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La lutte contre l’enrichissement illicite a du plomb dans l’aile : Le Premier ministre Dr Boubou Cissé récuse de déclarer ses biens à l’OCLEI

Les magistrats aussi s’auto-excluent de cette exigence légale

 

Le Premier ministre, ministre de l’Economie et des finances, Dr. Boubou Cissé, récuse à déclarer ses biens conformément à la loi. Le chef de gouvernement n’aurait pas apprécié la manière dont le président de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement Illicite (OCLEI), Moumouni Guindo, s’est adressé à lui, pour le rappeler à respecter cette obligation légale pour le compte de l’année 2020. Dr. Boubou Cissé ne serait pas dans la disposition de donner une suite favorable à la correspondance à lui adressée dans ce sens. Les magistrats aussi ont refusé de se soumettre à cette épreuve, toute chose qui concourt à mettre en péril les missions de l’OCLEI et surtout à compromettre les efforts de lutte contre la corruption et la délinquance financière.

Après le président de la République dont la Constitution impose la déclaration des biens devant la Cour suprême, le Premier ministre, Chef du gouvernement est celui qui doit donner le ton des déclarations des biens des agents de l’administration sous sa responsabilité. Ce qui n’est pas le cas actuellement. Le locataire de la Primature, Dr. Boubou Cissé, selon des sources bien informées, n’aurait pas encore déclaré ses biens à la Cour suprême.

Depuis son opérationnalisation en fin 2017, l’OCLEI a certes contribué à booster le nombre de déclarations des biens, mais n’est jamais parvenu à soumettre certains hauts responsables à cette obligation.

En effet, avant cette structure, le nombre de déclarations de biens déposées auprès de la Cour suprême était de 86. Sur la base de l’article 9 de la Loi n°2014- 015 du 27 mai 2014 portant prévention et répression de l’enrichissement illicite, l’OCLEI a dénombré environ 8000 personnalités assujetties à l’obligation de déclaration de biens. L’article 3 relatif au champ d’application stipule  » sont assujettis à la présente loi toute personne physique civile ou militaire, dépositaire de l’autorité publique, chargée de service public, même occasionnellement ou investie d’un mandat électif, tout agent ou employé de l’Etat, des collectivités publiques, des sociétés et entreprises d’Etat, des établissements publics, des organismes coopératifs, unions, associations ou fédérations desdits organismes, des associations reconnues d’utilité publique, des ordres professionnels, des organismes à caractère industriel ou commercial dont l’Etat ou une collectivité publique détient une fraction du capital social et, de manière générale, toute personne agissant au nom ou pour le compte de la puissance publique et/ ou avec les moyens ou les ressources de celle-ci ».

En tête de cette liste se trouvent naturellement le gouvernement, les premiers responsables des principaux services publics, les gestionnaires des fonds publics etc

Suite au mouvement de grève des syndicats, notamment le SYNTADE, une liste de 1479 personnalités a été communiquée à l’OCLEI, le 24 mai 2018, par le ministre de l’Economie et des Finances. Ces personnalités ont donc l’obligation de déclarer chaque année leurs biens. A défaut, elles font l’objet de rappel par voie administrative, à travers les chefs d’institutions, de départements ministériels et d’autorités administratives indépendantes. Ces actions ont abouti au dépôt de 998 déclarations de biens auprès du Président de la Cour suprême, organe habilité à recevoir les dites déclarations. La moyenne mensuelle de dépôts a été de 31 déclarations en 2017 et 260 en 2018.

Nonobstant ce nombre qui apparait élevé, plusieurs catégories, dont les magistrats, ne sont pas incluses.

Face à cette situation, le président de l’OCLEI, Moumouni Guindo, a adressé, au mois de février dernier, une correspondance au Premier ministre pour l’inviter à procéder à la déclaration de ses biens pour la nouvelle année. Ledit document, selon des sources proches de la Primature, était frappé du sceau « Pour attribution ». En terme administratif, cela signifie que l’autorité destinatrice doit s’exécuter impérativement. A en croire les mêmes sources, c’est  » ce rappel à l’ordre  » avec une telle mention du président de l’OCLEI qui a mis le feu aux poudres.

Car, même si l’OCLEI est  » une autorité administrative indépendante  » par son statut, il relève tout de même de la Primature. Donc, Dr. Boubou Cissé n’a pas apprécié qu’un de ses subalternes s’adresse à lui avec cette mention. Depuis lors, il boude l’OCLEI et y a même diligenté une mission d’inspection du contrôle Général des Services Publics.

Bien avant, rapportent nos sources, le courant ne passait pas bien entre le Premier ministre et le président de l’OCLEI, depuis la conférence de presse du 4 janvier 2020 que ce dernier a animée pour présenter son premier rapport d’activités.

Lors des échanges avec la presse, le magistrat Moumouni Guindo a relevé certains cas d’enrichissement illicite contre des fonctionnaires qui ne figuraient pas dans le rapport annuel. Mieux, ces personnes, mises en cause, seraient des membres ou des sympathisants du puissant syndicat de l’administration d’Etat dirigé par Yacouba Katilé, par ailleurs Secrétaire général de l’UNTM.

Or, il se trouvait que lors de l’entrée en fonction de l’OCLEI et, suite au mouvement de contestation du SYNTADE, pour apaiser le climat social, Dr. Boubou Cissé, alors ministre de l’Economie et des finances, celui-ci même qui définit de champ d’action de l’OCLEI, avait pris des engagements avec le syndicat afin que l’Office se montre, à l’avenir, plus clément dans sa démarche contre l’enrichissement illicite. En mettant sur la place publique les cas de ces fonctionnaires, en fournissant des indices qui favorisent leur identification par les populations, le président de l’OCLEI, selon le Premier ministre, a outrepassé ses compétences et l’a mis en délicatesse avec le SYNTADE.

Aujourd’hui, certains responsables de l’OCLEI désespèrent de l’avenir même de cette structure qui semble créer beaucoup plus de problèmes qu’elle n’en résout et du fait du management de son président qui ne semble pas faire preuve de « tact » face à certains dossiers sensibles et aux obstacles mis sur son chemin.

Par rapport au premier aspect, il faut souligner le cas des membres de l’OCLEI admis à la retraite alors que leurs mandats ne sont pas achevés. L’article 14 du décret n°01-067 du 12 février 2001 est clair :  » Il ne peut être mis fin aux fonctions de membres de l’Office Central de Lutte contre l’Enrichissement illicite avant l’expiration du mandat qu’en cas de démission, de décès, de faute lourde ou d’empêchement absolu ».

Malheureusement, Moumouni Guindo a sollicité le remplacement de ces agents amenant même l’Association des procureurs et poursuivants du Mali à saisir le président de la République par rapport au cas d’une magistrate remplacée dans ces conditions. Avec tout cela, on se demande si l’OCLEI n’est pas devenu une structure à problème ?

On se rappelle que la loi portant sur sa création avait peiné même à accoucher en son temps, les députés ayant conditionné son vote à ce que leurs noms n’y figurent pas. Une position récemment justifiée par Dr. Boubou Cissé lors de la rentrée annuelle du REAO (Réseau des Entreprises d’Afrique de l’Ouest), affirmant que  » tous les députés ne gèrent pas les ressources de l’Assemblée nationale. Ils ne sont que trois ou quatre à le faire (NDRL : le président et les questeurs) « . Or, même ceux-ci ne figurent pas dans la liste des personnes assujetties. Une insuffisance qui sera, peut-être, corrigée avec la relecture de cette loi dont le processus est déjà engagé.

Y. CAMARA

Source : l’Indépendant

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