La répression à l’œuvre en Algérie, depuis plus d’un an, à l’encontre des étrangers est montée d’un cran.
Le sort incertain de 117 demandeurs d’asiles syriens, yéménites et palestiniens déportés le 26 décembre à proximité de la frontière du Niger provoque inquiétude et indignation.
Que sont-ils devenus ? Voilà deux semaines que 117 personnes ont été larguées par les autorités algériennes en plein désert, aux abords d’In Guezzam, localité à 400 km au sud de Tamanrasset, 2 300 km d’Alger et une quinzaine de kilomètres du « point zéro », le poste frontière entre Algérie et Niger.
Cri d’alarme
Le cri d’alarme est venu de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). Le 31 décembre, elle lançait un « appel urgent : des dizaines de Syriens refoulés vers le Niger en danger de mort ! ». Depuis l’on sait que le groupe d’hommes, de femmes et d’enfants abandonnés le 26 décembre était constitué de 47 Syriens, 17 Yéménites et 53 Palestiniens. Tous avaient été détenus au centre de rétention de Tamanrasset, condamnés par un tribunal à trois mois de prison avec sursis pour entrée illégale sur le territoire algérien.
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Les expulsions massives de migrants par l’Algérie suscitent l’indignation
Huit jours après les faits, le Haut-Commissariat aux réfugiés (HCR) sortait de ses gonds. « Compte tenu de l’urgence de fournir une aide humanitaire aux personnes bloquées », l’institution onusienne demandait publiquement le 3 janvier aux autorités algériennes de pouvoir accéder à ces personnes. D’autant que la plupart d’entre elles, si ce n’est toutes, avaient demandé l’asile. Certains Syriens avaient même déjà été enregistrés par le HCR à Alger, au Liban et en Jordanie.
Il n’en fut rien. Le HCR dut même démentir les informations diffusées par des médias selon lesquelles il aurait donné son aval aux refoulements. Dans une Algérie qui excelle à brouiller les repères, la LADDH s’est aussi scandalisée de la diffusion d’un faux communiqué se revendiquant d’elle, affirmant que l’opération d’expulsion s’était déroulée « dans le total respect des droits humains ».
Expulsions massives et forcées
Depuis plus d’un an, l’Algérie procède à des expulsions massives et forcées vers le Niger et le Mali d’étrangers qu’elle amène par bus et camions vers les frontières de l’extrême sud du pays (voir repères).
« L’Union européenne est très satisfaite de la bonne coopération avec le Niger qui a permis d’enrayer les flux migratoires du Sud vers le Nord, rapporte Martin Wyss, chef de l’Organisation internationale des migrations (OIM) basée au Niger. Mais elle n’a pas du tout pris en compte la nouvelle réalité des flux du Nord vers le Sud qui représentent un défi logistique et humanitaire important. » Jusqu’ici seuls les ressortissants subsahariens étaient concernés, qu’il s’agisse de migrants en transit, des nombreux travailleurs employés sur les chantiers, de Maliens n’ayant pas besoin de visas pour séjourner en Algérie, d’étudiants, et parfois de réfugiés.
« Un vrai durcissement »
« L’on assiste à un vrai durcissement de la politique algérienne », souligne une source humanitaire qui souhaite garder l’anonymat, pour ne pas envenimer plus encore la situation, tant le sujet est devenu épineux. Le fait que le pays s’en prenne indistinctement à des personnes très vulnérables requérant une protection internationale a créé un choc.
Ces personnes sont des « djihadistes » liés aux groupes armés présents au Mali et au Soudan et « bénéficient de faux passeports », a justifié Hassan Kacimi, directeur en charge des migrations au ministère algérien de l’intérieur, le 3 janvier à l’agence officielle de presse APS. « Cela n’a pas de sens, souligne un expert. Si ces personnes sont dangereuses, elles doivent être arrêtées et jugées, pas lâchées dans la nature. »
Régulièrement l’OIM entreprend des opérations de recherche et de sauvetage dans le désert. Mais aucun membre du groupe abandonné le 26 décembre n’a été vu sur le sol nigérien aux abords d’Assamakka, la première localité après la frontière. « Ils ne veulent pas aller dans un pays où ils n’ont aucun lien et dont ils ne parlent pas la langue », avance une autre source.
Trace a été retrouvée de 27 d’entre eux, qui ont radicalement rebroussé chemin. Une dizaine se trouve à Alger, une autre à Nador au Maroc, à 2 600 km, et sept aux abords de la frontière algéro-marocaine. Les 90 restants n’ont jusqu’à présent donné aucun signe de vie.
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30 000 déportations forcées en 2018
Plus de 15 000 Nigériens ont été renvoyés au Niger dans le cadre d’un accord entre l’Algérie et le Niger.
Environ 9 000 ressortissants de pays d’Afrique subsaharienne – Maliens, Guinéens et Camerounais au premier chef, mais aussi Ivoiriens, Béninois, Sénégalais, Burkinabés, Gambiens ou Nigérians – ont également été expulsés à la frontière nigérienne.
5 000 Subsahariens ont été déportés vers le Mali.
Plus de 500 réfugiés et demandeurs d’asile ont été arrêtés – certains sont encore détenus – ou déportés.
Le Niger accueille par ailleurs les réfugiés évacués de Libye.
Le Haut-Commissariat aux réfugiés a identifié 56 000 réfugiés et demandeurs d’asile en Libye. Seuls près de 3 000 ont pu être évacués vers le Niger ou pour certains vers l’Italie ou un centre de transit d’urgence établi en Roumanie.
Source: la-croix.com
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