Des milliers de jeunes manifestent contre le réchauffement climatique ce vendredi 29 mars à Berlin, en présence de la Suédoise Greta Thunberg, icône du mouvement avec sa grève hebdomadaire de l’école. Une mobilisation qui interroge et interpelle la génération au pouvoir dans une Allemagne grisonnante.
Comme tous les vendredis depuis plusieurs semaines, les jeunes se sont rassemblés devant le ministère de l’Économie à Berlin, brandissant des pancartes en carton appelant à « sauver notre planète ». Ils doivent ensuite gagner la porte de Brandebourg, où Greta Thunberg doit prendre la parole dans l’après-midi.
Depuis décembre et la création du mouvement, la mobilisation de collégiens, lycéens et étudiants va crescendo en Allemagne, via de nombreux groupes WhatsApp. De quelques centaines fin 2018, les mobilisations du vendredi concernent depuis mi-janvier souvent plus de 15 000 élèves, dans une cinquantaine de villes allemandes.
La mobilisation en Allemagne se cristallise en grande partie autour de la sortie du charbon, programmée par le gouvernement pour 2038. Les jeunes manifestants souhaitent une sortie avancée à 2030. Ils réclament aussi des mesures concrètes comme le développement de l’offre de transports publics dans les grandes villes, ainsi que la construction de nouvelles pistes cyclables.
Paternalisme politique
Face à leur détermination, les responsables politiques se sont retrouvés « à la fois irrités et démunis », analyse Klaus Hurrelmann, professeur de la Hertie School of Governance de Berlin. Notamment ceux du parti conservateur de la chancelière Angela Merkel. Un brin paternaliste, le ministre de l’Economie Peter Altmaier a tancé les enfants qui sèchent l’école. « Les manifestations ne seraient pas moins pertinentes en dehors des cours », a-t-il récemment estimé.
Cette réaction illustre le fossé générationnel qui se creuse dans cette Allemagne vieillissante et qui observe, interloquée, cet engagement politique inédit depuis la réunification. « C’est très inhabituel », confirme le professeur Hurrelmann. L’engagement de la jeunesse allemande avait touché le fond pendant la crise financière mondiale de 2008, et renaissait doucement depuis, essentiellement via les réseaux sociaux, au fil d’un retour de la prospérité économique et d’une réduction du chômage.
Globalement, jeunes et adolescents allemands réclament que les responsables pensent à eux dans un pays où un adulte sur cinq a plus de 65 ans, selon l’Office des statistiques, et où les seniors constituent déjà le plus gros contingent d’électeurs.
Les retraites avant le climat
Le phénomène va s’accentuer avec le départ à la retraite à partir de 2020 d’une grande partie des « baby boomers » nés après la Seconde Guerre mondiale. Les débats au sein de la grande coalition réunissant conservateurs et sociaux-démocrates sur un projet de retraite de base illustrent d’ailleurs bien les priorités des partis traditionnels.
« Les jeunes manquent d’une politique claire sur ce à quoi notre société va ressembler dans 20, 30 ans », et veulent avoir voix au chapitre, soulignaient récemment Horst Opaschowski, de l’institut de recherche sur l’avenir Hambourg, qui a publié une étude sur l’engagement politique des 14-20 ans.
Potentiel vivier d’électeurs
Leur révolte touche donc à un conflit de générations. Car s’il n’est pas inhabituel que les jeunes rejettent la politique de leurs aînés, « un vote de défiance aussi clair, tel qu’il s’est exprimé ces dernières semaines, est unique et devrait secouer les partis », pointe le magazine Der Spiegel.
Cela pourrait constituer une chance, enchaîne Klaus Hurrelmann, si les formations représentées au Parlement décidaient de prendre la jeunesse au sérieux. Abaisser l’âge du droit de vote à 16 ans, comme évoqué par le Parti social-démocrate (SDP), ou un quota fixe de candidats de moins de 30 ans aux prochaines élections, pourraient selon lui les encourager à adhérer à des partis qui ont besoin « de se trouver de nouveau en phase avec la jeune génération ».
Source : RFI
Source: Le Pays