Et comme chaque semaine nous retrouvons Bruno Daroux, pour Le Monde en Question. Cette semaine, retour sur la libération de quatre otages, dont les deux Français enlevés dans le nord du Bénin le 1er mai. Cette libération d’otages suite à une opération militaire pose plusieurs questions, mais notamment celle-ci, Bruno : la menace jihadiste est-elle en train de muter dans cette zone ?
La réponse est oui. Depuis l’effondrement du califat en Syrie et en Irak, l’Organisation État islamique et autres groupes islamistes ont décidé de revenir à une forme de guérilla de harcèlement. Ce qui passe par la création de petites cellules, ultra-mobiles, connaissant très bien le terrain. Au Proche-Orient et en Asie notamment.
Au Sahel, ces cellules n’hésitent pas, souvent sous la contrainte des opérations menées par les armées nationales africaines regroupées dans le G5 Sahel et aussi par la force française Barkhane, à élargir leur terrain d’opérations. Contrées, empêchées au Mali, ces cellules ont commencé à s’étendre au Burkina Faso à partir de 2015, profitant d’une forme de flottement sécuritaire après le renversement de Blaise Compaoré.
La sonnette d’alarme du Burkina
En décembre, les autorités burkinabè ont alors souligné la multiplication des cellules jihadistes et leurs exactions, même si 9 fois sur 10, ces dernières ne sont pas revendiquées. Ces groupes jihadistes choisissent en général des zones désertiques et abandonnées par le pouvoir central pour s’installer.
Elles gagnent facilement le cœur de populations locales totalement oubliées, vivant dans une extrême pauvreté, n’ayant pas par exemple d’accès à l’eau, donc en colère, donc facilement influençables par une doctrine, religieuse de surcroît, qui prône la revanche juste sur un pouvoir inique, corrompu, allié aux grandes puissances mécréantes.
Influence étendue des jihadistes
D’où cette progression au Burkina Faso, notamment dans le nord du pays, dans une zone reculée où a eu lieu l’opération des commandos français, avec le soutien en matière de surveillance des Américains, et le soutien logistique des Burkinabè. Ces cellules jihadistes qui se réclament soit d’al-Qaïda, soit de l’organisation État islamique, ont commencé depuis quelques mois à étendre leur influence dans les zones septentrionales des pays côtiers au sud du Burkina – Ghana, Togo, et donc Bénin, en profitant de frontières plus que poreuses.
Et ce n’est pas un hasard si c’est la France qui est visée, puisque c’est elle qui assume l’essentiel de la lutte anti-terroriste au Sahel dans le cadre de l’opération Barkhane. Paris a toujours dit que cette présence ne serait pas éternelle, mais on voit bien que le désengagement n’est pas pour demain – et qu’il sera en tout cas extrêmement progressif. En attendant, la France n’abandonne pas ses concitoyens, a dit la ministre des Armées Florence Parly. En agissant et en prenant des risques – et non plus en payant des rançons.
RFI