Après Paris, le week-end dernier, où il a eu le privilège d’être le seul chef d’Etat du G5 Sahel à être présent au côté du président Emmanuel Macron, lors d’un sommet auquel ses homologues de la Mauritanie, du Mali, du Burkina Faso et du Tchad ont participé par visioconférence, le président nigérien, Mohamed Bazoum, se trouve, depuis le début de cette semaine, à Alger. Le but de ce déplacement chez le grand voisin du nord est de le convaincre de s’impliquer plus fortement dans la lutte contre le terrorisme dont les observateurs les moins avertis s’accordent à considérer qu’elle a peu de chance d’être gagnée sans sa participation effective sur le terrain. En clair, il est attendu de l’Algérie qu’elle envoie ses troupes renforcer les armées nationales, la force conjointe du G5 Sahel, les forces françaises et, depuis peu, celles européennes (Takuba) qui s’activent, avec plus ou moins de bonheur, à éradiquer le fléau.
L’Algérie est une puissance à l’échelle de l’espace sahélo-saharien occidental voire du continent africain tout entier. Son président Abdelmadjid Tebboune s’en vantait, il y a quatre mois, dans une interview diffusée par RFI, tout en prévenant qu’il est hors de question qu’il envoie des jeunes Algériens mourir pour les populations du Sahel méridional. Voici ce qu’il disait exactement : » L’Algérie ne va pas s’impliquer militairement au Mali et même si nous le décidions, quand la déclaration émane du président français, nous ne le ferons pas. Nous sommes une forte puissance en Afrique, c’est une réalité. Nous sommes une armée forte et nous maintenons notre influence en Afrique mais d’ici à ce que j’envoie les fils du peuple pour se sacrifier au Mali ou ailleurs, non je ne le ferai pas ».
Mohamed Bazoum n’a probablement pas prêté attention à ces propos du plus haut dirigeant algérien, tenus début mars dernier, préoccupé par sa future élection à la présidence nigérienne, sinon il ne serait pas allé perdre son temps dans des discussions oiseuses au palais d’El Mouradia. Le locataire de cette imposante bâtisse juchée sur les hauteurs d’Alger lui fera des promesses mirobolantes du genre : l’Algérie est irréversiblement aux côtés de ses frères africains, elle leur apportera tout le soutien nécessaire pour combattre et éliminer le terrorisme, elle a destin lié avec ses voisins du sud et tutti quanti. Dans les faits, elle ne bougera pas le petit doigt ou plutôt si : elle enverra quelques fusils, des bottes et des bidons d’essence puis ce sera tout. Tebboune l’a dit et il faut le croire sur parole : jamais » un fils du peuple « algérien ne sera sacrifié ni au Mali ni ailleurs.
Le président algérien a la mémoire courte ou alors il n’a pas appris à l’école que sans l’appui et le sacrifice des Maliens sous Modibo Keita son pays n’aurait pas accédé à l’indépendance en 1962. Ce sont des militaires maliens qui allaient réceptionner au port de Conakry les cargaisons d’armes soviétiques destinées aux combattants du FLN et les convoyaient jusqu’aux confins algériens, souvent au risque de leur vie, car l’armée française n’était jamais loin. La ville de Gao abritait la représentation du FLN au Mali et l’ancien président Bouteflika, alors chef de la zone de commandement sud, y a vécu sept ans, ce qui lui a valu le surnom de « Malien ». Ce sont là de bonnes raisons pour que l’Algérie se tienne aux côtés de ses frères sahéliens du sud dans la terrible épreuve qu’ils traversent.
Mais il y en a une autre, décisive: cette épreuve leur a été imposée par l’Algérie elle-même Les organisations terroristes, Alqaïda et EIGS, qui sèment la mort et la désolation au Mali, au Niger, au Burkina Faso viennent principalement d’Algérie. C’est parce que les généraux du FLN ont dépouillé les islamistes de leur victoire aux législatives de 1991 que tout cela a commencé. La répression barbare, qui s’est abattue sur eux, a conduit au phénomène terroriste qui nous accable aujourd’hui. A défaut d’aider ses voisins à se développer avec son pétrole et son gaz, l’Algérie de l’après-Ben Bella-un vrai ami du Mali celui-là- excelle à les exterminer et à les plonger dans une misère sans nom avec le monstre qu’elle a fabriqué avant de l’éjecter hors de ses frontières.
Seule une action diplomatique vigoureuse, menée par le G5 Sahel au sein de l’Union africaine et de l’ONU, est susceptible de contraindre l’Algérie à remplir ses obligations en matière de paix, de bon voisinage et de coopération mutuellement profitable dans la sous-région.
Saouti HAIDARA
Source: l’Indépendant