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La mise en oeuvre de l’accord de paix risque d’être compromise par le trafic de drogues au nord

BAMAKO, 17 septembre (Xinhua) — Le contrôle des routes de la drogue constitue le principal enjeu de la reprise des hostilités entre groupes armés du nord du Mali, estime un attaché militaire d’une chancellerie occidentale sous couvert d’anonymat.

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Cette appréciation est partagée par de nombreux observateurs pour qui, le trafic de drogue est “l’un des obstacles majeurs au retour de la paix dans le nord du Mali”.

Le chef de la Mission de paix de l’ONU (MINUSMA), Mongi Hamdi, est aussi du même avis.

“Certains éléments des groupes armés s’intéressent plus à sécuriser les routes de la drogue qu’à la paix dont ils ont pris en otage le processus”, a-t-il déclaré dans une récente interview.

Selon des témoignages, la nouvelle route du trafic de drogues dans le nord du Mali passe par Anefis, Tabankort, Ménaka, Ansongo.

“Tenir la zone de Tabankort permet de contrôler d’importantes routes de trafic, notamment celui de la cocaïne”, souligne Yvan Guichaoua, professeur à l’université d’East Anglia (Royaume-Uni) et spécialiste du Sahel cité par la presse malienne.

“Le nord du Mali est un no man’s land où les chefs de guerre contrôlent tout ce qui est illicite pour maintenir une troupe indispensable à la réalisation de leurs ambitions”, souligne le Malien Alexis Kalambry, analyste et spécialiste de la sécurité dans la bande sahélo-saharienne.

Pour cet expert, “le trafic de drogues fait partie des causes des récents combats car le Gatia (groupe armé pro-gouvernemental) ne voulait pas laisser le secteur à la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA, ex-rebelles) qui s’adonnait à ce commerce au vu et au su de tous”.

“Toute la bande est utilisée comme zone de trafic, de transit. La preuve c’est Air Cocaïne qui est loin d’être un cas isolé”, argumente M. Kalambry.

En effet, en novembre 2009, un Boeing 727 avait été découvert calciné près de Gao. L’enquête avait établi qu’il s’agissait d’un appareil vénézuélien transportant une dizaine de tonnes de cocaïne destinée au marché européen.

Pour l’attaché militaire, le trajet passant par le nord du Mali offre aux cartels sud-américains “le double avantage d’éviter les contrôles croissants des autorités américaines au large des Caraïbes et de tirer profit de l’instabilité politique et de la corruption qui règnent dans plusieurs États d’Afrique occidentale”.

Dans le nord du Mali, ce fléau a indéniablement pris de l’ampleur depuis la partition du pays à cause du vide politique que le conflit a créé.

Ainsi, “les groupes islamistes se sont insérés dans les trafics qui leur permettent de financer des activités liées à leurs revendications politiques”, commente dans la presse française Philippe Hugon, directeur de recherche à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) en charge de l’Afrique.

“En quelques années, le nord du Mali est ainsi devenu la nouvelle plaque tournante du trafic de cocaïne vers l’Europe (…) Sur les 200 ou 250 tonnes de cocaïne produites en Colombie, au Pérou, en Bolivie (…) et destinées au marché européen, on estime aujourd’hui qu’entre 50 et 70 tonnes transitent par l’Afrique de l’Ouest”, souligne un récent rapport de la Cellule de prévention des crises et de sortie de conflit à l’Agence française de développement (AFD).

Selon les dernières estimations de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime, datant de mars 2015, au moins 18 tonnes de cocaïne transiteraient chaque année par la région. La valeur estimée de la marchandise écoulée au détail en Europe est de 1,25 milliard de dollars.

Si les responsables de la cellule de l’AFD ne croient pas que les rebelles sont “directement impliqués” dans le transport des drogues, ils assurent qu’il est “fort probable qu’ils apportent une complicité militaire au trafic en autorisant la traversée de leur territoire et une protection militaire monnayées”.

“Un groupe armé touchait 300.000 dollars par mois, uniquement pour escorter des convois depuis le nord-est du pays jusqu’au Niger”, révèle l’hebdomadaire français L’Express.

Pour l’attaché militaire, l’implication des groupes arabo-touaregs ne fait l’ombre d’aucun doute.

De l’avis d’Alexis Kalambry, “les chefs rebelles sont impliqués au plus haut point pour assurer le coûteux entretien d’une troupe. Il est vrai que les uns et les autres disposent de soutien, mais il faut un fonds propre pour se garantir la fidélité des troupes. Ce qui leur assure le contrôle des trafics illicites”.

Ces groupes indexés, CMA et Plateforme, n’ont pas officiellement accepté de réagir à ces accusations. Mais, ils reconnaissent implicitement ce trafic et se rejettent la responsabilité.

Même si elles n’indexent pas directement les groupes rebelles, cette menace est très prise au sérieux par les autorités maliennes qui, en juin dernier, avait sollicité les Nations unies pour “s’attaquer aux trafiquants de drogue”.

“Nous ne parviendrons jamais à un règlement définitif de cette crise sans cette initiative parce que les drogues alimentent ce conflit”, a déclaré le ministre malien des Affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop devant le Conseil de sécurité.

Mais, notent des observateurs, Bamako ne doit pas trop compter sur la Minusma et l’opération française Barkhane pour combattre ce trafic.

“Notre mission est avant tout de protéger les civils. Nous n’avons pas de mandat spécifique pour lutter contre les trafics”, soulignait Radhia Achouri, porte-parole de la Minusma lors d’un point de presse hebdomadaire.

Quant à Barkhane, sa cible prioritaire reste les groupes jihadistes qui sillonnent toujours l’immensité sahélienne. Même si éviter la naissance d’un “Etat narcoterroriste” était l’une des motivations de l’opération Serval au Mali en 2012.

“Les trafiquants représentent l’adversaire que chacun préfère éviter. La communauté internationale devrait lutter contre eux de manière résolue et cohérente, car ils sont au croisement de tous les maux qui gangrènent la région”, plaide Kader Toé, chroniqueur politique et expert de la sécurité dans la bande sahélo-saharienne.

Source: Xinhua

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