La récente publication dans la revue Science des travaux de l’Amborella Genome Project, un consortium d’une cinquantaine de chercheurs répartis dans onze pays, est le couronnement de trois ans d’une intense coopération pour déchiffrer le génome d’Amborella trichopoda, une espèce unique à plus d’un titre.
Cet arbuste aux fleurs couleur crème et aux fruits rouges pousse uniquement dans les forêts humides de Nouvelle-Calédonie. Ayant survécu à deux périodes glaciaires il y a près de 21.000 ans, en trouvant refuge sur des massifs, l’amborella est la plus ancienne des quelque 300.000 espèces de plantes à fleur connues. Sa position singulière, entre les gymnospermes (les plantes à graines, comme les conifères) et les angiospermes (les plantes à fleur), fait d’elle «une plante majeure pour la compréhension de la dominance mondiale des plantes à fleur par rapport à d’autres espèces», indique Valérie Burtet-Sarramégna, biologiste moléculaire et maître de conférences à l’université de Nouvelle-Calédonie (UNC), coauteur de l’étude.
En 2009, des chercheurs de l’université d’État de Pennsylvanie (États-Unis) décident d’en séquencer le génome. Deux ans plus tard, ils se rendent en Nouvelle-Calédonie pour récolter des échantillons d’ADN. Depuis, les échanges entre les différentes équipes étudiant l’amborella se sont multipliés dans un esprit d’«émulation scientifique», témoigne la biologiste calédonienne.
Une duplication génétique il y a 200 millions d’années
L’équipe, associant l’UNC, l’IAC (Institut agronomique néo-calédonien), le CNRS de Lyon, l’Inra AgroParisTech de Paris et l’IRD de Montpellier, s’est focalisée sur un groupe de protéines, les globulines 11S, contenues dans les graines. Connaître l’enchaînement des acides aminés de ce type de protéine permet de prédire sa structure dans l’espace et donc sa fonction biologique, en l’occurrence un rôle de réserve nutritive pour ce type de protéines dites alimentaires. La comparaison avec d’autres espèces est aussi le moyen d’identifier des caractéristiques spécifiques à l’amborella, pour comprendre son évolution et celle des autres plantes à fleur, notamment les plantes alimentaires (soja, pomme de terre, tomate, etc.).
De leur côté, les chercheurs américains ont découvert une duplication génétique (un doublement complet du génome) apparue il y a 200 millions d’années. Suite à ce doublement complet du génome de la plante, au gré des mutations et au fil de l’évolution, de nouveaux gènes sont apparus et, avec eux, de nouvelles fonctions comme le stockage d’éléments nutritifs dans les graines. Cette analyse génomique a également révélé l’intégration (par un mécanisme appelé transfert horizontal) du génome d’autres espèces: une algue, trois mousses et deux autres plantes.
Si le puzzle génétique d’amborella est résolu, ses graines gorgées de protéines et de lipides recèlent encore bien des découvertes. Une analyse que comptent bien poursuivre les chercheurs calédoniens. D’ailleurs, le choix d’étudier cet organe était loin d’être anodin: «Comprendre la germination de cette graine permettra de la stocker et de la faire germer en serre au lieu d’aller la prélever» dans la forêt, souligne Valérie Burtet-Sarramégna.
Source: LE FIGARO