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La mobilisation des religieux en question : Attention au péril anti-républicain

Les recettes et ingrédients ayant agrémenté la conquête du pouvoir doivent-ils marcher tout aussi bien à l’exercice du pouvoir ? C’est la question qu’inspirent les tournures que prend la pression de composantes associatives du monde musulman sur les autorités – et qui s’est cristallisée dans la déstabilisation de celle-ci à travers un imposant rassemblement au Stade du 26 Mars.

Un redoutable rouleau compresseur dont les origines remontent apparemment à la suppression d’une certaine cellule taillée à la mesure de l’Imam Mahmoud Dicko. Jusqu’alors logée à la Primature, ladite structure pesait plusieurs centaines de millions de nos francs et est destinées à ériger un pont du dialogue entre Bamako et les djihadistes du Centre du Mali. Toutes choses que l’actuel Premier ministre, à peine nommé, a jugées inutiles et supprimées par conséquent.
Après une longue bouderie, l’hostilité ainsi déclenchée entre le leader du HCIM et les pouvoirs s’est finalement ouverte dans la foulée d’une pseudo-polémique sur l’homosexualité, en l’occurrence l’Education Sexuelle Complète. En dépit d’un renoncement au projet, le malentendu n’aurait peut-être pas échappé à l’enlisement, même si une brèche n’avait été ouverte par l’assassinat de l’Imam Yattabaré.

Un premier rassemblement annoncé au Palais de la Culture a avorté, mais la protestation devait revenir par une allure plus redoutable au Stade du 26 Mars avec la participation annoncée du Chérif de Nioro. Ce dernier ne sera pas au rendez-vous mais la mobilisation l’était si forte qu’elle justifiait toute la valse des pouvoirs publics pour tenter d’en esquiver les éclats à coups de gratifications financières trop conséquentes pour ne pas paraître intrigantes. En effet, pour une manifestation de quelques heures à peine, les autorités ont consenti à appuyer les organisateurs à hauteur d’une bonne centaine de millions de nos francs finalement revue à la baisse de moitié, une manne retournée aux généreux expéditeurs tout simplement, dit-on, parce que la cause du meeting était assez mobilisateur pour qu’il draine du monde sans argent : combat contre l’impunité par une restauration de la peine de mort, lutte contre l’insécurité dans le pays et l’instabilité au Centre en particulier, la mauvaise gouvernance, etc. Autant de défis et motifs de frustrations pour lesquels – aux yeux des initiateurs comme de leurs alliés politiques de circonstance – le Premier ministre et son équipe sont déjà disqualifiés et doivent céder la place à une équipe plus apte à combler les attentes des Maliens.
Pour légitimes qu’elles puissent paraître, lesdites revendications – en ce qu’elles comportent de politiques – respirent l’étrangeté d’être portées par une déferlante religieuse qui marche majestueusement sur les platebandes d’un microcosme politique réduite à se disputer les bonnes grâces des hommes du Culte, faute d’audience propre auprès du peuple. Le phénomène s’est engouffré dans les premières brèches du pouvoir ATT trop fébrile devant la terreur instaurée par les associations musulmanes au détour de l’avènement du Code de la Famille. Et l’autorité de l’Etat en était si affectée que le pays en deviendra le théâtre de désobéissances militaires, le pouvoir une proie trop prenable pour échoir aux mains d’une soldatesque et le territoire national aux envahisseurs islamistes. Des concours de circonstances ayant contribué à porter l’actuel chef de l’Etat au firmament d’une gloire si inespérée qu’elle lui a imposé cet aveu public en direction du monde musulman : «C’est vous qui m’avez installé à la place où je me trouve et tant que vous demeurerez avec moi nul ne pourra me déstabiliser».
La reconnaissance révèle, en définitive, la réalité d’un filon religieux si évidente dans l’accession à la magistrature suprême que son exploitation aiguise forcément la tentation chez ceux qui veulent la conquérir ou la détruire et l’appétit chez qui veut tirer les ficelles de son exercice.

Néanmoins, en refusant de percevoir les enjeux de la percée des associations musulmane sous le prisme d’une suprématie du confessionnel assez dangereuse pour mettre en mal la laïcité et les autres fondements républicains de la démocratie, le politique se sera montré oublieux des récents errements à l’origine de la fragilisation de l’Etat et de la grande équation à laquelle le monde entier est étonné de ne pas trouver une solution depuis 2012 : la crise malienne.

A KEÏTA

Le Témoin

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