Menace terroriste, tensions intercommunautaires, soupçons sur l’armée… Le premier tour de l’élection au Mali demain se déroulera sous haute tension. Le sortant IBK et son adversaire Soumaïla Cissé partent favoris.
Violente manifestation à Tombouctou, obus tirés à Sévaré, heurts à Gao liés aux élections. La semaine a encore été émaillée de nombreux incidents et accrochages au Mali, et le climat entourant le premier tour de la présidentielle demain au Mali est loin d’être apaisé. L’opposition a récemment dénoncé une fraude électorale. Le président sortant Ibrahim Boubacar Keïta, élu en 2013, quelques mois seulement après l’intervention de la force française Serval, a pourtant souhaité que le scrutin de 2018 constitue « une fête de la démocratie ». De nombreuses incertitudes planent sur cette élection à laquelle 24 candidats de tous bords participent. IBK veut « consolider la paix », quand Soumaïla Cissé, son principal opposant comme en 2013, entend « restaurer l’espoir et sauver le Mali ».
Un État absent
Ces déclarations d’intention ne masquent pas la situation catastrophique dans laquelle se trouve le pays aujourd’hui. Surtout au plan sécuritaire. Un Mali où la paix reste un mirage, malgré la présence de milliers de Casques bleus, de soldats français de Barkhane, des militaires de la force G5 Sahel, sans compter l’armée malienne. Les accords d’Alger en 2015, devant établir une zone de non-agression au nord du pays, sont quasiment restés lettres mortes. « La situation s’est clairement dégradée depuis 2014 », nous confiait il y a quelques semaines le général Marc Foucaud, ancien patron de la force Serval, aujourd’hui reconverti dans le civil, « une solution militaire seule ne suffit pas, il fallait une solution politique, mais elle est arrivée très tard et pas dans de bonnes conditions ». Les investissements économiques sont aussi en panne.
Cette élection peut-elle changer la donne et faire souffler un vent d’optimisme de Bamako à Kidal ? Le défi est énorme. À la menace terroriste, alimentée notamment par l’émir touareg Iyad Ag Ghali, à la corruption et aux trafics dans la région des trois frontières (Niger, Mali, Burkina Faso), s’ajoutent désormais les tensions intercommunautaires entre Peuls et Dogons, dans le centre du pays. Elles ont fait près de 300 morts depuis le début de l’année, l’armée malienne jouant un rôle parfois obscur dans ce conflit. Sans oublier le rôle influent des milices, souvent proches du pouvoir en place.
L’État malien a failli durant ces dernières années, a régulièrement martelé l’ONU. L’aide au développement* a été freinée par des années de violences. La communauté internationale semble ne pas percevoir de solution à ce cercle vicieux sur lequel prospèrent extrémisme et gangstérisme. « Le pouvoir politique bouge au Mali, rien n’est inexorable, on peut inverser la tendance, la solution politique appartient aux Maliens », analyse Marc Foucaud, grand connaisseur de l’Afrique. Et la France dans tout ça ? « Elle aide, elle facilite, elle a donné beaucoup, y compris certains de ses enfants, mais elle ne va pas résoudre ce problème politique… »
* L’Agence française de développement mène au Mali 55 projets pour 357 millions d’euros engagés.
Source: lalsace