Les élus communaux et la communauté des chasseurs traditionnels à avaient tous leurs raisons de perturber la visite du président de la République par des manifestations d’humeur. Côté Dozos, l’annonce de l’événement avait coïncidé avec l’arrestation de trois des leurs dans des circonstances non élucidés par nos sources. Il nous est revenu, dans tous les cas, qu’ils avaient juré de ne pas laisser atterrir IBK à Sangha sans la libération de leurs éléments détenus par les forces de l’ordre. Ils finirent par obtenir gain de cause mais la visite du chef d’Etat n’en a pas été moins écornée par le boycott de des maires des communes rurales du Cercle de Bandiagara tous solidaires de leur homologue auquel, quelques jours auparavant lors d’un précédent passage du Premier ministre, l’armée a infligé l’humiliation de lui passer les menottes devant ses administrés. Il s’agit du Maire de Sangha, pourtant seul élu communal ayant accueilli le président de la République parce qu’il ne pouvait pas se soustraire à ce devoir.
Quand les Dozos imposent un nouvel ordre judiciaire en pays Dogon
En l’absence de l’Etat et de toute puissance publique, les Dozos et autres milices communautaires tirer allègrement parti de la confusion ambiante dans le Centre du Mali. Ils s’estiment en effet assez confortablement assis pour se substituer à la justice dans nombre de villages sédentaires. Là, le règne des chasseurs traditionnels se veut total et se manifeste par des pratiques tyranniques n’ayant rien à envier à l’obscurantisme islamiste. Si les uns exécutent froidement, rançonnent à tout-va et sèvrent les enfants d’éducation, les autres s’arrogent le droit de combler le vide judiciaire et administratif par des tribunaux improvisés très biaisés et aux relents de règlement comptes pour certains. Des litiges fonciers entre familles – et même des conflits inter-tribaux de leadership vieux comme le pays Dogon – sont en train d’être tranchés. Les sentences qui en résultent, dit-on, ne sont pas forcément acceptées, mais elles s’imposent à tout citoyen désireux de vivre dans la paix et la quiétude, pardon !, d’être épargné par la foudre des persécuteurs du nouvel ordre.
Général Sidi Touré, cet autre bouc émissaire
L’ancien patron des services de renseignements est tombé de son piédestal quelques heures seulement après un châtiment publiquement infligé au maire de la commune rurale de Sangha en présence de ses administrés, du Premier ministre et de plusieurs autres membres du Gouvernement, pour contestation du bilan officiel des récentes tueries perpétrées dans sa localité. Mais, ce n’est point le motif du limogeage du tout-puissant gouverneur de Mopti, sur qui pesaient par ailleurs le poids de nombreuses récriminations quant à la lenteur des autorités régionales face aux différentes alertes d’expéditions meurtrières dans le Centre. Toutefois, l’épisode dramatique du Cercle de Bandiagara est loin d’être étranger au sort du Général Sidi Touré. Comme pour la précédente tragédie d’Ogossagou, il fallait sans doute qu’un fusible saute pour masquer l’impéritie et l’impuissance des plus hautes autorités dans la gestion de la problématique du Centre. Des chefs d’état-major de l’Armée sont passés par là et il y a lieu de s’interroger sur les prochains boucs émissaires.
IBK et le cycle forcé des visites endeuillées à l’intérieur
Sans le vouloir, le président de la République est de plus en plus présent à l’intérieur du pays. Il y était naguère encore beaucoup moins fréquent et n’en est visiblement obligé que par la succession d’événements horribles devenus le quotidien de communautés peules et dogons. Au lieu de communier avec ses concitoyens autour de réalisations socio-économiques, l’Etat est ainsi réduit à partager le deuil que leur inflige sa gestion calamiteuse de la crise du Centre. Mais pour combien de temps IBK restera-t-il fidèle aux nombreux déplacements que lui impose le rythme infernal des hécatombes imprévisibles ? La question est d’autant plus opportune que le cycle peut paraître très agaçant pour un chef de l’Etat manifestement plus porté sur ses voyages à l’extérieur pour lesquels il s’est doté d’un avion avant même d’en doter l’armée. En atteste pour le moins le ton assez expressif d’un certain tweet où il parle de retour au bercail comme d’une camisole de force. C’est avec un dépit à peine voilé, en effet, qu’IBK explique son renoncement à une rencontre de haut niveau pour venir partager le deuil des habitants de Sangha où plusieurs dizaines de ses compatriotes ont été sommairement exécutés lors d’une expédition criminelle.
La Rédaction
Source: Le Témoin