 avec 15 morceaux.
Pourquoi vous avez choisi le Retour de Bandiougou comme titre d’un album ?
Dans mon premier album, il y avait un titre qu’on appelait Bandiougou. Il évoquait les difficultés et le manque de considération dans la famille qui a poussé Bandiougou vers l’émigration. Après cet album, le public me demandait fréquemment à quand le retour de l’émigré, raison pour laquelle j’ai choisi comme titre du second album »le retour de Bandiougou » qui est synonyme également du retour de Mylmo sur la scène musicale.
Quels sont les sujets que vous traitez couramment dans vos albums ?
Je traite les sujets sensibles comme la pauvreté parce que je viens de ce milieu et je peux vous assurer que je sais jusqu’à quel point l’on peut souffrir. Je fais des chansons sur les problèmes quotidiens que rencontrent les gens, sur les difficultés de l’émigration, etc.
Dans vos chansons, vous rendez souvent hommage aux Maliens de la diaspora, pourquoi ?
Le plus grand nombre des migrants maliens sont des Soninkés. Donc c’est un phénomène qui me touche particulièrement. Par exemple, en prenant mon cas, aujourd’hui je suis l’ainé de la famille parce que tous mes frères sont à l’extérieur à la recherche d’une vie. Et quand tu regardes de près dans chaque famille, tu verras qu’il en manque une ou deux personnes qui sont à l’étranger.
Et ce n’est pas toujours facile, car ils sont loin des leurs et ne connaissent rien de ces pays du froid. Il y’a en même qui perdent la vie soit en s’y rendant, soit parce que les conditions de vie sont extrêmement difficiles. C’est donc une façon pour moi de leur rendre hommage et de les sensibiliser à travers mes chansons afin de les rappeler que rien ne vaut qu’être chez soi.
La migration n’est telle pas due au manque d’une politique d’emplois efficace pour les jeunes dans le pays?
D’une part, il n’y a pas une bonne politique d’emplois pour la jeunesse dont un grand nombre est diplômé et au chômage. D’autre part, le comportement des parents qui défavorisent les uns en faveur des autres peut pousser les jeunes à se révolter et partir de chez eux. Dans la plupart des familles pauvres, il y a un l’adage qui dit : » le plus âgé entre deux frères ou deux sœurs c’est celui ou celle qui donne plus aux parents « .
Quelle est votre source d’inspiration ?
Ma source d’inspiration n’est autre que la pauvreté. Tu vois toi-même le milieu dans lequel je vis ; on n’est tous pareils et presque tout le monde à des problèmes et des préoccupations similaires, c’est un peu partout dans le pays.
Donc, quand je regarde cette population qui, en majorité, vit dans la misère, je prends un stylo et un papier et je me mets à écrire tout ce me passe par la tête à ces moments précis, dans la rue, en boite, en famille, à la maison, en un mot partout.
Quelle est votre chanson qui vous a le plus marqué dans vos albums ?
Les chansons qui m’ont beaucoup marqué sont »Maman » et »Papa », deux chansons dont l’un est dans le premier album et l’autre dans le second. Quand je les écrivais l’inspiration venait du fond du cœur et je rends hommage aux mamans et papas responsables dans le monde. Après tout c’est eux qui nous ont mis au monde et ça personne ne peut le nier.
Qu’est ce que c’est le rap, selon vous ?
Le rap, à l’origine, a commencé aux États-Unis avec les Noirs fâchés et frustrés qui n’avaient pas les mêmes droits que les Blancs. Donc les Afro-Américains ont eu l’idée de créer un mouvement afin d’exprimer leur colère et d’envoyer un message fort au monde entier. Comme vous le savez, la définition du Rap, c’est Revolution of African People.
Aujourd’hui, on peut dire qu’ils ont mené un combat et ils ont réussi parce que l’actuel président des États-Unis est un Noir. Par contre, chez nous, on n’a trop de message à véhiculer si ce n’est que de parler des choses qui n’intéressent en aucune manière la population. Le rappeur doit être la voix des sans-voix afin que les politiques sachent réellement les besoins et les attentes du peuple.
Comment vous-voyez le rap malien ?
Notre rap est bien écoutés actuellement et l’on ne peut qu’en être fier. Mais beaucoup de choses restent à améliorer si l’on veut contribuer au développement du pays. C’est mieux de donner une bonne image aux rappeurs et non de s’insulter et donner une mauvaise éducation à nos enfants.
Le Mali vient d’être frappé par la maladie à virus Ebola, qu’en pensez-vous?
Mon idée est claire à ce sujet. D’ailleurs, je viens de boucler une tournée à l’intérieur du pays où je prenais le temps sur scène pour lancer des messages de sensibilisation en invitant les populations au lavage des mains, etc. J’ai fait une chanson sur Ebola avec le collectif des rappeurs à l’initiative de Maliba Production et j’ai chanté également en solo sur la maladie.
Par ailleurs, je compte m’engager personnellement dans mon quartier à Daoudabougou auprès des enfants qui vont à l’école, mais je n’ai pas tous les moyens nécessaires pour cela pour le moment.
Avez-vous des projets?
Oui, je suis sur mon livre intitulé »Conduite et développement » que j’écris petit à petit depuis que je suis au lycée. Je traite seize thèmes comme la gestion de famille, le mariage, rap et éducation, etc. C’est une manière pour moi de contribuer à l’éducation des enfants à travers mes opinions.
Êtes-vous marié ?
Oui, je me suis marié le 22 septembre 2013 avec Oumou Dily Diaby. Je suis père d’un garçon du nom de Cheikna Hamallah qui aura bientôt huit mois.
Votre dernier mot ?
J’invite les rappeurs à ne pas confondre rap et délinquance. Surtout d’essayer de rester nous-mêmes et de faire valoir nos talents. Les Maliens du nord comme du sud, on doit tous se comporter en bon citoyen et savoir que chacun de nous a un rôle à jouer dans le développement du pays.
Mariam CAMARA et Flassoun TRAORE